Luc Dugal, DMD
© J Can Dent Assoc 2000; 66:188-90
Quest-ce qui attend les dentistes et leurs patients sur le plan des prestations dentaires? Regardons dabord ce que fut le statu quo dans la conception des régimes de soins dentaires. Il existe deux catégories principales de régimes de rémunération à lacte au Canada. Le groupe le plus commun est le régime de prestations déterminées, plus connu sous la fausse appellation «assurance dentaire». Le régime détermine les prestations qui sont couvertes ainsi que les modalités et restrictions en vigueur. La deuxième méthode, celle-ci moins connue, relève des cotisations déterminées. Le remboursement direct en est la clé de voûte. Le répondant du régime choisit une limite de couverture annuelle par souscripteur et établit une certaine entente de co-paiement. Le contrat ne contient aucune formule secrète ou clause cachée. On a besoin daucune table actuarielle ni daucun calcul mathématique. La beauté des cotisations déterminées repose dans sa simplicité.
Qui veut une assurance dentaire?
Les régimes de soins dentaires nont jamais été conçus pour protéger contre léventuel besoin de traitement. Comme la dentisterie met fortement laccent sur la prévention et la nature du traitement dentaire est loin dêtre catastrophique, les coûts dentaires ne fluctuent généralement pas beaucoup. Quand on combine la prévisibilité des coûts avec lexemption fiscale accordée par le gouvernement, les régimes de soins dentaires conviennent parfaitement aux employeurs qui peuvent ainsi payer davance des soins de qualité pour leurs employés. Malheureusement, puisque ces régimes étaient au départ vendus presque exclusivement par les compagnies dassurance et achetés par les employeurs dans le cadre des prestations dassurance des employés, ils furent très vite considérés comme un autre type dassurance. Cette mentalité fut plus tard renforcée par le fait que, à défaut dune base de données fiable, la plupart des acheteurs de régime choisissaient dinclure une garantie contre le dépassement des coûts. Cest ce quon appelle des régimes de soins dentaires assurés ou dindemnité. Lidée que les régimes de soins dentaires étaient une forme dassurance na pas été contestée pendant des années; elle était même renforcée quotidiennement par les membres du cabinet dentaire qui utilisaient constamment le terme «assurance dentaire» dans leurs discussions avec les patients. Ce qui explique en bonne partie laccueil tiède réservé au concept de cotisations déterminées.
Les pourvoyeurs de régimes de soins dentaires ont aussi grandement réussi à convaincre le marché que seul le modèle de prestations déterminées pouvait subsister dans un milieu de rémunération à lacte. Ce modèle offre deux types de régimes. Lun, déjà mentionné, est le régime de soins dentaires assuré ou dindemnité. Jusquà 40 % des primes dassurance ne peuvent servir à couvrir les traitements dentaires. Comme ces primes sont souvent combinées avec dautres prestations de soins de santé dans les avantages sociaux des employés, il est également difficile, sinon impossible, pour les employeurs détablir le rapport entre largent dépensé et les prestations dentaires obtenues. Lautre est le régime de services administratifs seulement ou SAS. Il est auto-financé par les employeurs qui en échange sont facturés des frais administratifs de 3 à 20 % des demandes dindemnisation payées par le tiers administrateur. Les deux types de régimes sont identiques sur le plan de la conception ou de la couverture. Les régimes SAS sont toutefois plus populaires auprès des groupes demployés importants, car plus leffectif est grand, moins il y a de risques.
La nouvelle tendance dans les prestations de santé
Une des innovations récentes les plus intéressantes dans les prestations de santé a été lintroduction des régimes modulaires. Ceux-ci accordent à chaque employé une somme annuelle sous la forme de comptes de dépenses qui lui permettent de choisir le type et la couverture quil veut. Malheureusement, les options sappliquant aux différentes prestations, y compris dentaires, sont uniquement offertes dans des régimes à prestations déterminées. Pas besoin davoir la science infuse pour en déduire que seuls les employés qui prévoient nécessiter une prestation particulière voudront participer à un régime modulaire. Toutefois, cela ne concerne pas les prestations de base dune assurance (p. ex., lassurance-invalidité et lassurance-maladie complémentaire), puisque les primes reposent sur une analyse statistique des probabilités plutôt que sur la participation réelle. Par contre, le coût de loption dentaire est en rapport direct avec le taux de participation et nécessite quune source de fonds séparée soit maintenue pour lalimenter. Les répondants du régime doivent, dune part, offrir un régime de soins dentaires assuré où seulement 60 % des primes serviraient à acquitter les factures dentaires. Les employeurs souhaitant maintenir un régime dentaire auto-financé doivent, dautre part, baisser la couverture ou restreindre le choix de prestations couvertes afin de compenser le peu de fonds disponibles pour les soins dentaires. Il est ironique de voir que les employeurs adhérant au concept des cotisations déterminées avec comptes de dépenses individuels ne peuvent saisir ces mêmes principes en matière de prestations individuelles offertes dans le régime. En étendant loption de cotisations déterminées aux prestations dentaires, on aurait de vrais régimes modulaires.
Alors que les sociétés sadaptent rapidement à la technologie changeante, le nouveau millénaire apportera avec lui des changements excitants dans le milieu des affaires. La rationalisation a déjà créé toute une nouvelle génération de travailleurs autonomes. La technologie de linformatique et la réseautique ont permis de forger un esprit dentreprise qui, séloignant du milieu de travail centralisé, se dirige vers une main doeuvre polyvalente. Cette restructuration rapide de la main doeuvre a créé de nouveaux besoins. Tout comme les consommateurs de biens qui, parmi une myriade de possibilités, peuvent maintenant choisir comment et où magasiner sur Internet grâce à des services comme Amazon.com et E-bay, les consommateurs de services voudront bénéficier dune plus grande flexibilité et choisir les types de prestations dont ils ont besoin et quils peuvent soffrir.
De par leur nature, les prestations déterminées limitent la flexibilité puisque le contrôle est exercé par le biais du groupement des prestations. La nouvelle génération demployés ne cherche ou ne veut pas forcément quon lui présente un régime tout fait. Les employeurs commencent également à reconnaître que ce nest pas la conception du régime de soins dentaires qui rend leurs employés en bonne santé, mais la capacité du régime à leur permettre de rendre régulièrement visite au dentiste et de prendre des décisions informées sur leur santé dentaire. Les régimes de soins dentaires doivent être structurés de sorte à refléter cet objectif.
Les cotisations déterminées arrivées à maturité
Quelle est donc la solution? Eh bien, voilà, à point nommé, les cotisations déterminées. Que pourrait être plus simple pour un employeur que dinstaurer des comptes de dépenses dentaires individuels et de laisser les employés décider quand et où ils ont besoin de dépenser largent sans penser à leur assurance ni à leur droit aux prestations? Comme je lai mentionné plus tôt, le remboursement direct est la clé de voûte de ces types de régimes de soins dentaires. Il fut introduit pour la première fois aux États-Unis avec lappui de lAssociation dentaire américaine comme une vraie forme de paiements anticipés des soins dentaires. Les régimes sont auto-financés par les employeurs et comprennent différents niveaux de remboursement établis suivant le montant et non le type du traitement reçu. Un régime typique pourrait couvrir 100 % des premiers 200 $ dépensés, puis 80 % des prochains 200 $ et, enfin, 50 % des 350 $ restants, pour un maximum de 750 $ par an. Aucune restriction ni modalité nest imposée à la couverture, autre que largent et la raison. Tout ce quon demande à lemployé est un reçu du cabinet dentaire quil présentera à ladministrateur du régime il na à remplir aucun formulaire complexe et fastidieux. Lemployé est de fait remboursé directement par lemployeur. Le concept présente plusieurs avantages. On ne risque certainement pas de confondre ce régime avec une assurance dentaire et son cousin illégitime le droit aux prestations. Il est aussi évident que le financement provient directement des fonds de lemployeur et non dune compagnie dassurance. Les co-paiements responsabilisent les employés du point de vue financier, tout en les sensibilisant au coût des soins dentaires. Tous ces facteurs permettent de comprimer les coûts tout aussi efficacement quavec les régimes de soins dentaires à prestations déterminées. Les régimes à remboursement direct peuvent être établis au Canada en autant que certaines règles et modalités instituées par lAgence des douanes et du revenu du Canada sont respectées. LADC offre un manuel à lemployeur pour aider à guider les clients potentiels (qui devraient également chercher une assistance juridique) tout au long du processus.
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le remboursement direct na pas été accepté par plus demployeurs. Il sagissait tout dabord dun concept avant-gardiste, et les fonds manquaient pour bien le promouvoir. Les compagnies dassurance ou tout autre tiers administrateur navaient et nont encore aucune incitation à promouvoir le remboursement direct puisquil élimine le besoin de recourir à une agence externe. Le risque que présente lauto-financement a certainement découragé beaucoup de petites entreprises à participer. Bien que bon nombre de clients potentiels aimaient la simplicité et la clarté du concept, ils se sont rebiffés à lidée de soccuper de leur propre administration. Ils sinquiétaient également de leur capacité à surveiller lutilisation du régime et à identifier les abus puisque labsence de formulaires de demande dindemnisation signifiait aussi labsence de données. Malgré ces inconvénients, beaucoup demployeurs au Canada et aux États-Unis ont trouvé que le remboursement direct est une manière précieuse et gratifiante doffrir des prestations dentaires à leurs employés. Bien plus de candidats à ce régime de cotisations déterminées ont manqué le coche à cause des inconvénients cités plus haut. Quadvient-il donc des cotisations déterminées pour ce qui est doffrir une solution au problème grandissant du marché des prestations dentaires?
Les cotisations déterminées sont allées au-delà du remboursement direct. On offre maintenant une solution au nombre croissant de propriétaires de petites entreprises indépendantes et à leurs employés qui cherchent flexibilité et valeur. Le budget fédéral de 1998 permet désormais aux propriétaires de profiter dun traitement fiscal favorable, auparavant réservé aux entreprises constituées en société. Bien que les compagnies dassurance restent à la traîne, il y a des sociétés qui offrent des régimes dentaires à cotisations déterminées selon le concept du remboursement direct. LAlberta et les quatre provinces de lAtlantique ont ce quelles croient être une solution sensée. Il sagit de Quikcard. Les régimes de soins dentaires Quikcard existent en Alberta depuis 1989 et dans lAtlantique canadien depuis 1998. Les sceptiques et les opposants diraient que les cotisations déterminées sont de la folie pure et que tout employeur suffisamment insensé pour saventurer dans ce type de régime verra se produire un taux dutilisation incontrôlable et monter en flèche les coûts. La dentisterie organisée na jamais pu réfuter cet argument avec des preuves solides. Le remboursement direct na jamais fait lobjet dune étude statistique. Pourtant, il existe aujourdhui sur le marché des régimes de soins dentaires à cotisations déterminées qui peuvent valider les propos de la dentisterie organisée, à savoir quil existe une meilleure façon doffrir des prestations dentaires à la fois efficaces et abordables.
Le Dr Dugal est président du conseil de la Société des services dentaires de lAlberta, qui commercialise les régimes de soins dentaires Quikcard en Alberta.
Les vues exprimées sont celles de lauteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de lAssociation dentaire canadienne.
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