• Deborah Battrum, B.Sc., DDS,
MScD, FRCD(C) •
© J Can Dent Assoc 2001; 67:314-5
Tous les dentistes, sauf les dentistes pédiatriques, ont probablement noté la hausse du nombre de leurs patients âgés, avec pour corollaire des défis non seulement sur le plan diagnostique, mais aussi sur les plans médical et comportemental. L’année dernière, une résidante de 90 ans d’un établissement de soins de longue durée a été amenée à mon cabinet pour un traitement de canal parce qu’une douleur incessante à la bouche l’avait progressivement amenée à cesser de s’alimenter. L’établissement en question n’avait pas de dentiste; une hygiéniste et un denturologiste traitaient occasionnellement les patients. La dame m’avait finalement été référée parce qu’une secrétaire-réceptionniste qui avait eu un traitement de canal avait pensé que c’était ce dont elle avait besoin.
J’ai laborieusement entrepris la lecture de ses médicaments et antécédents médicaux. C’était une femme frêle, mais elle ne mangeait pas à cette époque. Elle a désigné le maxillaire inférieur gauche comme la source de son problème. Quand j’ai rétracté sa joue, elle a reculé de douleur. La région présentait une seule prémolaire, beaucoup de plaque et des gencives enflammées. Je lui ai demandé si elle avait déjà connu ce genre de douleur. Oui, m’a-t-elle répondu, et cela s’était généralement terminé par une extraction. Est-ce que cela l’avait soulagée? Non, mais on lui avait déjà prescrit un médicament qui l’avait soulagée. Pas besoin d’être un génie pour affirmer qu’elle souffrait de névralgie. Pas de parodontopathie ou de carie, mais une névralgie faciale non traitée et une mauvaise hygiène buccodentaire. Quelques jours de gabapentine, et la douleur avait disparu. Son médecin, satisfait, accepta la responsabilité du suivi. J’ai revu la dame dans son foyer quelques semaines plus tard. Je la soupçonne de m’avoir couchée sur son testament.
Le diagnostic était-il si difficile à poser? Non, pas pour un dentiste. Surtout ayant quelques années d’expérience à son actif. Qu’est-ce qui peut bien inciter les auxiliaires dentaires à vouloir se charger de cet aspect de la pratique sans le concours d’un dentiste? Les aînés sont une population mal desservie et un groupe difficile à traiter efficacement. Malheureusement, les centres de soins de longue durée manquent de dentistes. Beaucoup de raisons expliquent cette pénurie, dont le manque de matériel adéquat, une mauvaise compréhension des troubles médicaux des aînés et une rémunération insuffisante (si l’on s’en tient aux guides de rémunération provinciaux).
Les hygiénistes dentaires et les denturologistes soucieux d’élargir leur champ de pratique voient cette population comme leur voie d’accès à la dentisterie traditionnelle. Vous vous souvenez des prothèses? Des prothèses partielles? C’est du déjà vu — on commence par «évaluer» et «traiter» les aînés, puis ce sera l’ensemble de la population. Soyons francs : si les auxiliaires dentaires posent des diagnostics et offrent des services de traitement au segment le plus problématique de la population, qu’est-ce qui les empêchera de traiter les patients de votre cabinet?
Imaginez-vous maintenant à la retraite. Vous aimeriez «rendre un peu de ce que vous avez reçu» et offrir vos services une journée par semaine dans des foyers de personnes âgées. Vous allez vite découvrir le coût de votre envie : permis d’exercer, cotisations aux associations provinciales et à l’ADC, assurance civile professionnelle et formation continue. Les «organismes» qui font la queue aux portes des dentistes fraîchement retraités pour obtenir de l’argent peuvent accabler ces derniers. Dommage pour les résidants de ces établissements. Après tout, qui peut mieux les desservir qu’un dentiste expérimenté, ayant véritablement observé l’âge du parodonte de leurs patients? L’hygiéniste dentaire (même bien intentionnée) n’a ni les connaissances, ni les compétences qui lui permettraient de prendre soin de tous les aspects de la santé buccodentaire des patients vivant dans ces établissements.
La «fuite des cerveaux» D’aucuns pourraient croire que la fuite des cerveaux ne s’applique qu’aux chirurgiens et aux génies de l’informatique de 30 ans. Pourtant, l’étude du nombre de dentistes disposés à prendre leur retraite d’ici quelques années montre clairement que l’on se dirige vers une lourde perte du savoir au profit des terrains de golf et des jardins des cours arrières. Qui veillera aux besoins dentaires des aînés vivant dans des établissements de soins prolongés? Pas les nouveaux diplômés, qui n’auront ni la base de connaissances, ni l’intérêt, ni la résistance nécessaires pour gérer les situations parfois fort délicates qui caractérisent ces centres. Combien de fois ne voit-on pas ces nouveaux diplômés accepter de plus ou moins bon gré de travailler dans un foyer, puis s’empresser de se libérer de cette charge à la première occasion?
Plusieurs dentistes retraités m’ont affirmé que l’on pouvait payer 100 $ pour un permis d’exercer au Yukon ou dans les Territoires du Nord-Ouest. L’autre solution est l’approche «tiers-mondiste» consistant à passer quelque temps en Thaïlande ou au Mexique pour y soigner la population indigente. Il est vrai que cela en aide certains. Mais avez-vous déjà vu la bouche d’un résidant d’établissement de soins prolongés au Canada? Elle a besoin d’aide autant que n’importe quelle bouche dans le tiers-monde. Malheureusement, les dentistes qui veulent faire le bien au Canada doivent payer une «taxe» annuelle d’environ 5000 $ (comprenant les coûts des permis d’exercer mentionnés plus haut et autres dépenses) avant même de se porter bénévole. Pas étonnant que les hygiénistes dentaires et les denturologistes fassent des pieds et des mains pour traiter cette clientèle puisque leur niveau de «taxation» est beaucoup plus bas.
Supprimer les barrières
Une autorisation d’exercer à coût abordable
Promouvoir les régimes de soins dentaires Tout le monde sait que les bénéficiaires de régimes de soins dentaires se font traiter plus souvent que les non bénéficiaires. Le gouvernement fédéral a récemment annoncé son intention de créer un régime volontaire de services dentaires pour les pensionnés de la fonction publique. C’est un pas dans la bonne direction, mais qui ne soulagera qu’une fraction de la population vieillissante.
L’Association des chirurgiens dentistes de la Colombie-Britannique a invité Pacific Blue Cross à se joindre à son groupe de travail en gériatrie, et le tiers payeur a accepté. En Ontario, le gouvernement provincial a récemment exprimé sa volonté de participer à la «promotion» des soins dentaires des aînés et envisage la possibilité d’offrir l’assurance de soins dentaires aux aînés.
Les autres barrières à la santé buccodentaire des aînés ne disparaîtront pas en une nuit. Pour mieux promouvoir la santé buccodentaire, nos associations nationales et provinciales et nos organismes de réglementation professionnelle doivent comprendre que la crise avance à grands pas et réviser leurs politiques pour voir comment améliorer l’accès aux permis d’exercer des dentistes plus âgés et contribuer à réduire «la fuite des cerveaux» des dentistes qui peuvent et qui veulent encore traiter les gens. Nous vieillissons tous. Soyons franchement égoïstes : ne serions-nous pas rassurés de savoir que nous pourrions compter sur un dentiste si nous devions finir nos jours dans un foyer de personnes âgées?
Le Dr Battrum est présidente du Comité de gériatrie et présidente élue de l’Association des chirurgiens dentistes de la Colombie-Britannique.
Les vues exprimées sont celles de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.