Protocole du nouveau millénaire sur les suppléments fluorurés

Euan Swan, B.Sc., DDS, DDPH •

© J Can Dent Assoc 2000; 66:362-3


L’utilisation judicieuse du fluorure contribue considérablement à la prévention et au traitement des caries dentaires. Or, pour qu’elle ne se trouve pas menacée au Canada, les politiques sur les fluorures doivent être définies de sorte à maximiser sa contribution tout en minimisant le risque de fluorose dentaire. Pendant les années 90, l’ADC a mis à jour sa politique sur les suppléments fluorurés à la lumière des meilleures données disponibles. Il est maintenant temps de mettre de nouveau à jour cette politique.

Le besoin de changement est devenu apparent quand des chercheurs crédibles et inquiets ont présenté des arguments solides pour restreindre l’utilisation des suppléments fluorurés chez les enfants1. Le Comité de la dentisterie communautaire et institutionnelle (DCI) fut chargé de revoir la position de l’ADC sur les suppléments fluorurés (gouttes, comprimés et pastilles) suivant les différences qui séparent la posologie de l’ADC et celle de la Direction générale des services médicaux de Santé Canada, qui déconseille les suppléments fluorurés.

Le Comité a examiné les faits2-6 appuyant la réduction des caries et le risque de fluorose dentaire associée à l’utilisation des suppléments fluorurés. D’après les données cliniques disponibles à la fin de 1999, le Comité a confirmé que l’utilisation des suppléments chez les enfants est associée à la fluorose alors que l’effet de protection contre les caries des suppléments est jugé variable. Les suppléments fluorurés ne sont nécessaires que dans le cas des patients à risque élevé de carie et peuvent s’avérer inutiles si le patient est exposé à une quantité suffisante de fluorure provenant d’autres sources.

Chez les jeunes enfants, l’utilisation des suppléments fluorurés avant l’éruption de la première dent permanente risque de causer la fluorose des dents permanentes antérieures. Les posologies traditionnelles, qui sont fonction de l’âge et de la concentration de fluorure dans l’eau potable, ne tiennent pas compte des disparités importantes qui existent à la fois dans le poids corporel des enfants et l’ingestion quotidienne totale de fluorure (toutes sources confondues). Par conséquent, les posologies traditionnelles ont été remplacées par d’autres qui tiennent compte du poids corporel et de l’ingestion quotidienne totale de fluorure. Le seuil auquel le fluorure cause la fluorose dentaire n’est pas précisément connu, mais on l’estime à 0,10 mg de fluorure/kg de poids corporel. Pour minimiser le risque de fluorose dentaire, la norme la plus souvent utilisée de 0,05-0,07 mg de fluorure/kg de poids corporel a été généralement acceptée comme étant la limite supérieure d’ingestion. L’obligation d’évaluer l’ingestion quotidienne totale de fluorure (toutes sources confondues) dans le contexte actuel d’exposition généralisée à de multiples sources de fluorure est vue par certains comme irréaliste. Il se peut très bien que ce soit vrai, et dans les cas où il est impossible de le faire avec certitude, les suppléments fluorurés sont déconseillés.

Pour les enfants dont la première dent permanente est apparue et pour les adultes, les suppléments fluorurés imbibent la bouche d’une dose de fluorure avant d’être ingérés. Le taux de fluorure intrabuccal contribue à protéger l’émail après son éruption et a un effet thérapeutique sur les caries dentaires. L’exposition topique d’un comprimé contenant 1 mg de fluorure dissout dans la bouche équivaut à se brosser les dents avec 1 g (quantité moyenne pour les adultes) de dentifrice fluoruré à 1000 ppm. Les personnes ayant de la difficulté à suivre une hygiène dentaire normale peuvent trouver bénéfique de croquer des comprimés ou de sucer des pastilles, bien que les données à l’appui ne sont encore pas disponibles.

L’adoption de ces nouvelles recommandations demande à changer les protocoles cliniques des dentistes et d’autres qui recommandent à leurs patients des suppléments fluorurés. La dentisterie fondée sur les faits nous demande à tous de mettre continuellement à jour nos protocoles cliniques au fur et à mesure que de nouvelles connaissances émergent. Les recommandations de l’ADC sont conformes à la tendance internationale qui est de réduire les posologies des suppléments fluorurés pour minimiser le risque de fluorose dentaire. Ces recommandations permettent l’intégration du jugement clinique, de la préférence du patient et des meilleures données qui soient pour guider les décisions cliniques en ce qui a trait aux suppléments fluorurés dans le traitement des caries dentaires chez les Canadiens de tout âge.


Le Dr Swan est actuellement président du Comité de dentisterie communautaire et institutionnelle.


Références

1. Lewis DW. Fluoride supplements: review, comments and recommendations. A report to Health Canada (Medical Services Branch), March 30, 1999.

2. Rapport du Comité de la dentisterie communautaire et institutionnelle de l’ADC. Suppléments fluorurés. Octobre 1998.

3. Limeback H, Ismail A, Banting D, DenBesten P, Featherstone J, Riordan PJ. Conférence consensuelle canadienne sur l’utilisation judicieuse des suppléments fluorurés pour la prévention de la carie chez les enfants. J Can Dent Assoc 1998; 64:636-9.

4. Appropriate use of fluoride supplements for the prevention of dental caries. Proceedings of the Consensus Conference of the Canadian Dental Association, Toronto, Canada, 28-29 November 1997. Community Dent Oral Epidemiol 1999; 27:25-83.

5. Review of water fluoridation and fluoride intake from discretionary fluoride supplements. Review for the National Health and Medical Research Council by the Royal Melbourne Institute of Technology – Key Centre for Applied and Nutritional Toxicology in conjunction with the Monash University Medical School’s Centre for Epidemiology and Preventive Medicine. Melbourne. 15 April 1999.

6. Recommendations for the use of fluoride to prevent and control dental caries in the United States. Centers for Disease Control and Prevention. National Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion. Division of Oral Health. DRAFT 8/20/99.

7. Burt BA, Eklund SA. Dentistry, dental practice, and the community. 5th ed. Philadelphia: WB Saunders; 1999.


L’Association dentaire canadienne

Les suppléments fluorurés :

points à examiner


L’Association dentaire canadienne appuie l’utilisation judicieuse de fluorures dans la prévention de la carie dentaire. Elle estime que c’est une des mesures de prévention les plus fructueuses de l’histoire des soins de santé. Les dentistes doivent cependant tenir compte du fait que les fluorures peuvent provenir de plusieurs sources. Ceci s’applique notamment aux enfants de moins de six ans qui, s’ils reçoivent plus de fluorure qu’il ne faut pour prévenir la carie, peuvent être sujets à la fluorose dentaire. Rien ne démontre que l’exposition au fluorure nuit à la santé, mais il serait prudent d’essayer de la limiter aux taux optimaux nécessaires à une protection continue contre la carie. Il est difficile, dans quelque région que ce soit, d’établir l’apport en fluorure global (c-à-d. toutes sources confondues). Or les dentistes devraient, dans la mesure du possible, tenir compte de cet apport lorsqu’ils recommandent des suppléments fluorurés.

Les propositions qui suivent s’inspirent de ces principes :

1) Les suppléments fluorurés ne sont nécessaires que dans le cas des patients à risque élevé de carie et peuvent s’avérer inutiles si le patient est exposé à une quantité suffisante de fluorure par le biais d’autres sources.

2) Avant de prescrire des suppléments fluorurés, il faut effectuer un examen clinique complet et une évaluation des risques de carie, ainsi qu’obtenir le consentement éclairé des patients/tuteurs.

3) Lors de la Conférence consensuelle canadienne sur l’utilisation judicieuse des suppléments fluorurés pour la prévention de la carie chez les enfants, tenue en novembre 1997, il a été suggéré que les individus ou les groupes à risque élevé de carie comprennent éventuellement ceux qui ne se brossent pas les dents (ou à qui on brosse les dents) avec du dentifrice fluoruré deux fois par jour, ou encore ceux qui sont jugés être prédisposés à la carie dentaire en raison, entre autres, d’un historique familial ou communautaire.

4) L’estimation du taux d’exposition globale au fluorure (toutes sources confondues) devrait tenir compte de l’utilisation des dentifrices fluorurés, de l’approvisionnement en eau à la maison et dans les garderies, ainsi que de la répercussion éventuelle des facteurs qui en réduisent la quantité comme la consommation d’eau embouteillée non fluorurée ou l’utilisation de certains appareils d’osmose inversée. Enfin, les dentistes devraient connaître le taux moyen d’exposition au fluorure en vigueur dans leur région.

5) Les suppléments fluorurés sont administrés de préférence sous la forme de pastilles ou de comprimés à croquer. Pour les patients aux besoins spéciaux, il est possible que seules les gouttes soient indiquées.

6) L’utilisation des suppléments fluorurés avant l’éruption de la première dent permanente est généralement déconseillée. Pour les jeunes enfants, quand les bienfaits de leur utilisation surpassent le risque de fluorose dentaire, les dentistes peuvent choisir d’y avoir recours suivant une posologie appropriée. Ceci dit, l’ingestion quotidienne totale de fluorure (toutes sources confondues) ne devrait pas dépasser 0,05-0,07 mg de fluorure / kg de poids corporel afin de minimiser le risque de fluorose dentaire.

7) Suite à l’éruption de la première dent permanente et à la réduction du risque de fluorose dentaire associée à cette étape du développement, les suppléments fluorurés sous la forme de pastilles ou de comprimés à croquer peuvent être utilisés comme apport intra-buccal en fluorure. Une pastille ou un comprimé à croquer contenant 1 mg de fluorure procure la même quantité intra-buccale de fluorure qu’une quantité moyenne de 1 g de dentifrice fluoruré à 1000 ppm.

La version anglaise a été approuvée par la résolution 2000.06
Bureau des gouverneurs de l'ADC
Mars 2000