Volume 11 • 2024 • Numéro 3

Cette évolution démographique et l’accroissement du nombre de travailleurs qu’elle demande ont des conséquences sur la population active et les employeurs. «Les travailleurs canadiens veulent des emplois de meilleure qualité, observe le Dr Sweetman. La demande élevée réduira l’inégalité des revenus, ce qui est bien, mais elle accroîtra les coûts d’embauche de personnel. » d’un employeur à l’autre, mais que très peu d’infirmières ont en fait abandonné complètement la profession.» La pandémie a fait croître la demande de personnel infirmier, d’abord parce qu’il y avait davantage de personnes hospitalisées et par la suite parce qu’il fallait rattraper les soins qui n’avaient pu être assurés durant la pandémie. Mais si la demande a augmenté, le nombre d’infirmières est demeuré stable, affirme le Dr Sweetman. «Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour augmenter soudainement le nombre d’infirmières. Il faut aumoins trois ans d’études, généralement plus, constate-t-il. Alors, en ce moment, les infirmières peuvent changer facilement d’emploi pour trouver une meilleure situation ou un meilleur salaire.» L’équipe du Dr Sweetman s’est aussi penchée sur le marché du travail des préposés aux services de soutien personnel dans les centres de soins de longue durée (CSLD). «Les médias ont publié que les employeurs du secteur de la vente au détail, par exemple, cherchaient à offrir des salaires comparables sinon meilleurs ainsi que des conditions de travail plus avantageuses dans l’espoir de convaincre un grand nombre de ces préposés de changer d’emploi, rapporte le Dr Sweetman. Mais nous avons trouvé que, malgré certaines exceptions, la plupart des préposés aux services de soutien personnel étaient syndiqués, que leur salaire n’était pas aussi faible que ce que la population croyait, et que les départs ne sont pas massifs.» Il y a certes des situations problématiques à certains endroits, mais pas à l’échelle du secteur. «Bien sûr, durant les premières vagues de la pandémie, l’isolement et les autres mesures de prévention des infections en plus des autres difficultés vécues par le secteur des CSLD et au sein de la société dans son ensemble ont gravement affecté la capacité des préposés aux services de soutien personnel et des autres membres du personnel des CSLD à fournir des services aux résidents », signale le Dr Sweetman. Selon lui, au cours des prochaines années, avec les baby-boomers qui franchiront peu à peu le cap des 80 ans, la demande de préposés aux services de soutien personnel et d’autres fournisseurs de soins de santé et de services sociaux explosera. Incidence de la scolarisation et du genre Le recensement canadien de 2021 montre que 58 % des adultes âgés de 25 à 64 ans sont titulaires d’un diplôme collégial ou universitaire. «Quelque 20 % des enfants de mon âge sont allés à l’université, précise le Dr Sweetman. Mais parmi les jeunes qui finiront le secondaire cette année, aumoins 40%iront à l’université et 75 % feront des études postsecondaires au sens large. C’est une augmentation considérable.» Le niveau de scolarité modifie les structures de l’emploi et les attentes des travailleurs. «Il y a 30 ans, les frais de scolarité étaient relativement abordables, et souvent les médecins, les dentistes et les autres travailleurs de la santé pouvaient obtenir leur diplôme sans s’endetter lourdement», se souvient le Dr Sweetman. L’effet de la pandémie «La pandémie a été un choc, bien entendu, et elle a fait soudainement grimper le taux de chômage. Par la suite, les travailleurs ont mis beaucoup plus de temps à revenir sur le marché travail que ne l’espéraient bien des employeurs», confie le Dr Sweetman. Selon lui, le lent retour en dépit d’une demande supérieure à la normale s’explique par trois grands facteurs : 1) les programmes d’aide gouvernementale ont réussi à assurer une certaine sécurité financière à bien des Canadiens lors des fermetures; 2) de nombreux travailleurs hésitaient à retourner au travail en personne par crainte d’attraper la COVID-19; 3) les perturbations dans les services de garde ont empêché bien des travailleurs, surtout les femmes, à pouvoir reprendre le travail. L’inflation élevée et l’accroissement conséquent des taux d’intérêt ont aussi joué sur bien des décisions de retourner au travail. «Les paiements hypothécaires ont augmenté, et les salaires n’ont pas permis d’acheter les biens de première nécessité aussi facilement qu’auparavant, ce qui a obligé des gens à retourner sur le marché du travail ou à travailler plus d’heures», selon le Dr Sweetman. À l’heure actuelle, les niveaux d’emploi au Canada sont élevés. En janvier 2024, le taux de chômage s’établissait à 5,7 %, ce qui est inférieur à presque tous les chiffres depuis que les mesures modernes ont commencé en 1976. «Certains secteurs connaissent encore des pénuries de main-d’œuvre, souligne le Dr Sweetman. Mais les effets de la pandémie sont largement estompés et nous devons maintenant composer avec des facteurs de changement à plus long terme ainsi qu’avec des perturbations causées par des événements à l’étranger.» Le Dr Sweetman et ses collègues à l’Université McMaster ont étudié la profession infirmière sur le marché du travail au Canada. «Le grand public est largement convaincu qu’il y a une pénurie d’infirmières et que ces dernières abandonnent la profession, explique-t-il.Or, lesdonnéesmontrentqu’ilyaungrandroulement Les effets de la pandémie sont largement estompés et nous devons maintenant composer avec des facteurs de changement à plus long terme ainsi qu’avec des perturbations causées par des événements à l’étranger. 36 | 2024 | Numéro 3 Point de mire

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