La désinfection des surfaces et de l’équipement

Susan Springthorpe, B.Sc., M.Sc.•

© J Can Dent Assoc 2000; 66:558-60


La désinfection des surfaces et des instruments à l’aide de produits chimiques est un aspect important du contrôle des infections de routine dans les cabinets dentaires et ailleurs. Au moment de choisir un désinfectant, il est important de tenir compte du temps et de la méthode de désinfection chimique, des facteurs qui influencent l’efficacité des germicides et des dangers que comporte leur utilisation. La terminologie qui désigne ces produits chimiques porte parfois à confusion et bon nombre des synonymes courants (comme biocide, microbiocide, germicide et désinfectant) couvrent un large spectre d’efficacité contre une variété de microbes pathogènes. Cependant, un produit donné peut n’être efficace que contre une seule catégorie de microorganismes, habituellement des bactéries végétatives. L’utilisateur doit par conséquent lire attentivement l’étiquette du produit avant d’acheter pour s’assurer de son pouvoir désinfectant ou décontaminant.

On désinfecte principalement pour interrompre la transmission d’agents pathogènes d’un individu infecté à un hôte réceptif. Comme la désinfection de l’air ambiant est difficilement faisable, potentiellement dangereuse et habituellement inefficace pour la prévention de la diffusion des pathogènes aéroportés, la désinfection se limite donc à l’utilisation de germicides chimiques liquides sur les surfaces et les pièces d’équipement environnantes. Un pathogène libéré dans l’environnement contamine les surfaces directement ou par le dépôt de gouttelettes aéroportées. Selon la nature de l’agent pathogène et de son milieu de suspension, ainsi que des facteurs environnementaux comme la température et l’humidité relative, les organismes peuvent survivre de quelques minutes à plusieurs semaines, voire des mois. Bien que la période de séchage initiale influe sur la viabilité du pathogène à divers degrés, des quantités fractionnelles de la plupart des pathogènes peuvent être détectées jusqu’à plusieurs heures sur les surfaces contaminées. Pendant ce temps, le contact avec l’article contaminé peut entraîner une inoculation directe chez l’hôte réceptif ou, ce qui est plus probable, la contamination d’un autre mode de transmission, comme les mains, qui est à l’origine de l’inoculation directe. Les désinfectants peuvent limiter la survie des pathogènes et leur transmission à un hôte réceptif ou à un mode de transmission secondaire.

On préfère toujours la stérilisation à chaud, lorsque l’on peut la pratiquer, à la stérilisation chimique. Par contre, dans certaines situations, il peut être nécessaire de recourir à la désinfection chimique radicale des instruments après chaque usage. On détermine habituellement le besoin de désinfecter les surfaces selon l’évaluation des risques relatifs pour les patients et le personnel qui entrent souvent en contact avec des surfaces pouvant être contaminées, soit directement soit par le dépôt de gouttelettes aéroportées.

La désinfection efficace repose sur trois principes d’égale importance pour obtenir de bons résultats. Le produit utilisé est important car un désinfectant de mauvaise qualité est inefficace même s’il est utilisé correctement et régulièrement. Le protocole d’utilisation du produit choisi est important, car même un bon produit appliqué régulièrement sera inefficace si la méthode d’application ne permet pas un bon contact avec la ou les surfaces contaminées. L’application régulière, d’un bon produit et selon un protocole adéquat, est essentielle puisque la désinfection n’a pas lieu si le produit n’est pas appliqué régulièrement ou correctement. Le produit à utiliser, ainsi que la méthode et la fréquence d’utilisation, devraient être définis dans des protocoles et des marches à suivre documentés pour la désinfection de toutes les surfaces et de toutes les pièces d’équipement importantes, surtout lorsque celles-ci doivent être démontées. La désinfection chimique devrait en outre être complétée du lavage des mains ou de l’antiseptie, puisque les agents pathogènes passent d’emblée entre les mains et les objets si l’un ou l’autre est contaminé.

Une liste des principaux facteurs qui influencent l’efficacité de la désinfection figure au tableau 1.

Il existe une vaste gamme de désinfectants sur le marché, dont les composés halogènes comme l’hypochlorite de sodium, les alcools, les composés peroxygénés comme le peroxyde d’hydrogène, et les aldéhydes comme le glutaraldéhyde, qui sont tous efficaces lorsqu’ils sont utilisés correctement. D’autres types de désinfectants, comme les phénols, les composés d’ammoniums quaternaires et les biguanides (dont la chlorhexidine), sont d’une efficacité relative contre les virus non enveloppés et les spores bactériennes, et ont un pouvoir destructeur limité contre les mycobactéries.

Le désinfectant idéal aurait un large spectre d’activité et une action rapide, serait difficile à neutraliser, non corrosif, écologique, exempt de composé organique volatile et non toxique, en plus de ne pas laisser de taches et de ne pas contenir de perturbateurs hormonaux. De plus, l’étiquette du produit devrait être claire, avec des instructions sans ambiguïté et faciles à suivre. Malheureusement, on rencontre souvent des étiquettes très confuses et difficiles à comprendre même pour un professionnel du contrôle des infections. Au Canada, les désinfectants en usage dans les cabinets dentaires portent une étiquette sur laquelle figure un code d’identification numérique de la drogue (code DIN) émis par Santé Canada. L’étiquette du produit donne aussi les principaux renseignements que le fabricant est tenu d’y inscrire en vertu de la loi, et le contenu de l’étiquette est vérifié avant l’émission du code DIN. L’utilisateur du produit doit néanmoins lire attentivement l’étiquette avant de choisir et d’utiliser un produit.

La désinfection est une arme à double tranchant. Les désinfectants sont par nature des produits chimiques puissants conçus pour tuer; ils peuvent donc être dangereux si on les utilise fréquemment ou incorrectement. Certains sont cancérigènes, toxiques pour l’être humain ou pour l’environnement, et agissent comme perturbateurs hormonaux. Tous les désinfectants ne posent pas les mêmes risques en matière de sécurité; certains sont neutralisés par dilution ou facilement biodégradables, tandis que d’autres peuvent laisser des résidus toxiques et dommageables pour l’environnement, ou persister dans l’environnement pendant de longues périodes. On recommande de rincer à fond les instruments avec de l’eau stérile afin de ne pas exposer les patients à des traces résiduelles de désinfectant. Le contact avec certains désinfectants peut provoquer des réactions cutanées et parfois une sensibilisation extrême. Il faut aussi prendre des précautions avec les désinfectants inflammables ou corrosifs.

Les désinfectants utilisés sur les surfaces environnantes sont souvent dilués. Il est essentiel de bien entreposer et étiqueter les désinfectants, même après leur dilution, afin d’éviter toute possibilité d’ingestion accidentelle. On doit faire preuve d’une extrême prudence dans l’entreposage et le contrôle de ces solutions car certaines bactéries, principalement les mycobactéries et les pseudomonas, peuvent survivre et proliférer dans des désinfectants mal dilués ou entreposés de façon inadéquate ou pendant une trop longue période. Pour éviter ces problèmes, les solutions de désinfectants dilués devraient être préparées en quantités limitées et renouvelées régulièrement dans des contenants propres. Les contenants de désinfectants dilués et de solutions pour le lavage des mains devraient être bien nettoyés avant le remplissage. Même si la résistance extrême aux germicides est rare, on s’intéresse actuellement beaucoup à la possibilité que certains mécanismes de résistance bactérienne soient communs aux antibiotiques et aux germicides, qui sont tous deux des toxines bactériennes. Par conséquent, l’exposition à des concentrations sublétales de germicide pourrait enclencher, par un mécanisme commun, une résistance aux antibiotiques.

On devrait aviser les utilisateurs du fait que les méthodes généralement acceptées pour vérifier les désinfectants sont inadéquates et sous examen. Des évaluations très différentes de l’efficacité émanent de différents laboratoires qui ont examiné des échantillons d’un même produit provenant d’un même lot de fabrication. Il est donc possible que certains produits arborent une étiquette dont le contenu ne peut être corroboré par des tests plus rigoureux. En outre, les représentants de commerce exagèrent souvent les propriétés de leurs produits. Les films biologiques microbiens sont en général plus difficiles à désinfecter que les microorganismes sur les surfaces qui, à leur tour, sont plus difficiles à détruire que les bactéries en suspension; cet ordre de résistance est particulièrement important dans le cas des mycobactéries. On doit toutefois se rappeler que la désinfection n’est qu’un outil — un outil utile lorsqu’elle est pratiquée correctement, mais un outil sur lequel on ne peut se fier pour résoudre le problème du contrôle des infections. Dans des conditions idéales, la désinfection n’est qu’un des éléments d’une stratégie d’ensemble pour contrôler les infections. Bien qu’il soit difficile de formuler des recommandations spécifiques sur les produits de marque, les produits chimiques oxydatifs comme les peroxydes, les peracides et les composés halogènes sont reconnus pour leur vaste spectre d’activité quand ils sont formulés et utilisés correctement. Aussi, le peroxyde d’hydrogène a l’avantage supplémentaire d’être relativement sans danger pour le personnel et l’environnement quand il est manié correctement.


Mme Springthorpe est directrice adjointe du Centre de recherche sur la microbiologie de l’environnement, Université d’Ottawa, Ottawa (Ontario).

Écrire à : Mme Susan Springthorpe, Faculté de médecine, Université d’Ottawa, 451, ch. Smith, Ottawa, ON K1H 8M5. Courriel : sspring@uottawa.ca

Les vues exprimées sont celles de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Bibliographie

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