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Volume 2 Numéro 6
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P
ratico
-
pratique
Le diagnostic d’une affection bénigne est utile pour le patient
et peut mener à un traitement et à un suivi adéquats; un faux
résultat positif indiquant une affection bénigne est alors utile pour
traiter et rassurer le patient. En revanche, un faux négatif peut re-
tarder le diagnostic. Dans le cas des lésions buccales, le problème
vient de la difficulté de distinguer les réactions inflammatoires
courantes des changements dysplasiques et malins. Les affections
potentiellement malignes et même le carcinome spinocellulaire
de la cavité buccale sont des processus complexes dont l’évolu-
tion est imprévisible, même si le risque qu’une affection potentiel-
lement maligne évolue en cancer est plus élevé en présence de
changements moléculaires plus avancés et de dysplasie
11
.
Parmi les méthodes diagnostiques actuellement disponibles, le
conseil des affaires scientifiques de l'Association dentaire amé-
ricaine recommande dans de telles circonstances
7
la coloration
par le bleu de toluidine réalisée par des experts pour les patients
à haut risque (données probantes de niveau I) ou la cytologie
exfoliative (données probantes de niveau II). Cependant, en raison
des données limitées, il ne recommande pas que ces tests soient
exécutés par des non-spécialistes ou chez des populations qui ne
sont pas à haut risque. L’utilisation de l’imagerie par fluorescence a
été proposée dans les cas connus de lésions épithéliales buccales
potentiellement malignes et de carcinome spinocellulaire pour
aider à en délimiter les contours
7
. Les résultats de la détection
visuelle des lésions de la muqueuse buccale et du diagnostic
histologique varient, et il semble qu’une expérience clinique,
qu’un usage approprié des méthodes et que de nouveaux outils
et appareils soient nécessaires pour améliorer le diagnostic
12,13
. En
raison du nombre limité d’études sur l’ensemble des tests auxi-
liaires utilisés en pratique générale, et de l’absence de données sur
les taux de faux positifs et de faux négatifs, aucune recommanda-
tion ne peut être formulée à ce stade-ci, et toutes les méthodes
sont considérées comme facultatives.
Tout comme dans le cas de lésions siégeant ailleurs dans l’orga
nisme, on ne peut prévoir l’évolution des lésions buccales en
cancer; il arrive en effet qu’il y ait résolution de la dysplasie et
même d’un cancer précoce sans traitement, ce qui complique les
décisions en matière de diagnostic et de traitement. En attendant
d’avoir des outils de diagnostic plus prévisibles et de meilleures
mesures de l’évolution des lésions, les décisions cliniques doivent
actuellement s’appuyer sur les données probantes disponibles
et sur l’expérience. La norme actuelle consiste à distinguer les
lésions inflammatoires de la dysplasie et à exercer un suivi clinique
cohérent, avec examens histologiques s’il y a lieu. Pendant que
se poursuit la recherche de traitements plus efficaces, la prise en
charge des affections buccales potentiellement malignes repose
sur des données limitées, qui consiste en un traitement médical
et en un suivi de près s’il y a lieu, comme c’est le cas pour les
lésions dysplasiques détectées ailleurs dans l’organisme
14,15
. Bien
que la chirurgie puisse être envisagée plus souvent dans les cas de
dysplasie grave, il n’en demeure pas moins que le risque d’évolu-
tion en cancer persiste et qu’un suivi est nécessaire.
Les autorités de santé publique ne recommandent pas de dépis-
tage de masse pour les lésions buccales malignes, le carcinome
spinocellulaire buccal ou le carcinome oropharyngé. Cependant,
les recherches à ce sujet se poursuivent. Dans l’intervalle, il est
Tableau 4
Techniques pour le dépistage du cancer de la tête,
du cou et de la bouche
Techniques actuellement
disponibles
Technologies en
développement
– Auto-examen par le patient
– Antécédents : facteurs de risque,
symptômes
– Examen clinique
– Imagerie :
– Lumière de basse énergie, par
fluorescence
– Radiodiagnostic : IRM, autres
techniques d’imagerie
– Coloration des tissus : bleu de
toluidine
– Cytologie exfoliative
– Biopsie : histologie, tests
moléculaires
– Imagerie :
– Tomographie par
cohérence optique
– Spectrométrie Raman
– Cytologie exfoliative + tests
moléculaires
– Cytologie 3D
Remarque : IRM= imagerieparrésonancemagnétique
Tableau 3
Facteurs de risque et symptômes connus du cancer
de la bouche
Facteurs de risque
Symptômes*
Tabac : à fumer, à mâcher
Noix d’arec : à mâcher
Abus d’alcool
Activité sexuelle : infection
actuelle ou antérieure par le
VPH-16, le VPH-18
Immunosuppression :
traitement médical ou origine
génétique (p. ex. maladie de
Fanconi) ou infectieuse (VIH)
Antécédents de radiothérapie
de la tête et du cou,
chimiothérapie
Lésions épithéliales
précancéreuses (p. ex.
dysplasie, lichen plan)
– Lésions blanches/rouges,
aphtes buccaux, masse
(> 2 semaines)
– Saignement : bouche,
gorge
– Douleur/engourdissement :
unilatéral
– Mouvement limité des
tissus atteints
– Dents mobiles
– Masse cervicale
– Pharyngite, dysphagie,
dysphonie
– Perte de poids
*Bienqu’aucunedonnéen’indiqueque l’auto-examende labouchesoitbénéfiqueouutileaudiagnostic,
lesprofessionnelsde lasanté insistentsur l’importancedessymptômesdéclaréspar lepatient.Remarque :
VPH=virusàpapillomehumain
suggéré de faire une évaluation opportuniste durant les
examens dentaires de routine, car cela n’entraîne pas de
coûts supplémentaires à moins d’avoir recours à des tests
coûteux.
a
Références
Listecomplètedesréférencesà
jcda.ca/fr/article/e47Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les
politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.