Volume 9 • 2022 • Numéro 1

patients doivent accepter de perdre une dent, de ne plus avoir la même capacité de manger, de socialiser ou de parler qu’avant. Comment la profession peut-elle répondre à ces pertes? Qui plus est, au-delà de savoir réagir aux deuils vécus par les patients, nous devons savoir comment prendre soin de nous-mêmes. Comme humains, nous serons confrontés à la perte et à la mort. Ne serait-il pas préférable que nous y soyons mieux préparés? Q Vous avez mené des recherches sur la sensibilisation au deuil et la formation en médecine dentaire. Qu’avez- vous trouvé? MEM : Je viens de publier un article d’opinion 1 dans le Journal of Dental Education dans lequel je m’attarde sur ce qu’ont vécu les étudiants en médecine dentaire durant la pandémie. Les études en médecine dentaire sont très stressantes et peuvent être une source d’isolement. Les pertes finissent par s’accumuler : une perte s’ajoute à une autre. Certains étudiants ont perdu un proche durant la pandémie, mais il y a aussi d’autres pertes – des pertes d’expérience, d’occasions et de relations. En tant que professeurs, nous faisons un énorme cadeau aux étudiants en créant un espace empreint de compassion. Nous savons que les étudiants en médecine dentaire cherchent souvent la perfection. Notre profession sélectionne ces étudiants extraordinaires, mais ceux-ci ont souvent l’impression qu’ils doivent être parfaits, ce qui rend les choses encore plus ardues lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés, des échecs ou des pertes. Un deuil peut déstabiliser toute personne – particulièrement un étudiant qui subit déjà beaucoup de stress et de pression. Il faut que nous ayons un espace d’apprentissage qui peut accorder une place au deuil. Parce qu’à défaut de pouvoir vivre son deuil, une personne ne pourra pas aller de l’avant. Elle finira par essayer de supprimer ses sentiments et ses émotions, mais ceux-ci resurgiront au moment où elle s’y attend le moins. Q S’il y avait un seul message à retenir au sujet du deuil, quel serait-il? MEM : Le deuil ne se guérit pas, ne se règle pas et ne disparaît pas. Il devient une partie de soi et la vie se poursuit autour du deuil. Si vous envisagez le deuil comme une chose, disons une pierre, il est logique de penser que la pierre ne changera pas de taille, même au fil du temps. Mais votre vie, elle, continuera de s’enrichir et finira par entourer la pierre et par l’intégrer. Alors, si la pierre reste la même, le temps fera en sorte qu’elle prendra de moins en moins de place dans votre quotidien, même si elle sera toujours là. Lectures complémentaires • Cadell S, Joy K, Cherblanc J, Macdonald ME. As COVID-19 restrictions lift, grief literacy can help us support those around us. The Conversation . 2021, July 19, 2021 • Macdonald ME, Singh HK, Bulgarelli AF. Death, dying, and bereavement in undergraduate dental education: A narrative review. J Dent Educ . 2020;84(5):524-33. • Barratt O, Lee R, Curtin C. First trimester miscarriage: Patient care considerations for the dental team. Br Dent J. , 2020;229(8):527-31. Lorsque vous parlez à quelqu’un des funérailles d’un être qui lui était cher, il se peut qu’elle se mette à pleurer, même si des années se sont écoulées. Ces pleurs ne signifient pas que vous avez eu tort de soulever le sujet. Les sentiments sont toujours présents. En fait, ces sentiments constituent une part importante de la personne. Il pourrait même être réconfortant de pouvoir parler des funérailles et de pleurer à nouveau, parce que cela permet à la personne de revenir sur une tranche importante de sa vie. Voudrait-elle effacer le deuil de sa mémoire? Non. Le deuil a un côté productif; il nous rappelle ce qui compte pour nous, ce qui importe, les personnes que nous aimons et celles qui nous manquent. Au cours d’une vie bien remplie, nous aimerons et nous perdrons des gens, nous pleurerons leur départ et nous continuerons à les aimer. Mais, nous aimerons aussi à nouveau. Le deuil multiplie l’amour, il ne le divise pas. La culture des soins de santé nous pousse à vouloir arranger les choses. Mais le deuil n’est pas quelque chose qui s’arrange. Il doit être vécu. Je pense que le deuil peut nous mettre mal à l’aise sur le plan professionnel vu que, dans le domaine de la santé, nous avons tendance à vouloir régler les choses. Si nous en savions davantage sur le deuil, nous serions peut-être plus à l’aise avec l’idée que nous n’avons pas besoin de régler le deuil. Référence 1. MacdonaldME. It’s time to make dental education ‘grief literate.’ J Dent Educ. 2021 Nov;85(11):1718-20. L’observatoire

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