Soins dentaires «gratuits» pour les enfants

Hershel Bernstein, B.Sc., DDS •

© J Can Dent Assoc 2000; 66:246-7


Compte tenu de deux faits relativement récents — une crise qui sévit dans le domaine des soins dentaires pédiatriques à cause d’un manque d’anesthésiologistes pédiatriques et une étude du ministère de la Santé du Québec qui révèle que la province a le taux de carie dentaire le plus élevé du monde industrialisé — il est intéressant de considérer l’historique des soins dentaires «gratuits» au Québec.

Je doute que les gens croient vraiment qu’on puisse obtenir un produit ou un service sans payer. Rien n’est gratuit. En ce qui a trait au programme des Services dentaires pour les enfants — ou assurance dentaire — du Québec, nous payons par le biais de notre régime fiscal.

Dans la vie, on peut généralement en avoir pour son argent si l’on surveille attentivement ses achats. Mais, est-ce possible lorsqu’on paie de manière indirecte? Prenons les Services dentaires pour les enfants du Québec. Il ne s’agit pas de soins dentaires «gratuits» pour les enfants, mais plutôt de soins dentaires «prépayés». En avons-nous donc pour notre argent? La population en général utilise-t-elle le régime en place à son maximum?

En 1974, quand les Services dentaires pour les enfants ont vu le jour, tous les enfants de moins de neuf ans pouvaient recevoir des soins dentaires préventifs et restaurateurs, payés par le régime d’assurance du Québec. Ce plan méritoire prévoyait aussi un programme d’éducation dentaire qui devait être offert dans les écoles et les CLSC. Les pères de l’assurance dentaire envisageaient une nouvelle génération d’enfants qui, une fois adultes, auraient de bonnes dents et posséderaient la connaissance et la motivation nécessaires pour les garder toute leur vie.

La réalité ne correspond cependant pas à la vision. Même si les soins dentaires sont offerts sans coûts directs aux patients, seule la moitié de la population s’en prévaut. Le reste adhère à d’anciennes croyances familiales, à savoir qu’il n’est pas nécessaire de prendre soin des dents de lait puisque d’autres dents pousseront et que les dents permanentes pourront être remplacées par une prothèse. Sans l’apport proposé et nécessaire des infirmières de la santé publique et des hygiénistes dans le système scolaire et les CLSC, ces mythes ont subsisté jusqu’à aujourd’hui.

Comment les gouvernements du Québec ont-ils réagi dans le passé? Avec l’argent qu’ils ont découvert dans les coffres de l’assurance dentaire à cause de la non-utilisation du régime, il n’ont pu résister à la tentation d’en faire des gains politiques. L’âge de la couverture a donc été augmenté à plusieurs reprises.

Au cours des dernières années, tandis que le gouvernement tentait d’équilibrer le budget, il était politiquement trop risqué de réduire les limites d’âge. Par conséquent, deux grands changements ont été mis en place :

  1. La réduction de la fréquence des examens dentaires, de deux à une seule fois par année.
  2. La réduction des services couverts, résultant en une mosaïque tellement complexe que les dentistes doivent consulter les lignes directrices pour chaque service, selon l’âge du patient, afin d’informer les parents de ce qui sera ou non facturé directement.

Que découle donc de ces changements et d’autres précédemment apportés au régime (Tableau 1)? L’étude du ministère de la Santé du Québec montre que les enfants âgés de 11 à 14 ans ont plus de caries que ceux des autres provinces, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France. Maintenant que les jeunes enfants dont la santé dentaire continue d’être négligée ont besoin de soins spécialisés, nous sommes aux prises avec une autre crise. En effet, il existe peu de fonds et d’anesthésiologistes spécialisés pour satisfaire à leurs besoins.

Nous devons donc maintenant récolter ce que nous avons semé. On a affaibli un programme visionnaire et dispersé les finances aux quatre vents par un manque de prévoyance et de planification à long terme. Les coûts pour le public ont été très élevés, surtout pour ceux qui devaient être servis — nos enfants. La santé dentaire de la présente génération de Québécois, et des prochaines, continue ainsi d’être compromise.


Le Dr Bernstein exerce dans un cabinet privé à Kirkland (Québec), une collectivité située à à l’ouest de Montréal.

Les vues exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Le Centre de documentation de l’ADC

Dossier de documentation, mai 2000

Le dossier de documentation de ce mois-ci renferme toute une documentation sur l’échec des implants dentaires. Les membres de l’ADC peuvent se le procurer pour la somme de 10 $, taxes applicables en sus.

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