Comment se préparer pour les urgences médicales dans un cabinet dentaire Archibald D. Morrison, DDS, MS, FRCD(C) Reginald H.B. Goodday, DDS, MS, FRCD(C)
© J Can Dent Assoc 1999; 65:284-6 [Éducation et préparation | La structure de léquipe durgence |Résumé| Références] Une urgence est un problème médical qui nécessite un traitement immédiat. Des urgences médicales surviennent dans les cabinets dentaires : un sondage mené auprès de 4000 dentistes par Fast et ses collaborateurs1 révèle un taux dincidence de 7,5 urgences par dentiste sur une période de 10 ans. Chaque dentiste devrait donc avoir les connaissances élémentaires qui lui permettent de reconnaître, dévaluer et de maîtriser les situations qui mettent en danger la vie du patient, jusquà ce que ce dernier puisse être amené à un établissement de santé. Le succès de lintervention repose sur la compréhension des processus physiopathologiques et de la façon de les corriger. Il est moins difficile que ne le croient la plupart des dentistes de faire face aux urgences médicales. Les connaissances requises sont, par exemple, beaucoup moins vastes que celles déjà acquises et mises en application dans nos pratiques quotidiennes. Noublions pas que certaines situations durgence finissent mal même dans les hôpitaux où le traitement est optimal. Des personnes sont victimes de crises cardiaques tous les jours et peuvent très bien en être frappées dans votre cabinet. Ces événements tragiques ne sont habituellement la faute de personne; il suffit dêtre préparé et de savoir quoi faire pour donner au patient les meilleures chances de se rétablir. Ce qui nous intéresse ici est donc ce qui nous tient en vie, soit les besoins vitaux que sont les voies respiratoires, la respiration et la circulation. Les signes vitaux sont essentiels à lévaluation de létat du patient. Il faut simplement mesurer la fréquence respiratoire, le pouls et la tension artérielle, rien de plus. Si tous ces paramètres sont normaux, le patient sen tirera probablement très bien. Dans le cas contraire, lobjectif consiste à les stabiliser jusquà ce que le patient puisse recevoir des soins médicaux adéquats. Au cours de lévaluation des voies respiratoires, on devrait observer la poitrine et labdomen du patient pour déceler tout mouvement de régression. Sil est difficile de voir ces mouvements, on peut essayer de les sentir en mettant la main sur la poitrine ou labdomen du patient. On peut prendre le pouls à lune ou lautre des artères radiale (poignet) ou carotide (cou), pour en déterminer la fréquence, le rythme et le contour. Il faut se rappeler que la tension artérielle (TA) = débit cardiaque (DC) x résistance périphérique (RP). (DC = volume systolique [VS] x fréquence cardiaque [FC]. Le terme volume systolique désigne le volume de sang retourné au coeur pour le pompage et la force de contraction du coeur au moment de léjection du sang.) La plupart des urgences médicales sont attribuables à une altération de cette formule, et lobjectif du traitement consiste à la corriger. On mesure habituellement la tension artérielle en utilisant lartère brachiale dans la partie supérieure du bras. Tout le personnel du cabinet devrait savoir comment mesurer les signes vitaux. Si le patient est amputé des deux bras, on peut installer un grand brassard autour de la cuisse et mesurer le débit sanguin à partir de lartère poplitée située derrière le genou. Tous les membres de léquipe dentaire, notamment les dentistes, les hygiénistes, les assistantes, les réceptionnistes et les autres membres du personnel devraient avoir une attestation de compétence en RCR valide. On recommande de suivre annuellement des cours dappoint. Les dentistes peuvent aussi enrichir leur formation en suivant un cours de soins spécialisés en réanimation cardiaque dans lequel on apprend des techniques de survie comme lintubation, la défibrillation, laccès aux voies intraveineuses, ladministration des médicaments durgence et la reconnaissance des arythmies cardiaques. Les urgentologues, ainsi que le personnel infirmier et technique des salles durgence, utilisent quotidiennement ces techniques. Le cours de soins spécialisés en traumatologie est plus intensif et sadresse aux personnes devant soccuper de victimes de traumatismes. Bien que la plupart des spécialistes en chirurgie buccale et maxillo-faciale doivent suivre ce cours, les autres dentistes nont pas vraiment besoin de cette formation, sinon pour leur culture personnelle. On devrait avoir à portée de la main des ouvrages de référence comme le .Medical emergencies in the dental office2 Comme toujours, la prévention est le meilleur remède. Selon le sondage effectué par Fast et coll., 28 p. 100 des urgences médicales surviennent au cours des traitements radiculaires et 37 p. 100 au cours des extractions dentaires.1 Ces statistiques laissent supposer que la peur, lanxiété, la douleur ou le malaise peuvent prédisposer les patients aux situations durgence. Le dentiste qui peut atténuer les inquiétudes du patient et appliquer des techniques adéquates de soulagement de la douleur franchit une étape importante dans la prévention des situations durgence. La préparation aux situations durgence comprend :
Le personnel du cabinet devrait également connaître les ressources illustré au Tableau I.
La prévention des urgences médicales commence dès que le patient entre dans votre cabinet et remplit le questionnaire médical. Il est très important que le dentiste ait une connaissance précise des antécédents médicaux du patient afin de pouvoir identifier tout facteur de prédisposition pouvant donner lieu à un événement imprévisible; noublions pas quune personne avertie en vaut deux. Bien que chaque cabinet dentaire ait son propre questionnaire médical, on devrait poser au patient six questions élémentaires afin de pouvoir déceler tout problème éventuel : 1. Avez-vous des allergies? 2. Avez-vous des antécédents dhémorragie? 3. Avez-vous le souffle court? 4. Avez-vous ou avez-vous déjà eu des douleurs thoraciques? 5. Prenez-vous des médicaments? 6. Avez-vous déjà été hospitalisé? Une réponse affirmative à lune ou lautre de ces questions devrait mener à une investigation plus approfondie afin de savoir sil faut modifier le traitement. La prochaine étape de la prévention a lieu au moment de la première rencontre avec le patient. Lexamen visuel permet au dentiste de déceler toute coloration anormale de la peau ou des lèvres ou lessoufflement, tout en lui donnant une impression globale de létat de santé général du patient. La conversation avec le patient permet ensuite de se faire une idée sur son degré danxiété et son état desprit. On recommande de prendre en note les signes vitaux de base pendant lexamen. Ces renseignements sont importants pour lévaluation de létat de santé général du patient et pour faire la comparaison avec les signes vitaux observés en cas durgence. Une révision constante des notions de physiologie aidera à interpréter correctement les antécédents médicaux et les signes vitaux du patient, et à faire le lien entre les signes et les symptômes et la réaction possible du patient au traitement. Il est important, dans le traitement des urgences médicales, de ne pas oublier le rôle de loxygène dans le maintien de lintégrité de la cellule qui est lunité vivante de base de lorganisme. Dans les cas durgences médicales, la préoccupation première du dentiste devrait être de savoir dans quelle mesure lévénement affectera lapport ou la demande en oxygène de chaque organe. Lorganisme contient environ 75 billions de cellules. Bien que ces cellules remplissent toutes des fonctions différentes, elles ont toutes une chose en commun : le besoin doxygène comme substrat duquel elles tirent leur énergie. Nous avons besoin doxygène pour produire les unités énergétiques de lATP, qui peuvent ensuite être utilisées pour à la fois maintenir lintégrité de la paroi cellulaire et alimenter les processus cellulaires. La cellule privée doxygène ne peut survivre. Dans toute situation durgence spécifique, le clinicien doit se demander comment le traitement modifiera favorablement et améliorera le rapport entre lapport et la demande en oxygène. Lorganisme comporte trois systèmes dont les fonctions intégrées permettent loxygénation de toutes les cellules : le système hématopoïétique, le système cardio-vasculaire et le système respiratoire. Le sang est constitué de 40 p. 100 de cellules et de 60 p. 100 de plasma. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cellules sont des globules rouges, et 1 p. 100 sont des globules blancs. Par comparaison à une simple dissolution de loxygène dans le plasma, lhémoglobine des globules rouges permet le transport de 30 à 100 fois plus doxygène. La combinaison lâche et réversible de loxygène et de lhémoglobine donne au sang sa couleur rouge vif. Lhémoglobine désoxygénée est dune teinte pourpre bleutée. Lorsque lon examine un patient, lobservation de zones de perfusion, comme les lèvres et le lit unguéal, donne des indices quant à la qualité de loxygénation du patient. Lorganisme a besoin dune pompe et dun circuit pour acheminer loxygène à toutes les cellules. Le coeur est la pompe, les artères et les veines constituent le circuit qui permet le transport du sang hors et vers le coeur respectivement. On recueille une quantité considérable de renseignements sur ce système lorsque lon prend le pouls et la tension artérielle dun patient. Une tension artérielle de 120/80 signifie que le patient présente une mesure de 120 mm de mercure au cours de la systole, la période de contraction du ventricule gauche. La mesure de 80 mm de mercure représente la diastole, soit lintervalle au cours duquel le ventricule gauche se dilate et se remplit de sang oxygéné. Comme TA = DC (VS x FC) x RP, tout changement de quelque élément de cette équation aura pour effet direct daugmenter ou de diminuer la tension artérielle. On peut recourir au traitement et au positionnement du patient, ainsi quà ladministration de médicaments, pour améliorer la tension artérielle. Pour évaluer rapidement létat du système cardio-vasculaire, on peut prendre le pouls radial ou carotidien, afin de déterminer la fréquence cardiaque et le volume systolique. Le traitement du patient dont le pouls est fort et régulier est très différent de celui du patient dont le pouls est faible et irrégulier. La ventilation et la perfusion sont toutes deux nécessaires à loxygénation du sang. La ventilation est la mobilisation de lair entre latmosphère et les alvéoles pulmonaires, et la perfusion est lapport sanguin dans les alvéoles pulmonaires. En cas dinterruption du débit sanguin pulmonaire par exemple, par la présence dun caillot sanguin volumineux ou dun embole lapport en oxygène dans le sang peut être insuffisant même si la ventilation est adéquate. Dans le même ordre didées, si le passage de lair dans les poumons est obstrué par une dent, un crampon ou une crise dasthme aiguë, une quantité insuffisante doxygène atteindra le sang même si le débit sanguin est adéquat. Il est important de se rappeler que le mouvement respiratoire est contrôlé par la concentration sanguine de gaz carbonique. La stimulation respiratoire augmente proportionnellement à lélévation de ces concentrations consécutive au métabolisme cellulaire. Les conditions qui ont une influence sur cette stimulation peuvent être à la base du traitement, ou être effectivement à lorigine dune urgence médicale. La structure de léquipe durgence Le cabinet dentaire devrait avoir un plan daction en cas durgence médicale, et le personnel devrait sy exercer au moins une fois lan. En raison des différences de pratique, chaque cabinet devrait élaborer sa propre structure déquipe durgence. Toutes les situations durgence nécessitent un chef déquipe il sagit dune structure identique à celle dune salle durgence où une personne est responsable de la supervision de toutes les opérations reliées aux soins prodigués au patient, donne toutes les directives et assigne les personnes aux différentes tâches. Dans le cabinet du dentiste, le chef déquipe jouera probablement un rôle plus actif en ce qui a trait à lévaluation et au traitement du patient. Il sagit habituellement du dentiste, mais plusieurs personnes mieux qualifiées peuvent aussi jouer ce rôle, comme un cardiologue ou un médecin dun cabinet voisin. Il faut sassurer que la personne à qui lon fait appel possède des connaissances à jour en matière durgences médicales. Il est conseillé de conserver à la réception un numéro de téléphone où lon peut joindre cette personne, ainsi que dautres numéros à composer en cas durgence, comme celui du service ambulancier, de la salle durgence ou de lhôpital le plus près. Le chef déquipe est la personne 1 (P1). La personne suivante la plus disponible (P2), qui peut être lassistante déjà présente dans le cabinet, aide directement la P1 et peut être responsable de la prise des signes vitaux, de ladministration de loxygène, daller chercher le chariot durgence ou de tout autre tâche dictée par le sens commun selon la structure de léquipe durgence. La prochaine personne disponible (P3) aura la tâche daller chercher le chariot durgence dans le hall, de préparer les médicaments durgence ou deffectuer tout autre tâche selon les décisions prises par la P1. La réception joue un rôle crucial car on lui confie des tâches organisationnelles, notamment celles de faire tous les appels téléphoniques nécessaires, de demander de laide et de consigner tous les événements. Comme cest le cas dans les salles durgence des hôpitaux, cette personne a la responsabilité daviser le chef déquipe quant au temps écoulé depuis ladministration dun médicament particulier, de consigner les signes vitaux et le moment où ils ont été pris, et de tenir un dossier de tous les événements et de toutes les interventions. Ces renseignements peuvent sembler dune importance secondaire lorsque lon est confronté à une situation mettant en danger la vie du patient, mais ils sont très importants quand vient le temps dévaluer les progrès du patient, surtout lorsque celui-ci se retrouve à lhôpital et que lurgentologue veut savoir ce qui a été fait et quand, afin de pouvoir poursuivre le traitement. [ Top ]Résumé Lorsque lon trouve un patient inconscient dans son cabinet dentaire, il faut sassurer de répondre à ses besoins vitaux tout en analysant ses antécédents médicaux afin de reconstituer la suite des événements qui ont pu mener à une situation durgence médicale. Ces gestes aident à formuler un diagnostic. Ainsi, à larrivée du chariot et de léquipe durgence, on sera en mesure de prodiguer des soins sûrs et de qualité afin de stabiliser le patient et de le conduire dans un établissement de santé. Le Dr Morrison est professeur adjoint au Département des sciences buccales et maxillo-faciales de lUniversité Dalhousie de Halifax en Nouvelle-Écosse. Le Dr Goodday est le chef du Département des sciences buccales et maxillo-faciales de lUniversité Dalhousie de Halifax en Nouvelle-Écosse. Demandes de tirés à part : Dr A. Morrison, Département des sciences buccales et maxillo-faciales, Faculté de médecine dentaire, Université Dalhousie, Halifax NS B3J 3J5. Les vues exprimées sont celles de lauteur et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques officielles de lAssociation dentaire canadienne. 1. Fast TB, Martin MD, Ellis TM. Emergency preparedness: a survey of dental practitionners. JADA 1986; 112:499-501. 2. Malamed SF, Robbins KS. Medical emergencies in the dental office, 4e éd. St-Louis: Mosby Inc.; 1992. |