Brian Barrett, DDS
© J Can Dent Assoc 2000; 66:184
A
ssis à mon bureau, jouvre le dossier et lit les antécédents du patient. Âgé de 77 ans, lhomme est en bonne santé et a gardé la majorité de ses dents naturelles, bien que fortement restaurées. La demande dindemnisation y est annexée, et le seul traitement indiqué consiste en des couronnes céramo- métalliques aux dents 11 et 21. Aucun traitement endodontique, aucun pivot - juste deux couronnes. Et je suis supposé déterminer si le gouvernement - pour qui je suis conseiller en assurance - couvrira le coût.Jouvre lenveloppe contenant la radiographie que vous voyez ci-dessous et me pose des questions. La documentation ne fait aucune mention dun traitement paro dontal ni du remplacement de lune ou lautre des restaurations existantes, ou de labsence dun pivot sur la dent du centre gauche, et ne fait aucune mention de la lésion périapicale à 1 mm au plus de lapex sur la dent 21 ni de la perforation possible sur la face mésiale de la dent 11, indiquée par transparence aux rayons X au tiers apical de la racine. Le coût du traitement dépasse 1200 $. Sagit- il dun service couvert ou non?
Une autre fois, bien plus tôt, jétais assis à un autre bureau où jouvris une autre enveloppe qui, elle, contenait une lettre dune compagnie dassurance à qui un tiers-payeur avait demandé quon lui remette des radiographies. Je me rappelle avoir pensé «Pourquoi en ont-ils besoin? Jai décidé, en tant que praticien dûment autorisé à exercer au Canada et daprès le meilleur jugement clinique qui me soit donné, que la couronne de la dent a besoin dêtre proprement restaurée. Pourquoi donc ce pseudo-dentiste me demande-t-il une radiographie? Les lignes directrices de lADC ne spécifient-elles pas que tout ce que le tiers-payeur doit décider, cest si le traitement est couvert ou non? Quelle peste! Ils essaient juste de me mettre à bout pour quils naient pas à payer la couronne. Pour qui se prennent-ils? Probablement personne dautre quun commis ne les voit de toute façon.»
Il importe vraiment de savoir de quel côté vous êtes.
Il est un vieil adage qui dit quil faut entrer dans la peau de quelquun avant
de juger à tort et à travers. Puisque jai changé de côté et que jai
maintenant le privilège dexaminer plus de 5000 demandes dindemnisation de
soins dentaires par an de tous les coins du pays, ce conseil savère en être un
bon. Quatre-vingt dix pour cent des praticiens qui soignent les clients que nous servons
dépassent de loin mes attentes, mais les autres 10 % me laissent perplexe. La
radiographie que jai jointe à cet article a été soumise en appui à une demande
dindemnisation de couronnes. Cest le genre de chose que tous les
dentistes-conseils du Canada voient chaque jour. Les employeurs et les tiers-payeurs
savent que ça se passe, et pourtant les dentistes, dune voix collective, ont
laudace de remettre en question le droit dun assureur de refuser de payer un
traitement. En tant que dentistes, nous pensons peut-être que refuser de couvrir un
traitement est problématique, puisque les assureurs posent un diagnostic sans même voir
les patients. Pourtant, je pense que la plupart dentre vous qui examinez la
radiographie ci-incluse na pas besoin de voir le patient pour en arriver à une
décision. Plus important, comment pouvons-nous être certain quun tel traitement
nest pas prodigué sans quune pauvre âme nen paie les frais de sa
poche.
Cest là tuer la poule aux oeufs dor, et nous devrons, en tant que professionnels, intervenir et prendre quelque responsabilité pour veiller à ce que ce genre de traitement ne se produise pas. Il est vrai que les assureurs peuvent porter plainte, mais est-ce leur travail? Nous sommes censés être une profession auto-réglementée; or, que réglementons-nous dautre que laccès au marché du travail? Jai entendu dire que ces traitements inappropriés sont des cas isolés, mais enverriez-vous une radiographie de ce genre à un autre dentiste de votre connaissance pour lui demander son opinion sur la pose dune couronne? Je suis convaincu que ces pauvres bougres pensent ne rien faire de mal ... Que Dieu bénisse leurs patients.
Si jécris cet article, cest pour soulever la controverse, et jespère que dautres réagiront et perdront patience devant ce que certains font pour entacher le profil de notre profession. Quand les tierces parties ne supporteront plus labus - à la fois en matière de qualité du traitement et de représentation erronée des faits, pour fins pécuniaires - nous pourrons dire adieu aux paiements des tiers. Quand les patients et le gouvernement découvriront labus des privilèges et le manque de compétence, nous perdrons notre droit dauto-réglementation. Les deux scénarios ne compromettront peut-être pas les patients mais, en tant que membre de la profession, je ne peux croire quils feront du bien à la grande majorité des dentistes. Enfin, ne laissons pas une brebis galeuse contaminer tout le troupeau.
Le Dr Barrett exerce dans un cabinet privé à Charlottetown (Î.-P.-É.). Il est le directeur général de lAssociation dentaire de lÎ.-P.-É.
Les vues exprimées sont celles de lauteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de lAssociation dentaire canadienne.