Volume 8 • 2021 • Numéro 2

APPRENDRE DE LA COVID-19 âgées, parce qu’il y a une corrélation entre l’âge et la gravité de la maladie. Au laboratoire, nous faisons de la recherche sur les cellules humaines cultivées in vitro. Nous examinons certains de ces phénomènes biologiques dans des milieux très précis, comme les types de cellules qui se trouvent dans les poumons. Nous examinons aussi des modèles animaux d’infection, principalement chez le hamster, car notre travail sur les cellules ne peut pas nécessairement recréer toute la complexité biologique d’un organisme vivant. Cela comprend toutes les cellules et composantes individuelles de notre système immunitaire, les interactions entre les divers types de cellules dans les tissus ou entre les organes. Q En quoi la COVID diffère-t-elle des coronavirus du passé? JK : Nous connaissons les coronavirus depuis près de 60 ans. En 2003, le SRAS est apparu comme un nouveau virus qui a vite déclenché une épidémie et qui a eu une incidence profonde au Canada, surtout à Toronto. Puis, en 2012, le coronavirus du syndrome respiratoire duMoyen-Orient (MERS) a été détecté pour la première fois chez l’humain. Ces deux virus se transmettent directement d’une personne à l’autre, mais la transmission a principalement eu lieu en milieu hospitalier et il y a eu très peu de transmission communautaire. La COVID-19 est différente parce que le SRAS-CoV-2 peut se transmettre à grande échelle d’une personne à l’autre dans la collectivité. Même si d’autres virus respiratoires, comme celui de la grippe, se transmettent en milieu communautaire, la propagation se fait de manière assez homogène d’une personne à l’autre; la plupart des personnes qui contractent la grippe la donnent au même nombre de personnes que les autres qui ont la grippe. Dans le cas de la COVID, 80 % des infections sont souvent provoquées par 10 à 20%des personnes infectées, ce qui a conduit à des « événements de superpropagation » où le virus s’est transmis à un groupe de personnes beaucoup plus important que la normale pour ce virus. Toutefois, les facteurs (biologiques ou environnementaux) qui expliquent ces événements nous échappent encore. Pourquoi ce virus se comporte-t-il si différemment? Il a un génome très semblable aux autres coronavirus. En laboratoire, son comportement – dans la cellule et chez l’animal – ressemble en gros à celui des autres coronavirus. C’est à ne rien y comprendre. Nous commençons à voir comment les interactions moléculaires entre le virus et une cellule peuvent faciliter les différences entre, disons, le SRAS-CoV et le SRAS‑CoV-2. Q Je croyais que les événements de superpropagation étaient causés par les comportements, comme le fait de ne pas porter de masque ou d’aller à une fête. Mais vous dites qu’il y a une différence biologique? JK : Quand on travaille sur des virus émergents, malheureusement rien ne s’explique par une seule variable. Il serait beaucoup plus facile de dire : « Si on interdit aux gens de se tenir près les uns des autres dans un lieu fermé avec une faible ventilation, il n’y aura pas d’événements de superpropagation. » Cela évitera une grande partie des cas, mais ne les éliminera pas complètement. Il est fort probable que des personnes possèdent des caractéristiques sous-jacentes qui leur permettent de facilement transmettre le virus. Il se pourrait qu’elles libèrent plus de copies du virus ou encore qu’elles génèrent plus ou moins d’aérosols qui restent plus longtemps dans l’air. Les modèles animaux fournissent des données corroborant le rôle tant des gouttelettes que des aérosols dans la transmission, mais nous ignorons s’il existe un lien entre la proportion de ces particules libérées par une personne infectée et l’occurrence d’événements de superpropagation. Et il faut aussi reconnaître que les modèles animaux d’infection et de transmission ne représentent sans doute pas toute la complexité de la transmission entre humains. Il nous reste encore beaucoup à apprendre. Q Que nous réserve la recherche sur la COVID-19 dans la prochaine année? JK : La COVID-19 a vraiment changé les règles du jeu de la recherche, dans le bon sens. Les premières séquences du génome du virus ont été produites au début de janvier 2020 et leur diffusion publique a permis à des personnes de partout d’en faire rapidement l’analyse et d’en dégager des caractéristiques. Les chercheurs des quatre coins du monde, peu importe leur nationalité ou leur affiliation politique, ont gardé grandes ouvertes les voies de communication. Il est remarquable qu’en 12 mois après l’émergence d’un tout nouveau virus, de nombreux vaccins aient été autorisés et soient distribués partout sur la planète. Tout cela est possible grâce à la diffusion de données et à la transparence de la communauté de chercheurs dans le monde. C’est du jamais vu dans l’histoire. En à peine une année, nous avons amassé autant d’information qu’en une décennie d’habitude! Une fois que les vaccins auront fait leur travail sur la pandémie, il y aura probablement des études contrôlées pour répondre à des questions nuancées encore en suspens au sujet de virus et de sa propagation. Nous finirons par savoir une fois pour toutes s’il faut s’inquiéter de la transmission par les surfaces touchées. Dans le cas de la COVID, 80 % des infections sont souvent provoquées par 10 à 20 % des personnes infectées, ce qui a conduit à des « événements de superpropagation ». Toutefois, les facteurs (biologiques ou environnementaux) qui expliquent ces événements nous échappent encore. 33 Numéro 2 | 2021 |

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