Randall D. Mazurat, B.Sc., DDS, MDDE
Sommaire
Les couronnes naturelles des canines constituent des piliers de choix pour les prothèses partielles amovibles en raison de leur morphologie radiculaire et de leur support osseux. On risque toutefois de perforer lémail au cours de la préparation du siège dappui sur la face linguale dune canine mandibulaire. Une méthode de préparation du siège dappui sur la crête marginale de la couronne de la canine permet de préserver la structure de la dent et de créer un appui suffisamment long et profond pour bien soutenir un squelette coulé. Afin dillustrer pourquoi cette préparation de siège dappui est toujours pratiquée localement, nous traiterons de la justification et de la préparation de lappui sur la crête marginale à la fois dun point de vue historique et clinique.
Mots clés MeSH : cuspid; dental abutments; denture design; denture, partial, removable
© J Can Dent Assoc 2000; 66:428-30
Cet article a fait lobjet dune révision par des pairs.
L
a Faculté de médecine dentaire de lUniversité du Manitoba à Winnipeg préconise et pratique depuis plus de 30 ans la préparation dun siège dappui sur la crête marginale dune canine pilier afin de soutenir une prothèse partielle amovible. Ce concept de préparation utile en clinique na pas fait lobjet de discussions ni dutilisations étendues à lextérieur de notre institution. Dans le présent article, nous traiterons des raisons justifiant le recours à ces types dappuis et de leur préparation, à la fois dun point de vue historique et clinique.Historique
Kennedy1 attribue à Bonwill le crédit pour lélaboration en 1807 des principes fondamentaux de conception du crochet, notamment lencerclement et le contact en 3 points pour une rétention efficace. Les 3 points de contact de Bonwill étaient les extrémités des deux bras du crochet et une patte dappui, le prédécesseur de lappui moderne. La patte dappui avait pour fonction de soutenir la prothèse partielle et de servir de point de contact pour empêcher les particules de nourriture de se loger entre le crochet et la dent1,2. La patte dappui était faite dune plaque de métal plié ou dun fil métallique rond plié et elle était souvent renforcée par une brasure. La patte dappui était de préférence placée sur la face occlusale de la dent. Cependant, lappui nétait nécessaire que si lespace était insuffisant pour laccueillir.Applegate3 de même que Swenson et Terklo4 ont souligné limportance de pratiquer un siège dans la face de la dent afin dy asseoir lappui. Applegate3 préconise le recours à un appui occlusal et fait peu mention des appuis sur les dents antérieures. Swenson et Terklo4 ont cependant décrit différentes formes dappui sur les dents antérieures. Ces sièges dappui étaient principalement situés sur les canines et décrites de la façon suivante par McCracken5.
1. Un siège dappui occlusal au niveau du cingulum de la canine maxillaire.
2. Un épaulement lingual périphérique sur la canine maxillaire ou mandibulaire.
3. Un appui sur la face incisive de la canine mandibulaire.
4. Un appui au niveau du cingulum (pour les restaurations coulées).
Dans un document peu connu intitulé Handbook of the Fundamentals of Partial Denture Planning, Shillington6 dit que les sièges dappui sur les dents antérieures pourraient consister en une échancrure taillée à langle mésio- ou disto-incisif, la base étant à angle droit par rapport à laxe long de la dent, lappui incisif, ou en une échancrure pratiquée dans lémail plus épais de la crête marginale (p. 50). Les diagrammes accompagnant ses propos illustrent des échancrures pratiquées suivant un angle avec la ligne incisive ou en travers de la crête marginale dune couronne de canine (Ill. 1). Ce dernier type de siège dappui pratiqué en travers de la crête marginale a été présenté et enseigné dans notre établissement par le Dr H.W. Hart, un collègue de G.B. Shillington. Le Dr Hart était le mentor de plusieurs membres de la faculté qui ont enseigné la prosthodontie amovible dans notre établissement.
Un recensement de lancienne littérature dentaire révèle souvent les origines de certaines pratiques que lon tient trop souvent pour acquises. Comme ces anciens praticiens avaient pris le temps de consigner et de partager leurs connaissances et leurs expériences cliniques, nous sommes en mesure dexpliquer pourquoi ce type de siège dappui particulier est demeuré pratique courante à léchelle locale.
Justification du recours à la préparation dun siège dappui
La canine naturelle est le pilier logique pour une prothèse partielle en raison de sa morphologie radiculaire et de son support osseux4. La plupart des prothèses partielles coulées sappuient habituellement sur au moins une canine7. Malheureusement, locclusion opposée, comme lorsque la canine mandibulaire entre en contact avec la face palatale de la canine maxillaire, ou lanatomie et la profondeur de lémail de la face linguale de la canine mandibulaire, empêche souvent de pratiquer un siège dappui adéquat dans la structure de la dent naturelle8. Des sièges dappui de dimensions limitées en profondeur ou en longueur peuvent être insuffisants pour permettre un bon contact et un bon soutien de la prothèse coulée9. La préparation dun siège dappui au niveau du cingulum ou celle dun appui lingual de type sphérique sur une canine mandibulaire entraîne normalement la perforation de lémail8; cest pourquoi on recommande des sièges dappui dans des restaurations coulées, dans du métal mordancé et lié à la résine10 ou dans de la résine composite liée11.
La face linguale des canines mandibulaires pose plusieurs problèmes pendant la préparation du siège dappui. On obtient souvent une préparation superficielle et étroite en raison de ses caractéristiques anatomiques et de la possibilité de pénétration dans la dentine. Likeman et Juszczyk9 tout comme Shillingburg et Grace12 ont constaté que lépaisseur moyenne de lémail de la face linguale des canines mandibulaires nest que de 0,5 mm.
La préparation dun siège dappui sur la crête marginale de la couronne dune canine naturelle constitue une méthode conservatrice qui tire profit de lanatomie de la dent et utilise la partie de la couronne où lémail est le plus épais (de 1 à 1,5 mm) (Ill. 2), qui est positionnée avantageusement pour un effet de levier (tiers central) et qui est exempte de locclusion opposée.
Directives pour la préparation dun appui sur la crête marginale dune canine
Forme
La forme du siège dappui de la crête marginale est celle dune échancrure. Lappui est taillé suivant un angle de 45° par rapport à la face proximale, en travers de la crête marginale de la couronne. Le siège est placé en position inciso-gingivale dans le tiers central de la couronne, la base du siège étant à angle droit par rapport à laxe longitudinal de la dent (Ill. 3).
Dimensions
Le siège dappui de 2 à 3 mm de longueur est pratiqué en travers de la crête marginale et aura 1 mm dépaisseur à lapex de léchancrure (Ill. 3).
Préparation
Linstrument utilisé pour préparer le siège dappui donne la forme et les dimensions typiques de la préparation. Un diamant latéral à bout plat de 1 mm de diamètre est passé en travers de la crête marginale suivant un angle de 45° par rapport à la face proximale. On commence la préparation en plaçant la pointe du diamant à la hauteur appropriée (tiers central) et en la déplaçant à lintérieur de la crête marginale. Comme cest le cas dans la préparation de tous les sièges dappui, le siège est fait après réduction des contours et préparation du plan guide.
Conclusion
Le siège dappui sur crête marginale est une préparation conservatrice indiquée pour les canines naturelles. La taille de la préparation est suffisante pour soutenir une prothèse partielle amovible coulée sans risque de perforation de lémail des canines mandibulaires. Sur les canines maxillaires, lappui sur la crête marginale peut être utilisé pour éviter que lappui ne gène locclusion statique et excentrique. Il est préférable deffectuer cette préparation sur la crête marginale adjacente à la région édentée, de manière à obtenir un appui suffisamment grand pour permettre un bon contact de soutien. Sur le plan clinique, il est important de respecter les directives suivantes :
1. Utiliser un diamant de taille et de forme appropriées afin dobtenir un appui adéquat en longueur et en largeur. Respecter les dimensions dappui recommandées.
2. Ajuster la prothèse coulée à laide dun révélateur adéquat afin dobtenir un bon siège pour lappui.
Plaquer la face linguale de la canine en vue du placement du bras de réciprocité et de lencerclement.
Le Dr Mazurat est professeur adjoint au Département de dentisterie restauratrice de lUniversité du Manitoba.
Écrire au : Dr Randall D. Mazurat, Département de dentisterie restauratrice, Université du Manitoba, D235-780, av. Bannatyne, Winnipeg, MB R3E 0W2. Courriel : rmazurat@ms.umanitoba.ca.
Lauteur na aucun intérêt financier déclaré.
Références
1. Kennedy E. Partial denture construction. 1st ed. Brooklyn (NY): Dental Items of Interest; 1928.
2. Kennedy E. Partial denture construction. 2nd ed. Brooklyn (NY): Dental Items of Interest; 1942.
3. Applegate OC. Essentials of removable partial denture prosthesis. 1st ed. Philadelphia (PA): W. B. Saunders Co.; 1954.
4. Swenson M, Terklo L. Partial denture. 1st ed. St. Louis (MO): C.V. Mosby Co.; 1955.
5. McCracken WL. Partial denture construction. 1st ed. St. Louis (MO): C.V. Mosby Co.; 1960.
6. Shillington GB. Handbook of the fundamentals of partial denture planning. Ottawa (ON): Queens Printer; 1957.
7. McArthur D. Canines as removable partial denture abutments. Part 1: Tooth rank and canine incidence. J Prosthet Dent 1986; 56:197-9.
8. Haisch L, Hansen C. Dentinal exposure resulting from ball rest seat preparations on mandibular canines. J Prosthodont 1993; 2:70-2.
9. Likeman P, Juszczyk A. An examination of cingulum rest seats in incisor and canine teeth. Eur J Prosthodont Restor Dent 1993; 1:165-71.
10. Lyon HE. Resin-bonded etched-metal rest seats. J Prosthet Dent 1985; 53:366-8.
11. Latta G. A technique for preparation of lingual rest seats in light-cured composite. J Prosthet Dent 1988; 60:127.
12. Shillingburg HT Jr, Grace CS. Thickness of enamel and dentin. J South Calif Dent Assoc 1973; 41:33-6, passim.