Volume 8 • 2021 • Numéro 6

La connexion avec le divin L’approche du Dr Friedman concernant les soins aux personnes handicapées a beaucoup évolué au fil des ans, résultat attribuable selon lui à son propre cheminement personnel plus qu’à toute autre chose. Il décrit son approche en matière de soins comme une pratique spirituelle ancrée dans un désir d’authenticité et résultant d’un besoin de ne pas séparer spiritualité et vie professionnelle. Le Dr Friedman est fermement convaincu que les personnes qu’il traite arrivent à percevoir cette authenticité. « J’ai réalisé que je devais considérer mon travail sous un angle spirituel, dit-il. Nous sommes tellement nombreux à tirer une ligne nette entre travail et spiritualité. Je ne voulais pas laisser mes besoins spirituels de côté chaque matin en me rendant au travail. Le fait de travailler avec des enfants et des personnes handicapées vous permet d’atteindre un degré d’authenticité auquel vous ne pourriez accéder en interagissant avec une clientèle adulte. Les personnes handicapées portent rarement un masque. Il n’y a pas de faux-semblants. J’appelle cela la connexion avec le divin. » afin de pouvoir voir la personne sous son vrai jour. « Je dis toujours aux membres de mon équipe qu’il est normal de porter des jugements. Nous le faisons tous de temps à autre. C’est le propre de l’être humain d’agir ainsi. Mais ce que nous devons faire, c’est de l’admettre. De reconnaître les jugements que nous portons et de les laisser de côté. C’est de cette façon que j’arrive à voir le véritable profil d’une personne et à comprendre ce qui se passe en elle. » L’avenir des soins aux personnes ayant des besoins particuliers Plus de 40 ans après le début de sa carrière en dentisterie pédiatrique et auprès de personnes ayant des besoins spéciaux, le Dr Friedman déplore que, à bien des égards, les soins dentaires aux personnes handicapées n’ont pas beaucoup évolué depuis l’époque où il a débuté sa pratique. Du moins pas en ce qui concerne certains aspects fondamentaux, comme l’accès aux soins. Je lui ai demandé comment il aimerait voir évoluer ce domaine. Son tout premier souhait est qu’il soit reconnu comme une spécialité à part entière. Il espère voir le jour où le dentiste traitant une clientèle à besoins particuliers sera rémunéré et valorisé à la mesure de la formation et de l’expertise supplémentaires qu’il a acquises. D’ici là, il craint qu’il demeure difficile d’attirer de jeunes dentistes dans ce secteur. « Ce qu’on fait est très complexe, et comporte de multiples facettes. Il ne s’agit pas uniquement de faire de la chirurgie, de l’endodontie ou de la prosthodontie. Il s’agit de traiter une personne dans son intégralité, ce qui fait de ce domaine une spécialité distincte, et je pense que c’est ce que les gens ont le plus de mal à comprendre. » Le Dr Friedman croit qu’une telle reconnaissance pourrait avoir des répercussions sur la formation dentaire officielle, puisqu’une formation bonifiée renforcerait, à long terme, la sensibilisation à l’égard des soins aux personnes ayant des besoins particuliers et la crédibilité de ce domaine. Cette tendance s’observe déjà dans des pays comme l’Irlande, l’Angleterre, l’Argentine, le Brésil, la Malaisie et l’Australie, où le secteur, qui fait l’objet de plus amples recherches et profite d’une plus grande crédibilité, attire davantage de jeunes dentistes. Un programme complet d’études de premier cycle et d’études postdoctorales a récemment été mis sur pied par le comité d’éducation de l’IADH, auquel siège le Dr Friedman. Toutefois, il tarde à être adopté par les facultés de médecine dentaire nord-américaines. « Si nous n’avons pas de spécialité, comment inciter le dentiste généraliste à se diriger dans cette voie?, se demande le Dr Friedman. Pourquoi avons- nous autant de dentistes pédiatriques qui traitent encore des adultes de 50 ou 60 ans? Lorsqu’un dentiste généraliste obtient son diplôme, il n’a aucune idée de la façon de poser un implant ou de faire des traitements orthodontiques; il suit donc, au besoin, une formation supplémentaire. Pourquoi un dentiste ne pourrait-il pas suivre une formation supplémentaire pour apprendre à traiter un patient handicapé? » Le Dr Friedman qualifie cette approche de « pleine présence » et la compare à une sorte de processus méditatif consistant pour le médecin à devenir pleinement conscient des ressentis de son patient, au point où le handicap de ce dernier semble disparaître, et lui permettant ainsi de prodiguer les meilleurs soins possible. Cette capacité de lâcher prise est en fait une approche résolument humaniste qu’il considère comme un don, une force qui le pousse aux limites de sa zone de confort et le met constamment au défi d’apprendre et de s’adapter. « Je dois être présent pour la personne là où elle se trouve, explique-t-il. Je ne peux pas me contenter de me soucier des propos qu’elle tient et de leur effet sur moi. Je dois être à l’écoute, à un niveau où je suis pleinement là pour elle. » Le Dr Friedman recourt à diverses stratégies pour atteindre ce degré de présence, mais le plus souvent, il y parvient grâce à la respiration. « Je peux m’asseoir auprès d’un patient et ne pas dire un mot. Il me suffit de poser la main sur son épaule et d’aligner ma respiration sur la sienne. Si le patient est anxieux, il va respirer rapidement. Pour l’aider à se calmer, je commence par ralentir le rythme de ma propre respiration, et il aura tendance à faire de même. Voilà comment on peut être réellement présent. » Comme il le souligne également, il importe de conserver une attitude d’ouverture et d’apprendre à laisser les jugements de côté Les personnes handicapées portent rarement un masque. Il n’y a pas de faux-semblants. J’appelle cela la connexion avec le divin. 34 | 2021 | Numéro 6

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