L’essentiel de l’ADC • Volume 5 • Numéro 2

26 | 2018 | Numéro 2 L’ observatoire Des essais cliniques de courte durée ont montré une corrélation entre, d’une part, l’utilisation fréquente d’un rince-bouche à la chlorhexidine et, de l’autre, une diminution de la biodisponibilité d’oxyde nitrique (NO) et une augmentation de la tension artérielle. La Dre Joshipura a donc décidé avec d’autres chercheurs de mener la première étude à long terme sur l’utilisation d’un rince- bouche et son incidence sur le prédiabète et le diabète. Durant trois ans, la San Juan Overweight Adults Longitudinal Study a suivi plus de 1 000 personnes en surpoids ou obèses de Porto Rico âgées de 40 à 65 ans. Ces personnes se sont soumises à une évaluation de départ, comprenant des analyses sanguines et un questionnaire pour déterminer la fréquence d’utilisation d’un rince-bouche, et ont elles-mêmes fourni les données sur leurs habitudes d’hygiène dentaire. Après trois ans, elles ont passé un examen de suivi. Les résultats ont montré un accroissement du risque de prédiabète ou de diabète dans un rapport de 1,5 chez les utilisateurs d’un rince- bouche plus de deux fois par jour. Les auteurs ont avancé que les ingrédients antibactériens des rince-bouche pourraient avoir un effet préjudiciable sur les bactéries buccales essentielles au métabolisme du NO, qui agit sur la santé métabolique, notamment sur l’obésité, l’insulinorésistance et le diabète. « Il y a une augment ation de 50 % par rapport aux personnes qui utilisent moins souvent ou jamais un rince- bouche », rapporte la Dre Joshipura. Les auteurs ont émis l’hypothèse que ce risque accru était attribuable aux effets directs des ingrédients antibactériens sur le microbiome buccal, particulièrement à la biodisponibilité du NO. Les associations sont indépendantes des facteurs de risque bien connus du diabète, tels le tabagisme, l’indice de masse corporelle ou le manque d’exercice physique. La Dre Joshipura admet que, malgré l’intérêt que présentent ces résultats, il ne faut pas sauter aux conclusions hâtivement. Il faut approfondir la recherche pour analyser la production du NO et évaluer les effets directs qu’ont les rince-bouche antimicrobiens sur celle-ci. D’autres études sont aussi nécessaires pour corroborer les résultats auprès d’autres populations, telles que les personnes de poids normal ou différents groupes ethniques. Le Dr William Cefalu, conseiller scientifique et médecin en chef de l’Association américaine du diabète, doute quant à lui d’une éventuelle association entre l’utilisation fréquente d’un rince-bouche et l’accroissement du risque de diabète. Dans une déclaration publique, il affirme que l’association « ne semble pas plausible » parce que les résultats varient grandement selon la fréquence d’utilisation d’un rince- bouche. Il aurait aussi souhaité que l’étude tienne compte des associations avérées entre la maladie parodontale et le diabète. Les utilisateurs d’un rince-bouche plus de deux fois par jour auraient pu avoir une affection parodontale sous-jacente, ce qui pourrait expliquer le risque accru de prédiabète ou de diabète. L’utilisation d’un rince-bouche est une composante importante des habitudes d’hygiène dentaire de bien des Canadiens, et cette étude ne recommande pas de changer. La Dre Joshipura croit qu’il faut plutôt se demander pourquoi on utilise un rince-bouche. « Il y a des rince-bouche sur ordonnance, qu’on prend à court terme pour traiter une pathologie ou une affection particulière, mais il y a aussi l’idée que “c’est juste une bonne habitude.” Vu qu’il y a des risques systémiques potentiels, il est important de songer aux incidences sur l’équilibre entre les bonnes et les mauvaises bactéries, précise-t-elle. Depuis quelques années, on se rend compte qu’il faut s’attarder à la dysbiose de la bactérie et non seulement à l’élimination complète du biofil dentaire. » a « On se rend compte qu’il faut s’attarder à la dysbiose de la bactérie et non seulement à l’élimination complète du biofilm dentaire. » Référence 1. Joshipura KJ, Muñoz-Torres FJ, Morou-Bermudez E, Patel RP. Over-the-counter mouthwash use and risk of pre-diabetes/diabetes. Nitric Oxide . 2017 Dec 1;71:14-20. L’entrevue complète avec la Dre Joshipura se trouve à oasisdiscussions.ca /2017/12/18/mw/ [en anglais]

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