L’essentiel de l’ADC • Volume 5 • Numéro 2

18 | 2018 | Numéro 2 L’ observatoire La carie de la petite enfance sévère (CPES) est un sous-type agressif de carie de la petite enfance (CPE) qui touche de façon disproportionnée les enfants autochtones en Amérique du Nord. Bien que les causes de la CPE soient variées et complexes (comme le statut socioéconomique, l’alimentation et l’éducation), on ignore pourquoi la CPE évolue parfois vers une forme sévère. LAPLAQUE : UNE ENTITÉ HÉTÉROGÈNE U ne nouvelle étude cherche à découvrir si une partie de l’explication ne se trouverait pas dans les communautés microbiennes présentes dans la plaque (ou le biofilm) des enfants autochtones, plus précisément ceux des Premières nations et des Métis du Canada. Selon l’un des auteurs de l’étude, le Dr Robert Schroth, professeur agrégé au collège de dentisterie de l’Université du Manitoba, la CPE apparaît tôt et progresse rapidement chez ces populations. « Nous pensions qu’en examinant les caractéristiques microbiennes d’enfants atteints de CPE et en les comparant à celles d’un groupe d’enfants exempts de caries, nous pourrions découvrir les causes de la forme agressive de la CPE », explique-t-il. Des échantillons de plaque ont été recueillis par écouvillon- nage des surfaces dentaires disponibles chez des enfants âgés de 2 à 4 ans, soit 30 enfants atteints de CPES et 20 exempts de caries. À partir de l’ADN extrait des échantillons de plaque, on a procédé au séquençage du gène codant pour l’ARNr 16S, révélant 10 phylums, 95 genres et 280 espèces. Les résultats ont montré que les deux groupes ne différaient pas vraiment en ce qui a trait au nombre d’espèces retrouvées dans les communautés microbiennes de la plaque ou à la diversité des espèces (une mesure qui reflète le nombre d’espèces et leur abondance). Toutefois, les chercheurs ont découvert une différence majeure entre les microbiomes buccaux des enfants atteints de CPES et ceux des enfants exempts de caries : des microbes associés aux caries ont été détectés dans tous les échantillons, mais de nombreuses espèces associées aux caries étaient beaucoup plus abondantes dans le groupe CPES que dans le groupe exempt de caries. En particulier, Streptococcus mutans , un facteur important et bien connu contribuant aux caries dentaires, était trois fois plus abondant dans le groupe CPES que dans le groupe exempt de caries. « Il est troublant de constater la différence marquée qui existe entre les deux groupes et de réaliser à quel point S. mutans peut être abondant chez certains enfants, ajoute le Dr Schroth. Chez un des enfants, S. mutans composait 24 % du microbiome buccal. » Des communautés microbiennes distinctes ont également été découvertes chez les enfants exempts de caries, chez qui les populations de microbes associés à une bonne santé étaient les plus abondantes. Par exemple, Streptococcus gordonii était cinq fois plus abondant et Streptococcus sanguinis , deux fois plus abondant. En théorie, le Dr Schroth maintient que les espèces pathogènes et protectrices coexistent en un délicat équilibre au sein d’une communauté microbienne dynamique. Lorsque des modifications de l’environnement favorisent les espèces plus pathogènes, les caries surviennent. « Par exemple, S. mutans , bien qu’il ne soit pas le seul responsable des caries, peut dominer et prendre le dessus lorsque les enfants consomment trop de sucre, précise-t-il. L’écologie du microbiome change du tout au tout, menant à un déséquilibre qui augmente le risque de carie chez les enfants. » Le Dr Schroth espère que cette étude pourra être reproduite à une plus vaste échelle à l’occasion de recherches futures. D’autres équipes de chercheurs se penchent déjà sur cette étude et d’autres études similaires afin de mettre au point des technologies susceptibles de changer le microbiome en éradiquant ou en inhibant les bactéries nocives pour permettre aux bactéries moins nocives de dominer. « Il nous en reste beaucoup à apprendre sur l’écologie changeante de la bouche, conclut-il. C’est dans cette direction que la science commence à nous orienter. » a Pour écouter une entrevue avec le Dr Schroth, visitez le site oasisdiscussions.ca/2018/01/22/msc [en anglais].

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