L’essentiel de l’ADC • Volume 6 • Numéro 5

24 | 2019 | Numéro 7 L’ observatoire dentaire partout sur la planète. Par exemple, y a-t-il des conflits d’intérêts qu’il serait possible d’éliminer pour assurer notre indépendance de l’industrie sucrière? Q : Quelle est l’incidence des maladies buccodentaires omniprésentes dans le monde? PA : Les maladies buccodentaires représentent un fardeau considérable vu leur prévalence, mais aussi vu la douleur, les infections et les coûts qu’elles engendrent. Nous avons présenté un schéma comparant les coûts associés à divers groupes de maladies dans 28 pays d’Europe en 2015. Les coûts des soins dentaires arrivaient au troisième rang, derrière le diabète et les maladies cardiovasculaires, mais devant le cancer et la santé mentale. Il est clair que les coûts sont astronomiques. Si l’on inclut les coûts indirects, telles les journées de congé du travail et de l’école, le fardeau devient extrêmement lourd. Dans les pays occidentaux et développés, comme le Canada, il y a des iniquités importantes, le fardeau des maladies étant beaucoup plus aigu dans les couches les plus pauvres de la société. Les couches plus riches ont un taux inférieur de caries et de maladies des gencives ou d’autres maladies buccodentaires. Nous voulions faire comprendre aux lecteurs du Lancet que les causes de ces maladies sont simplement les mêmes que celles d’autres problèmes de santé. En d’autres termes, c’est le sucre ajouté, les drogues, le tabac, la consommation excessive d’alcool. Q : Comment l’industrie a-t-elle une incidence sur la santé buccodentaire dans le monde? PA : Dans cette série, nous voulions mettre l’accent sur les déterminants commerciaux de la santé, notamment ceux qui touchent l’industrie du tabac et du sucre, et leur forte influence. Les données de la série montrent que Coca-Cola investira près de 12 milliards de dollars en Afrique pour promouvoir ses produits. Par comparaison, le budget total de l’Organisation mondiale de la santé pour une année s’élève à 4,4 milliards de dollars. Ces sociétés sont extrêmement puissantes et s’associent à toute une série d’organismes, y compris des organismes de recherche dentaire. En conséquence, il se peut que moins d’études soient menées sur la consommation de sucre et sur les façons de réduire la consommation de sucre, parce que bien entendu ces sociétés ne veulent pas de recherche à ce sujet. Q : Le système de soins dentaires au Canada et dans le monde est-il prêt à s’occuper du fardeau causé par les maladies buccodentaires? PA : Pour l’instant, vu l’immense fardeau des maladies et la façon dont les soins dentaires sont prodigués dans le monde et surtout dans les pays développés, nous n’y arriverons pas. Les modèles actuels n’ont pas encore allégé le fardeau dans les pays développés, ce qui fait qu’ils n’arriveront certainement pas à le faire dans les pays en développement. Même dans les pays riches, comme le Canada, nous n’y arriverons pas en raison des iniquités. Q : Quels changements systématiques et politiques la série recommande-t-elle? PA : La situation est très complexe. Il faut vraiment commencer à réfléchir à la façon de changer les choses, à examiner comment l’industrie sucrière influence l’industrie dentaire dans le monde. Il faut aussi se pencher sur la formation qui s’offre dans les écoles de médecine dentaire. Cette formation n’a essentiellement pas changé depuis des décennies et porte encore en grande partie sur le traitement des maladies parodontales et des caries après leur apparition. Nous devons former les étudiants pour qu’ils s’attardent davantage à la prévention des maladies chez les personnes, les familles, les collectivités et les groupes de la population. Q : Comment est-il possible de changer les systèmes de soins dentaires canadiens? PA : Je crois sincèrement que nous devons commencer à envisager des interventions en amont, c’est-à-dire des approches fondées sur la population et la réduction de la consommation de sucre, des approches qui vont plus loin que le seul traitement des personnes. Nombre de vos lecteurs savent que j’ai déjà abordé l’importance de revoir le système de soins dentaires essentiellement privé au Canada. Au pays, 95 % des soins dentaires sont fournis par le secteur privé. Ce système fonctionne bien pour ceux qui peuvent se faire soigner en cabinet, mais pas pour environ les 25 % de la population qui ne peuvent pas. Nous devons examiner attentivement comment intégrer des soins dentaires au réseau public de la santé au Canada et les rendre plus abordables pour ceux qui en bénéficient; après tout, ce sont les personnes ayant le taux de maladie le plus élevé qui ont le plus de difficultés à obtenir des soins dentaires. Q : Où peut-on trouver la série sur la santé buccodentaire du Lancet ? PA : La série est en accès libre. Les lecteurs trouveront tous les articles à thelancet.com/series/oral-health (en anglais seulement). a Pour visionner l’entrevue complète avec le Dr Allison sur CDA Oasis : wp.me/p2Lv6A-78i [en anglais]

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