Les précautions universelles

Gillian M. McCarthy, BDS, M.Sc. •

© J Can Dent Assoc 2000; 66:556-7


Les précautions universelles (PU) ont été introduites en 1987 pour minimiser la transmission des pathogènes à diffusion hématogène aux travailleurs de la santé. Elles consistent en une norme simple qui devrait être appliquée à tous les patients, en tout temps. Elles sont particulièrement pertinentes pour les procédures dentaires où il peut y avoir contact avec du sang ou de la salive contaminée de sang, et elles font partie intégrale des recommandations actuelles pour le contrôle des infections en dentisterie1-4. En 1996, les CDC (Centers for Disease Control) ont mis à jour les protocoles de contrôle des infections pour inclure des précautions standard — une combinaison de PU pour la prévention de la transmission des pathogènes à diffusion hématogène et de précautions d’isolement des liquides organiques. Les précautions standard ont étendu les principes des PU à tous les liquides organiques pour minimiser le risque d’infection croisée chez les patients et les travailleurs de la santé.

Le besoin de précautions standard et universelles

Ces précautions sont nécessaires parce que certains patients ne révèlent pas leur état infectieux et que beaucoup ne savent pas qu’ils sont infectés (aucun signe ni symptôme ne risque d’apparaître pendant les périodes d’incubation ou si la maladie est subclinique). En outre, les anticorps ou autres marqueurs d’infection peuvent ne pas être décelables lors de la période suivant immédiatement l’infection, soit la fenêtre sérologique. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des infections au VIH car la quantité de virus dans le plasma (charge virale) et l’infectiosité maximale du VIH sont les plus élevées pendant la fenêtre sérologique et la progression de la maladie chez les sidéens.

Conformité des dentistes avec les mesures de contrôle des infections recommandées

Il a été prouvé que la conformité avec les PU chez l’ensemble des travailleurs est faible5,6. Les dentistes font généralement bonne figure vis-à-vis des autres travailleurs de la santé, et la conformité des dentistes au Canada semble être supérieure à celle de la plupart des autres pays, bien qu’il soit clair que certaines améliorations doivent être apportées à certains endroits pour réduire le risque de transmission de l’infection7. Dans l’étude nationale de 1995, une grande proportion des dentistes canadiens ont rapporté s’être faits immunisés contre le virus de l’hépatite B (VHB) (91 %), porter régulièrement des gants (95 %) ou des masques (82 %) ainsi que des lunettes de protection (82 %) quand on s’attend à des éclaboussures. En outre, 76 % et 63 % des dentistes ont indiqué respectivement se laver les mains avant d’examiner chaque patient et après avoir enlevé leurs gants. Cependant, il se peut que les dentistes se conforment davantage aux mesures d’hygiène des mains grâce à l’introduction récente de la désinfection des mains comme solution de rechange efficace au lavage des mains puisqu’elle peut épargner du temps et réduire la dermatite (voir John dans la présente édition, p. 546). Environ trois quarts des dentistes ont signalé faire immuniser tout leur personnel clinique, vérifier l’efficacité des stérilisateurs à chaud (contrôle biologique) et stériliser les pièces à main après chaque visite de patient — une pratique fondée sur les faits comme quoi la transmission de pathogènes est possible si les pièces à main ne sont pas proprement stérilisées8,9.

On a rapporté des taux de conformité plus faibles pour ce qui est de purger les conduites d’eau après chaque visite (55 %) et de mettre en oeuvre des protocoles de post-exposition pour les piqûres d’aiguille et les coupures (41 %)7. Cependant, depuis que ces données ont été recueillies, les directives concernant la prophylaxie de post-exposition pour le VIH (voir Gregson dans la présente édition) et la réduction de la contamination des conduites d’eau ont été mises à jour (voir Barbeau dans la présente édition), et la conformité s’est peut-être améliorée.

La conformité avec les précautions universelles réduit l’exposition

La conformité avec les PU réduit l’exposition au sang et à la salive contaminée par le sang. Dans l’étude nationale canadienne, les dentistes qui utilisaient des contenants imperforables pour jeter des objets tranchants ou ceux qui portaient régulièrement des gants ont indiqué un nombre nettement inférieur de blessures percutanées10. Ceci confirme ce que l’on savait déjà, à savoir que plus le taux de conformité avec les PU augmente plus le nombre de blessures percutanées diminue11. Aussi, les dentistes qui ont rapporté des blessures percutanées au cours de la dernière année et qui étaient ainsi plus vulnérables à la transmission des pathogènes à diffusion hématogène étaient moins enclins à avoir un protocole de post-exposition10. Les dentistes qui utilisaient constamment des masques et des lunettes de protection ont indiqué nettement moins d’éclaboussures de sang ou de salive contaminée par le sang dans les yeux, le nez ou la bouche. Ceci prouve l’efficacité du port des masques et des lunettes de protection dans la réduction, mais non l’élimination, du risque d’exposition. Enfin, une meilleure conformité peut réduire le risque d’exposition; cependant, l’efficacité des masques et des lunettes de protection doit également être améliorée.


Le Dr McCarthy est professeure à l’École de médecine dentaire, Département d’épidémiologie et de biostatistique, Faculté de médecine et de dentisterie, Université Western Ontario.

Écrire au : Dr Gillian McCarthy, École de médecine dentaire, Bâtiment des sciences dentaires, Université Western Ontario, London, ON N6A 5C1. Courriel : gmccarth@julian.uwo.ca


Références

1. Association dentaire canadienne. Contrôle des infections : points à examiner. Ottawa : Association dentaire canadienne, mars 1999.

2. Recommandations sur les mesures de prévention de la contamination. Association dentaire canadienne. Bureau des gouverneurs. J Can Dent Assoc 1995; 61:509.

3. Centers for Disease Control and Prevention. Recommended infection control practices for dentistry. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 1993; 41:1-12.

4. Infection control recommendations for the dental office and the dental laboratory. ADA Council on Scientific Affairs and ADA Council on Dental Practice. J Am Dent Assoc 1996; 127:672-80.

5. Henry K, Campbell S, Collier P, Williams CO. Compliance with universal precautions and needle handling and disposal practices among emergency department staff at two community hospitals. Am J Infect Control 1994; 22:129-37.

6. Gershon RR, Vlahov D, Felknor SA, Vesley D, Johnson PC, Delclos GL, and other. Compliance with universal precautions among health care workers at three regional hospitals. Am J Infect Control 1995; 23:225-36.

7. McCarthy GM, Koval JJ, MacDonald JK. Compliance with recommended infection control procedures among Canadian dentists: results of a national survey. Am J Infect Control 1999; 27:377-84.

8. Lewis DL, Boe RK. Cross-infection risks associated with current procedures for using high-speed dental handpieces. J Clin Microbiol 1992; 30:401-6.

9. Epstein JB, Rea G, Sibau L, Sherlock CH, Le ND. Assessing viral retention and elimination in rotary dental instruments. J Am Dent Assoc 1995; 126:87-92.

10. McCarthy GM, Koval JJ, MacDonald JK. Occupational injuries and exposures among Canadian dentists: the results of a national survey. Infect Control Hosp Epidemiol 1999; 20:331- 6.

11. Beekmann SE, Vlahov D, Koziol DE, McShalley ED, Schmitt JM, Henderson DK. Temporal association between implementation of Universal Precautions and a sustained, progressive decrease in percutaneous exposures to blood. Clin Infect Dis 1994; 18:562-9.