L’essentiel de l’ADC • Volume 5 • Numéro 1

25 Numéro 1 | 2018 | P oint de mire Afin de mieux comprendre les décisions des dentistes canadiens en matière de prescription, l’ADC a mené un sondage en 2017, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de Toronto et de l’Université de la Colombie-Britannique 3 . Dans le cadre de ce sondage, les chercheurs ont interrogé les dentistes sur les décisions qu’ils prendraient dans différents scénarios cliniques, afin de déterminer si les dentistes prescrivent des antibiotiques inutilement et, le cas échéant, dans quelles circonstances. Le rapport du sondage, qui est basé sur les réponses recueillies auprès de plus de 1 000 dentistes de l’ensemble du pays, montre que la majorité des dentistes s’appuient sur les meilleures données scientifiques et directives cliniques disponibles pour décider des médicaments à prescrire. Cependant, les résultats ont aussi mis en évidence plusieurs points préoccupants, dont les suivants : ◗� Les dentistes prescrivent une antibiothérapie prophylactique aux patients ayant subi une arthroplastie totale Il n’existe aucune donnée scientifique appuyant l’utilisation d’antibiotiques pour prévenir les infections de prothèses articulaires lors d’interventions dentaires. Selon la déclaration de consensus sur cette question élaborée conjointement par l’Association dentaire canadienne, l’Association canadienne d’orthopédie et l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada 4 , il n’est pas recommandé de prescrire des antibiotiques aux patients qui ont subi une arthroplastie totale. Le tiers des répondants au sondage ont déclaré qu’ils ne prescriraient jamais d’antibiotiques à des patients ayant subi une arthroplastie totale. Cependant, plus de la moitié ont indiqué qu’ils en prescrivaient parfois et 9 % qu’ils en prescrivaient toujours. ◗� Surutilisation générale de l’amoxicilline et sous-utilisation de la pénicilline V en dentisterie Les répondants au sondage ont indiqué que leur antibiotique de premier choix pour les patients sans allergie connue à la pénicilline était l’amoxicilline (77 %), suivie de la pénicilline V (19 %). Les auteurs du rapport notent que la surutilisation de l’amoxicilline – un antibiotique à large spectre – pourrait contribuer à l’émergence d’une résistance chez les bactéries pathogènes ainsi qu’à une augmentation du risque d’infections à C. difficile. Ils ajoutent que la pénicilline V serait un meilleur choix que l’amoxicilline. La pénicilline V, qui est actuellement sous-utilisée en dentisterie, a en effet un spectre d’activité plus restreint et elle constitue le traitement de choix pour la plupart des infections dentaires 5 . ◗� Les pratiques varient en ce qui a trait à la prescription d’une antibiothérapie prophylactique dans le contexte de la mise en place d’implants dentaires Parmi les répondants au sondage qui pratiquent la mise en place d’implants dentaires, 64 % prescrivent toujours une antibiothérapie prophylactique, 15 % en prescrivent parfois et 20 % n’en prescrivent jamais . Pourtant, les données scientifiques corroborant l’efficacité de l’antibiothérapie prophylactique dans la réduction de l’échec des implants dentaires ne sont pas concluantes; les dentistes devraient se fier à leur jugement clinique pour déterminer les patients les plus à risque d’infection et, donc, les plus susceptibles de bénéficier d’une antibiothérapie prophylactique 5 . Les auteurs de l’étude notent en outre que « ... le fait de ne jamais prescrire d’antibiotiques lors de la mise en place d’implants dentaires pourrait laisser croire que les dentistes ne prescrivent pas suffisamment d’antibiotiques pour les patients à haut risque 3 ». Et lorsque les antibiotiques sont cliniquement indiqués, la durée de l’antibiothérapie est un autre facteur qui pourrait contribuer au problème de la prescription excessive. Près de 60 % des répondants qui prescrivent des antibiotiques lors de la mise en place d’implants dentaires prescrivent une dose préopératoire unique, suivie d’un traitement postopératoire. Cependant, une revue systématique Cochrane 6 n’a permis de recenser aucune donnée probante appuyant une antibiothérapie postopératoire après la mise en place d’implants dentaires – une dose préopératoire unique d’antibiotiques semble en revanche bénéfique pour prévenir les infections postopératoires. ◗� Les opinions des dentistes divergent quant aux affections médicales nécessitant une La surutilisation des antibiotiques est responsable de la menace grave et grandissante que représente l’antibiorésistance à l’échelle mondiale, ainsi que de l’émergence de « superbactéries » et d’infections incurables 1 . Et comme les dentistes prescrivent des antibiotiques, ils pourraient eux aussi contribuer au problème, bien que l’on possède peu de données sur leurs habitudes de prescription. Selon certaines estimations, les dentistes prescriraient environ 10 % de l’ensemble des antibiotiques 2 .

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