• Sebastian Saba, DDS, Cert. Pros. •
Sommaire
Le succès de toute prothèse repose sur une bonne préparation de l’occlusion. Il faut déterminer et tenir compte des variables cliniques qui agissent sur la stabilité occlusale au moment de la conception de la prothèse définitive. Le présent article décrit certaines de ces variables.
Mots clés MeSH : biomechanics; dental prosthesis design; dental prosthesis, implant-supported; stress, mechanical
© J Can Dent Assoc 2001; 67(9):522-6
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
Le diagnostic occlusal
Les complications consécutives aux restaurations sur implants peuvent être attribuables à différents facteurs : elles peuvent être d’origine biologique1,2 (ill. 1) ou mécanique. Il faut tenir compte des facteurs biomécaniques pouvant mener à des complications au moment de la conception de la prothèse. La stabilité occlusale est possible lorsque l’on reconnaît, corrige ou compense pour les variables à l’origine des échecs dans la conception de la prothèse définitive.
La charge occlusale est le facteur le plus important sur le plan de la stabilité. Une charge trop importante peut entraîner un desserrement et la rupture des vis piliers3,4 si on ne la détecte pas. La surcharge peut aussi endommager les implants5 (ill. 2) et la superstructure et mener à une perte de l’osséointégration6. La surcharge peut se manifester si la prothèse sur implants est conçue avec un soutien par implant inadéquat pour une charge occlusale normale. La solution consiste à poser des implants en nombre suffisant pour bien soutenir la prothèse7. Le rapport généralement admis entre les implants et les unités prothétiques est de 1:1 (ill. 3). Ce rapport peut cependant varier dans le cas des restaurations postérieures. Selon la qualité variable de l’os ou sa largeur insuffisante, il peut être nécessaire de recourir à la pose de 2 implants par molaire remplacée8. On peut poser 2 implants sur les crêtes plus étroites afin d’apporter un meilleur soutien contre-rotationnel et occlusal et élargir la surface disponible pour l’osséointégration. La pose de 2 implants à angle décalé permet aussi d’obtenir un soutien en sens opposé et de diminuer la pression sur les vis piliers posées à angle9.
Si la crête est abaissée, on ne recommande habituellement pas la pose d’implants courts standard (<10 mm) pour les restaurations postérieures (ill. 4). Un implant au diamètre élargi (ill. 5) peut offrir une surface assez importante pour permettre l’osséointégration et constitue une autre possibilité de support10. Le diamètre de la crête, la hauteur et la qualité de l’os sont des variables déterminantes. La largeur de la restauration suggérée dictera aussi la mesure du support requis. L’implant à diamètre élargi offre un plus gros raccord avec la vis pilier (résistance accrue)11 et une base plus large pour le support occlusal. On recourra de plus en plus aux implants à diamètre élargi dans les cas où la zone édentée est trop petite pour recevoir 2 implants standard, et que l’on a constaté qu’un seul implant standard n’offrirait pas le support requis.
Les forces d’occlusion anormales, comme celles causées par le bruxisme ou le serrement des dents, peuvent aussi être sources de complications12. Elles ne constituent pas une contre-indication à la dentisterie prothétique, mais on doit les diagnostiquer et prévoir une façon de compenser leurs effets dans la conception de la prothèse définitive. On doit obligatoirement recourir à des dispositifs protecteurs d’appoint.
Il faut aussi vérifier et confirmer la stabilité des dents existantes avant la pose de toute prothèse fixe sur implants. Il faut déceler et corriger toute mobilité de la dentition existante. La mobilité clinique de la dentition existante accentue la tension occlusale sur la prothèse sur implants. Les interférences inter-occlusales doivent aussi être corrigées. Il arrive souvent que l’on détecte trop tard ces interférences qui faussent la réalisation finale de la nouvelle prothèse. La stabilité de l’occlusion repose sur des points de contact stables en occlusion centrée, une bonne guidance excentrique et un support parodontal fiable.
La conception occlusale et la guidance
La conception occlusale des prothèses partielles fixes sur implants est fondée sur les principes conventionnels de la restauration. La clé du succès est une bonne guidance excentrique antérieure. Il faut chercher à minimiser toute force latérale exercée sur toute prothèse sur implant, et principalement dans la zone antérieure (où les forces latérales sont les plus importantes)13. Cela peut être difficile dans le cas des prothèses partielles antérieures fixes. La guidance de toute prothèse antérieure sur implants devrait reposer sur la dentition antérieure ou postérieure existante (protrusion, fonction canine, fonction de groupe) qui fournissent une rétroaction proprioceptive et aident à maîtriser l’intensité des forces latérales.
Pour ce qui est des prothèses fixes complètes impliquant toute une arcade, la conception occlusale est beaucoup plus compliquée et controversée. La guidance occlusale est fonction de la taille, du nombre, de l’emplacement et de l’angle des implants, de la qualité de l’os, des caractéristiques de la dentition opposée, des antécédents para-fonctionnels et des caractéristiques d’occlusion.
L’étape de la prothèse transitoire est aussi cruciale pour le diagnostic des variables statiques et dynamiques de l’occlusion14. Un modèle transitoire fixe et amovible aide à déterminer les habitudes d’occlusion que l’on ne peut autrement déceler d’emblée. On peut alors compenser leurs effets dans la réalisation de la prothèse finale. L’étape de la prothèse transitoire permet aussi de vérifier des hypothèses quant à l’occlusion15. La conception occlusale dépendra à la fois du choix des piliers, de la longueur et du contour de la restauration et de la dimension de la table occlusale.
La conception de la prothèse
Tous les types de restaurations ou de conceptions prothétiques ne conviennent pas à tous les patients. Dans certains cas, on peut préférer la prothèse sur piliers vissés; dans d’autres, la prothèse cimentée est appropriée. La conception de la prothèse est fonction de certaines variables comme l’esthétique, l’occlusion, l’angle des implants, l’emplacement de l’implant et le type de mécanisme permettant d’enlever la prothèse.
Un ajustage passif du squelette lors de l’essayage en bouche est essentiel à la stabilité des prothèses sur implants16. Un ajustage non passif aura pour effet de créer des tensions17 dans les vis de raccordement et les vis piliers ainsi que sur les implants18. Ces tensions peuvent mener à une rupture prématurée des vis, à des dommages à la prothèse et à des complications d’osséointégration. Il y a corrélation directe entre les écarts d’ajustage et la tension exercée dans la prothèse19. On minimisera les complications cliniques et en laboratoire en s’assurant que les piliers ou les chapes d’empreintes sont bien en place avant la prise des empreintes20 (ill. 6). La technique de laboratoire devrait permettre de minimiser les contractions et imprécisions dues à la coulée, et une technique d’essai non passive du squelette devrait amener un ajustage stable et passif21.
Depuis plusieurs années, on utilise avec succès la prothèse en cantilever en prosthodontie. Cette conception renaît maintenant en dentisterie sur implant22. Pour des raisons anatomiques, il est souvent impossible d’obtenir un rapport 1:1 entre les implants et les unités prothétiques. Dans le cas des restaurations sur implants au niveau du sextant postérieur, on a souvent recours à une prothèse distale en cantilever. Ce modèle s’est avéré nécessaire en raison de la qualité ou de la quantité déficientes de l’os dans les sextants postérieurs. L’usage de la prothèse en cantilever nécessite des précautions23 (ill. 7). Les points les plus faibles du cantilever sont l’emplacement et la dimension du pontique et l’intensité des forces de mastication en occlusion24. Ces forces ont tendance à s’accentuer au niveau des pontiques en cantilevers distaux25, c’est pourquoi on préfère le cantilever mésial au cantilever distal (ill. 8 et 9). Pour le pontique, on recommande un plan occlusal étroit.
Le surcontour d’une restauration antérieure ou postérieure aura aussi l’effet d’un cantilever et accroîtra la tension dans la structure à l’application d’une charge (ill. 10 et 11). Le choix des bons piliers devrait permettre de compenser les légères irrégularités des angles des implants et aider à compenser les facteurs reliés à l’occlusion. Un plan occlusal élargi aura pour effet d’accentuer la tension sur les vis piliers. Les problèmes d’angle importants peuvent constituer une contre-indication au recours à la prothèse fixe sur implants.
On a observé une nette amélioration de la stabilité entre le pilier et l’implant par la pré-charge et le serrage des composantes. Le serrage à main s’est révélé peu fiable26, mais le serrage mécanique s’avère prévisible et permet de réduire sensiblement le desserrement des composantes des implants. L’usage de la clé dynamométrique constitue maintenant la norme pour l’insertion et le serrage des composantes des implants. Plusieurs des systèmes de piliers actuellement offerts indiquent clairement le couple de serrage requis pour obtenir une stabilité optimale.
Conclusion
L’occlusion est une variable importante dans le succès ou l’échec de la plupart des restaurations prothétiques. Les dents naturelles offrent un certain degré de flexibilité permettant de compenser toute irrégularité occlusale. La dentisterie sur implant n’a pas cette latitude. L’état de l’occlusion doit être bien diagnostiquée, corrigée ou compensée, et elle doit être bien intégrée dans la réalisation de la prothèse finale. L’évaluation de l’occlusion doit être plus rigoureuse dans le cas des prothèses sur implants adjacentes aux dents naturelles.
Remerciements : L'auteur souhaite remercier le Dr François Gagnon pour sa collaboration à ce manuscrit.
Le Dr Saba exerce dans un cabinet privé spécialisé en prosthodontie à Montréal (Qué.)
Écrire au : Dr Sebastian Saba, 3550, ch. Côte-des-Neiges, bureau 240, Montréal (Qué.) H3H 1V4. Courriel : saba@qc.aira.com.
L’auteur n’a aucun intérêt financier déclaré.
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