Faciliter la recherche bucco-dentaire clinique au Canada

Joel B. Epstein, DMD, MSD, FRCD(C) •

© J Can Dent Assoc 2000; 66:140-1


La recherche clinique est essentielle pour déterminer la pertinence du traitement. Alors que les thérapies traditionnelles continuent d’être utilisées en fonction de l’expérience passée, les nouveaux traitements, matériaux et thérapies doivent être évalués suivant leur efficacité, leurs effets secondaires, leur durabilité et leur rentabilité en comparaison avec les thérapies ou placebos actuellement offerts.

La pratique clinique de la dentisterie ou de la médecine peut donner l’impression au fournisseur que les traitements sont efficaces quand, en réalité, les conditions «traitées» peuvent fluctuer ou se résorber spontanément suivant leur histoire naturelle. En outre, tous les traitements de santé ont des effets placebos et des réactions influencées par l’interaction patient-fournisseur. La réaction naturelle est d’attribuer un changement dans la condition au traitement fourni, que la réaction du patient soit due aux effets placebos, à une fluctuation non reliée au traitement des symptômes, ou au traitement fourni. Ainsi, la recherche structurée grâce à des indicateurs de résultats spécifiques prédéterminés, obtenus à double anonymat et interprétés par quelqu’un qui ignore de quelle thérapie il est question, est un outil d’évaluation important pour améliorer les soins des patients.

De bonnes données cliniques sont essentielles, en particulier lors de l’évaluation de nouvelles approches pharmacologiques à la prévention ou au traitement de la maladie. Le besoin de telles données pour approuver les produits a accru la demande de recherches cliniques pour appuyer les nouvelles thérapies et les nouveaux médicaments. Malgré cela, il peut s’avérer difficile de trouver des fonds pour la recherche clinique. Le financement adéquat se fait rare dans les agences fédérales. C’est plutôt le secteur privé, notamment l’industrie, qui offre souvent son assistance et, dans certains cas, ses fonds peuvent correspondre à ceux des agences fédérales ou provinciales.

La recherche commanditée par l’industrie peut fournir des renseignements précieux sur les effets, les effets secondaires, la durabilité et les risques associés au traitement. Ces études doivent être menées selon un schéma clinique rigoureux, comprenant des groupes témoins ou des placebos et une évaluation à double anonymat, avec résultats et tailles d’échantillon ou nombres de patients prédéterminés.

Alors qu’on demande et nécessite de plus en plus ce type de recherche, les chercheurs canadiens se trouvent, selon mon expérience, handicapés par la dotation en personnel et les politiques de la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de Santé Canada. Beaucoup d’études multinationales, telles que les études prévues d’être menées aux États-Unis et au Canada, peuvent ne pas être financées par l’industrie quand, au Canada, différentes procédures administratives et des retards dans la révision des protocoles d’étude se présentent au niveau fédéral. Pire encore, cela réduit la recherche clinique et les activités universitaires au Canada, le nombre de postes de travail et les revenus, puisque les études ne sont pas financées dans ce pays.

Ce qui semble poser problème est la dotation en personnel de la DPT et le format des demandes et matériaux imposé par la DPT comparativement à la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis. Dans plusieurs études éventuelles récentes, les projets d’établissement d’un ou plusieurs centres canadiens dédiés à ce genre de recherche ont été annulés après examen du temps et des coûts réglementaires issus de la demande. Bien qu’elle requiert des informations semblables, la demande a un format différent, et le retard qui en découle peut s’allonger. Dans ces cas, l’industrie a décidé de procéder avec les sites d’étude américains et approuvés par la FDA ou ceux des États-Unis et de l’Europe.

Pour remédier au retard encouru à la DPT, on peut entre autres accroître la dotation en personnel, ce qui accélérerait le processus d’approbation. D’autres possibilités pour faciliter les débouchés de recherche au Canada pourraient être d’accéder à des demandes au format de la FDA ou d’autoriser la recherche au Canada sur approbation de la FDA. Pour débuter la recherche, il faudrait bien sûr l’approbation d’un bureau local d’éthique et de recherche. Cette mesure ne s’appliquerait pas directement à l’approbation de facto des médicaments destinés à la commercialisation post-étude, mais aiderait sûrement les universitaires et des chercheurs canadiens à s’impliquer dans l’étude clinique de nouvelles approches au diagnostique, à la prévention et au traitement des maladies. En plus de l’accroissement évident des débouchés universitaires et cliniques, on assisterait à la hausse de l’emploi au Canada et au perfectionnement de la connaissance des nouvelles thérapies.

Le problème devrait intéresser les fournisseurs de soins de santé, les fournisseurs de soins dentaires et le public du Canada, pour que les nouvelles thérapies et les produits expérimentaux se fassent moins rare dans un contexte d’étude contrôlée, et que les fournisseurs de soins de santé canadiens connaissent davantage les nouvelles thérapies grâce aux possibilités plus nombreuses de s’impliquer dès le départ dans des essais cliniques contrôlés.

Les futures éditions du Journal devraient discuter de la nature des études cliniques et des éléments d’une bonne étude. Le besoin de preuve de sécurité, d’efficacité et de compréhension du risque et du bienfait de chaque nouvelle thérapie devrait être bien compris et, en fait, exigé par les fournisseurs de soins de santé et le public.


Le Dr Epstein est directeur du Département de dentisterie au Centre hospitalier et des sciences de la santé de Vancouver, Agence du cancer de la Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique.

Les vues exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.