La fissure labiale et palatine primaireDavid S. Precious, DDS, M.Sc., FRCD(C)© J Can Dent Assoc 1999; 65:278-83 [Fissure labiale primaire| Fissure palatine primaire |La fissure alvéolaire |Le Centre de documentation de lADA| Références] Il est possible de corriger de façon importante une fissure labiale seulement lorsque le chirurgien peut évaluer totalement les fonctions et les rapports spatiaux normaux et pathologiques des éléments anatomiques, en particulier des éléments musculaires qui causent la difformité (Ill.1). Le but du traitement est dobtenir un équilibre morpho-fonctionnel entre les tissus mous et lossature, non seulement en rétablissant des insertions normales de tous les muscles naso-labiaux, mais aussi en rétablissant le positionnement normal de tous les autres tissus mous, y compris des éléments cutanéo-muqueux.
Si, après une intervention primaire à la lèvre, des dysfonctions buccales-labiales existent, elles exerceront leur influence néfaste tout au long de la croissance de lenfant et mèneront à des déséquilibres biomorphologiques à long terme, dont certains peuvent être importants. Par conséquent, indépendamment des résultats esthétiques initiaux de lintervention primaire, il est essentiel que le dentiste exerce une surveillance des plus rigoureuses des patients opérés afin de garder à jour un indice de suspicion. Le dentiste sera ensuite en mesure didentifier et de corriger toute dysfonction le plus tôt possible et de la façon la plus appropriée. On compte parmi les moyens chirurgicaux disponibles la chéilorhinoplastie fonctionnelle secondaire, la greffe de los alvéolaire, la génioplastie fonctionnelle et la chirurgie orthognathe, moyens dont le but est daméliorer locclusion, la respiration nasale, la fonction labiale et labiomentale, et lharmonie faciale globale. Le présent article traite de certains aspects de la chirurgie de fissure primaire qui aura des répercussions sur les soins dentaires futurs de ces jeunes patients. La chirurgie doit rétablir la forme et la fonction du visage divisé de façon quune croissance équilibrée de lossature faciale puisse se produire. Une bonne connaissance des défauts initiaux et de leurs séquelles postopératoires permet au clinicien dadapter les techniques utilisées en fonction des besoins spécifiques de chaque cas. Le processus chirurgical primaire, exécuté lorsquun enfant est âgé de 3 à 5 mois, est conçu de manière à corriger systématiquement lanatomie anormale. Pour corriger la difformité nasale, le chirurgien doit obtenir une ascension du cartilage latéral inférieur avec une saillie du toit du cotyle et une rotation axiale du pilier externe. En chirurgie primaire, les incisions des muqueuses doivent être courtes pour empêcher la constriction des narines par suite de la contraction de la cicatrice, et pour cette raison la dissection sous-cutanée cachée doit être à la fois délicate et précise. Les sutures des muscles se font sur deux plans : en profondeur et en surface. Une fois que ces rapports fondamentaux ont été créés en chirurgie, leur maintien peut être assuré avec lutilisation dun élément de rétention intranasal en silastique, stabilisé par des sutures de fixation pour la première semaine suivant la chirurgie. Après cette semaine, lélément de rétention peut être retiré, nettoyé et remis en place dans le nez périodiquement pendant 10 à 12 mois. Lélément de rétention nasal sest avéré très utile pour maintenir des corrections anatomiques réalisées par chéilorhinoplastie fonctionnelle (Ill. 2a et 2b). Selon notre expérience, lélément de rétention nasal (Ill. 3a et 3b) permet daméliorer la perméabilité des voies respiratoires nasales et la symétrie des narines.
Fissure palatine primaire Le mucopérioste comporte trois régions qui recouvrent le palais : (1) la région palatine la couche mince et lisse qui recouvre les parties du milieu et de larrière du palais et qui correspond approximativement aux dimensions du plancher nasal de recouvrement; (2) la région maxillaire la couche épaisse qui recouvre le palais entre les régions palatines et gingivales, qui comporte des rugosités et qui est riche en vaisseaux sanguins, en nerfs et en tissus conjonctifs; et (3) la région gingivale celle qui est liée de près à lalvéolo-dentaire. Il sagit du mucopérioste maxillaire, si important pour la croissance transversale et verticale du palais, et auquel le chirurgien doit faire attention pendant une chirurgie au palais dur. Habituellement, dans la fissure palatine bilatérale totale, bien que la partie palatine manque, les régions gingivales et maxillaires sont essentiellement normales. Cela explique pourquoi, dans une fissure palatine bilatérale non opérée, le développement de la voûte palatine est presque normal, à lexception du vomer et des saillies palatines. Selon les techniques de palatorrhaphie classiques, de grands lambeaux amoindris de la région maxillaire sont balancés en position médiane pour recouvrir le défaut de la partie palatine. Les zones donneuses bilatérales résultantes de los exposé finissent par faire lobjet dune contraction et dune cicatrisation de la plaie. À partir de sa nouvelle position, la fibro-muqueuse maxillaire déplacée ne peut jouer son rôle important dans la croissance transversale et verticale de la voûte palatine. De plus, puisque ce tissu est épais (à la différence de la fibro-muqueuse qui est normalement située à cet endroit), il se produit un effet de «remplissage» qui compromet davantage la profondeur de la voûte palatine. Les fosses nasales, qui sont normalement sous linfluence de la région palatine de la fibro-muqueuse, ne développent pas complètement leur dimension transversale, ce qui peut avoir une incidence sur la perméabilité des voies respiratoires nasales. Il est également fréquent en palatorrhaphie classique datteindre la couche nasale de la fermeture à double couche par lutilisation des lambeaux de la muqueuse vomérienne. Cette technique crée une dimension verticale insuffisante du maxillaire et, par conséquent, des fosses nasales, ce qui favorise nettement un maxillaire mal situé verticalement et déplacé vers larrière, ainsi quune diminution de la distance de la mandibule.2 Dans la fissure palatine unilatérale totale, on retrouve les mêmes problèmes dans la palatorrhaphie classique que dans le cas bilatéral, mais étant donné que le vomer est courbé de lautre côté de la fissure, les déformations de croissance transversale et verticale sont combinées de façon asymétrique. Lorganisation du processus chirurgical en fonction des particularités de chaque cas doit être planifiée de manière à ce quil soit possible de respecter les principes de lanatomie et de la physiologie des trois régions de la fibro-muqueuse qui recouvre le palais. Concernant la fissure labiale et palatine complète, on ferme le palais mou en même temps que la fissure labiale environ à lâge de 3 à 5 mois (Ill. 4). Le but de lopération est de créer la continuité et la fonction des muscles du palais mou.
On peut obtenir la longueur adéquate du palais mou sans les plasties en Z multiples et complexes ou les techniques microchirurgicales. Les incisions sont faites sur les bords de la fissure du palais mou, en favorisant quelque peu le côté nasal. Pour exposer le mieux possible le muscle releveur, qui se rétracte du côté nasal, un petit triangle de la muqueuse est excisé de la surface nasale du voile des deux côtés. La reconstitution du muscle releveur et des muscles palato-pharyngé et palato-glosse est un pré-requis pour obtenir une longueur adéquate du palais mou. On peut facilement réaliser une mobilisation adéquate des tissus mous par une dissection méticuleuse des muscles. La partie palatine tensorielle et superficielle des muscles palato-pharyngés est dégagée du bord postérieur du palais de manière à les orienter des sens longitudinal à transversal. La reconstitution du muscle, y compris le palato-pharyngé, permet de créer un muscle sphincter fonctionnel du palais mou. Aucun lambeau du vomer nest utilisé.Après la fermeture du palais mou et de la fissure labiale, la fonction antérieure et postérieure est établie, ce qui entraîne une réduction radicale de la distance entre les processus hamulaires, les tubérosités et le palais dur divisé lorsque lenfant atteint lâge de 12 mois (Ill. 5a et 5b). La fissure palatine qui reste peut alors être fermée, très souvent sans avoir à recourir à des incisions palatines latérales. Un lambeau du vomer nest toujours pas utilisé puisque le côté nasal de la fissure est fermé en passant par la muqueuse nasale sous le bord inférieur du vomer.3
La fissure palatine isolée, sur les palais mou et dur, est traitée environ à lâge de 9 mois.4 Les mêmes principes fondamentaux sont appliqués pour la chirurgie de révision de manière à allonger le palais mou et à améliorer son fonctionnement. On a démontré dans la plupart des centres de traitement quune greffe osseuse autogène pratiquée tôt (au cours des 18 premiers mois dexistence) pour reconstituer la fissure palatine et alvéolaire ne permet pas dobtenir les résultats thérapeutiques voulus. Même lorsque la technique utilisée permet de ne pas perturber la muqueuse du vomer, la quantité dos présents au moment de léruption de lincisive permanente maxillaire et des canines est tout simplement insuffisante. On sentend généralement sur le fait que ces greffes osseuses nempêchent pas quil faille pratiquer des greffes osseuses alvéolaires secondaires. La fermeture primaire traditionnelle dune fissure labiale produit inévitablement des tissus cicatriciels, des fistules nasales et orales, un manque de soutien de la portion latérale du nez et labsence dos dans la région de lincisive latérale permanente et des canines futures. Les buts de la greffe osseuse alvéolaire secondaire (pratiquée à lâge denviron 5 à 6 ans) sont les suivants :
Dune certaine manière, le succès des greffes osseuses alvéolaires secondaires est fonction du développement. Si la greffe osseuse est pratiquée avant léruption de la canine permanente, elle est presque toujours réussie.
Le matériau de greffe de choix est la moelle spongieuse autogène de los ilium (greffon osseux de la crête iliaque). Cette moelle est tassée dans le défaut de fissure alvéolaire, dont les marges de tissus mous sont alors réparées par chirurgie (Ill. 6a et 6b). Ces marges de tissus mous sont la fibro-muqueuse palatine, la muqueuse nasale et la gencive vestibulaire buccale attachée et non attachée.
Une dent qui fait éruption stimule la croissance osseuse de los alvéolaire et de los greffé et, dans la grande majorité de nos cas cliniques, la canine fait éruption spontanément à travers la greffe pour adopter une position finale fonctionnelle dans larc dentaire maxillaire. Si la greffe osseuse est retardée jusquà ce que lenfant ait 8 ou 9 ans, lincisive centrale maxillaire aura déjà fait éruption (environ à lâge de 6 ans); il risque alors dy avoir perte de los parodontique et résorption radiculaire. Pour cette raison et dautres, le moment le plus approprié pour effectuer une greffe osseuse de fissure alvéolaire est celui où lenfant a 5 ou 6 ans environ. Los alvéolaire réagit différemment dans de tels cas puisquil a une physiologie distincte, qui dénote son origine de développement séparée de los qui constitue la majeure partie de la mandibule. Los alvéolaire est dérivé du primordium dentaire, la papille dentaire; il est donc affilié aux odontoblastes, qui président à la formation de livoire dentaire.5 Los alvéolaire dépend beaucoup plus du stimuli mécanique pour son maintien que los du corps de la mandibule. Lorsque des dents sont extraites, los alvéolaire se perd très rapidement; sans la stimulation mécanique assurée par le mouvement de la dent, los alvéolaire ne peut être maintenu. Los alvéolaire se renouvelle aussi beaucoup plus rapidement que los du corps de la mandibule.. Concernant les fissures unilatérales, nous pratiquons la chirurgie concomitante du muscle naso-labial pour créer une symétrie médiane du visage, du maxillaire, de la mandibule et du crâne. Dans les cas bilatéraux, nous pratiquons les greffes de fissure alvéolaire avant lexpansion de larc orthodontique; il nest pas prudent de pratiquer la chirurgie concomitante du muscle naso-labial en raison du risque de problèmes vasculaires concernant le prémaxillaire. Quils soient bilatéraux ou unilatéraux, lorsque les processus appropriés relatifs aux greffes et au tissus mous permettent de reconstituer presque normalement lanatomie du défaut de la fissure (Ill. 7a et 7b), il sensuit habituellement une amélioration considérable de la croissance, de la fonction et de lesthétique.
Le Centre de documentation de lADC Le Centre de documentation a en sa possession plusieurs ouvrages et dossiers de documentation sur la fissure palatine et son traitement. Les lecteurs peuvent également sy procurer divers périodiques et manuels sur les sujets traités dans la présente édition du JADC. Le Centre de documentation de lADC, fort de lappui du Fonds dentaire canadien, offre plusieurs services dont celui de recherche Medline et de prêts interbibliothécaires. Pour en savoir plus sur nos services, communiquez avec le personnel du Centre soit par téléphone, au 1-800-267-6354, poste 2223, soit par courrier électronique, à ladresse info@cda-adc.ca Le Dr Precious est professeur de chirurgie buccale et maxillo-faciale à lUniversité Dalhousie de Halifax (Nouvelle-Écosse). Demandes de tirés à part : Dr David S. Precious, Université Dalhousie, Faculté de médecine dentaire, Département de chirurgie buccale et maxillo-faciale, 5981, av. University, Halifax NS B3H 3J5. Références 1. Precious DS, Delaire J. Surgical considerations in patients with cleft deformities. In: Bell WH, editor. Modern practice in orthognathic and reconstructive surgery. Philadelphia, PA: Saunders; 1992. Vol. 1, Ch. 14. 2. Delaire J, Precious DS. Avoidance of the use of vomerine mucosa in primary surgical management of velopalatine clefts. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1985; 60:589-97. 3. Delaire J, Precious DD. Influence of the nasal septum on maxillonasal growth in patients with congenital labiomaxillary cleft. Cleft Palate J 1986; 23:270-7. 4. Precious DS, Delaire J. Clinical observations of cleft lip and palate. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1993; 75:141-51. 5. Precious DS. Craniofacial growth and development. In: Peterson L, editor. Principles of oral and maxillofacial surgery. Toronto: Lippincot; 1992. [ Top ] |