Prescription pour une bonne utilisation des composites à haute teneur en charges sur les dents postérieures Donald F. Davidson, DMD Makoto Suzuki, DDS, M.Sc., DMD © J Can Dent Assoc 1999; 65:256-60 [Préparation de la cavité| Choix dune matrice |Insertion des matériaux |Lampes de polymérisation | Finition| Observations cliniques| Références] La dentisterie restauratrice subit un changement de paradigme formel. Contrairement à ce dont nous pourrions avoir témoigné il y a 20 ou 30 ans, nos patients ont aujourdhui une bien meilleure compréhension des pratiques dentaires. Leurs attentes en sont le reflet : auparavant axées sur lentretien de la fonction seulement, elles mettent aujourdhui laccent sur lesthétique en plus de lentretien de la fonction. De nos jours, un praticien doit être en mesure de réparer une dent et de la ramener le plus près possible de son état de jeune dent. Pour nous aider, les fabricants de résines composites ont nettement amélioré leurs produits. Aujourdhui, les matériaux résistent considérablement plus à lusure et sont plus esthétiques; leurs propriétés optiques, grandement améliorées, permettent dassortir et de maintenir les couleurs. Ces matériaux sont aussi beaucoup plus faciles à manipuler, ce qui permet dobtenir des résultats finaux plus satisfaisants, esthétiquement et fonctionnellement parlant. Il ny a pas encore très longtemps, nous aurions été mal avisés dappliquer des composites postérieurs sur les surfaces occlusales, de peur de les voir suser rapidement. Parmi les innovations de certains fabricants, on compte celle de mieux répartir la dimension des particules de remplissage, de sorte que la distance entre ces particules a été réduite et lefficacité du compactage du matériau a été augmentée. De plus, lefficacité de la silanisation de ces particules dobturation a été accrue, de sorte que la résistance à lusure de la restauration a été grandement améliorée.1-4 Il ne sagit pas toutefois déliminer les restaurations en or coulé ou les amalgames dargent, dont on sest servi pendant longtemps pour les restaurations postérieures, mais plutôt daugmenter le nombre de possibilités en ajoutant des composites modernes. La résine composite est-elle préférable aux restaurations métalliques traditionnelles? Pour répondre, il faut évaluer un certain nombre de questions importantes :
Le défi pour la profession dans son ensemble avait trait au besoin dun changement radical dans lapproche à la préparation de la cavité. Aujourdhui, les praticiens ont besoin dune approche beaucoup plus conservatrice qui insiste sur le principe micro-mécanique de liaison des matériaux. Bien que dans le passé on ait mis laccent sur des paramètres semblables à ceux utilisés pour les préparations des amalgames, on recommande aujourdhui une approche plus conservatrice de réduction de la dent en extension et en profondeur.6,7 Pour utiliser le matériau de liaison et la résine composite, il est obligatoire de pratiquer une isolation appropriée du champ opératoire en plaçant une digue. Puisque nos matériaux composites adhèrent mieux à lémail quà la dentine, il nest pas nécessaire de faire la préparation jusque dans la dentine si la carie ne la pas pénétrée ou atteinte. Il faut sassurer denlever complètement la carie; la seule préoccupation du praticien doit être de pouvoir accéder à la cavité préparée pour appliquer les matériaux de restauration. En principe, la préparation de boîte proximale devrait être faite de telle sorte que langle cavopériphérique soit à 90o par rapport à la surface démail, tant buccalement que lingualement. Les planchers gingivaux doivent être dégagés du point de contact et finir à 90o.8 Dans les situations de classe II, le coinçage préalable donne lieu en fin de compte à un meilleur contact du composite avec la dent adjacente. Un coinçage agressif, immédiatement après lapplication dune digue, donne lieu à une séparation lente alors que la préparation de la cavité est effectuée. Les coins de bois (Premier Dental, Norristown, PA) protègent aussi les septums pendant la préparation et empêchent linfiltration de salive. Une fois la cavité préparée, les coins sont enlevés, une matrice appropriée est mise en place, et les coins sont remplacés de manière agressive. Choix dune matrice Lune des difficultés majeures associées à lutilisation du composite dans les situations de classe II est celle de créer un contour proximal convexe (Ill. 1). Pour réaliser ce contour, la matrice de choix est ultra-mince, contournée et métallique, ce qui élimine toutes les bandes en plastique disponibles aujourdhui (la plus mince est de 0,0050 pouce [127 µm]). Si possible, la matrice doit être précontournée pour créer une convexité de dent naturelle lorsque la restauration est terminée. Même les composites très visqueux ont du mal à distendre la matrice vers la surface de la dent adjacente et à maintenir cette position..
Une très bonne matrice est la matrice sectionnelle précontournée, qui a une épaisseur de 0,0015 pouce (38 µm) (ComposiTight, Garrison Dental, Spring Lake, MI; Contact Matrix, Danville Eng. San Ramon, CA). Il peut être très difficile de la placer si la boîte proximale est très conservatrice, au point que la dent adjacente noffre pas de dégagement suffisant. La trousse de matrice métallique sectionnelle comprend des anneaux de retenue qui peuvent servir à fixer interproximalement les extrémités ouvertes de la matrice sectionnelle contre la dent. Nous avons découvert que la pression de la condensation de ces matériaux dobturation ne suffit pas à faire déborder des excès considérables de matériau au-delà des parties vestibulaire et linguale de ces matrices; de plus, si lon fait attention, les excès sont peu importants. Dans les cas où la boîte proximale est maintenue à létat conservateur, on peut utiliser avec succès des matrices non contournées très douces de 0,001 pouce (25 µm) (Ho Band, Lorvic, St. Louis, MO), bien brunies et coincées de façon agressive. Les matrices métalliques précontournées ne sont pas satisfaisantes en raison de leur épaisseur relative (0,0025 pouce [64 µm]). [ Top ]Il faut utiliser le mordançage total pendant 15 secondes avec de lacide phosphorique 37 p. 100 pour obtenir une couche hybride appropriée et un scellement très ou totalement efficace. Dans linsertion de composite postérieur pratiquée pendant nos essais cliniques, le mordançage total na jamais été la cause de sensibilité post-opératoire, probablement en raison du contrôle serré du niveau dhumidité après lattaque à lacide et le lavage.9 Une couche généreuse dagent de liaison est appliquée et maintenue mouillée pendant au moins 30 secondes sur une surface de cavité interne humide. La préparation est ensuite délicatement séchée à lair pour favoriser lévaporation du solvant hydrophile, laissant ainsi la résine à lintérieur des parois de cavité. Lagent de liaison est photopolymérisé et réappliqué, son solvant, immédiatement évaporé, puis photopolymérisé à nouveau. Une période de photopolymérisation suffisante se fait par cycle de 10 secondes. Si les surfaces de cavité internes sont jugées profondes par rapport à la pulpe soit à moins de 1 mm de la pulpe un fond protecteur de verre ionomère est recommandée avant lattaque à lacide pour les raisons suivantes :
Une fois que le ciment de verre ionomère est durci, la cavité est attaquée à lacide, lavée et séchée délicatement à lair. Lagent de liaison est appliqué avec une brosse pour éviter une application excessive. Sil faut amincir la couche dagent de liaison, on doit le faire avec une brosse puisque lair tend à nuire à lintégrité de la couche hybride. 12,13 Lorsque celle-ci nest plus intègre, il sensuit souvent de la micro-infiltration, une sensibilité, des taches et des caries. De même, une surface adhésive épaisse peut paraître comme de la radiotransparence dans les examens radiographiques subséquents en raison de la radio-opacité absente ou limitée. Sans exception, toutes les résines composites bis-GMA et UDA (diacrylate duréthane) se contractent à la polymérisation; des tensions se créent alors à lintérieur des composites polymérisés. Pour minimiser ces tensions, on a proposé des méthodes de photopolymérisation modifiées (polymérisation par impulsions, polymérisation partielle, etc.);14,15 toutefois, la signification clinique de ces méthodes na pas été déterminée. Plus la masse du matériau est grande, plus la contraction est grande et, par conséquent, plus la tension exercée sur les interfaces de liaison est grande.16 Une autre préoccupation importante est la marge gingivale en situation de classe II. Si la carie venait à réapparaître, elle le fera vraisemblablement à ce point de jonction; à cette fin, on devrait appliquer une couche très mince (1 mm) de composite dans le fond de la boîte proximale et la photopolymériser pendant un cycle de 20 secondes. La boîte proximale peut être remplie jusquau niveau du plancher pulpaire et polymérisée pendant 20 secondes sans danger de décoller le matériau de la marge gingivale critique. Le reste du remplissage peut être appliqué en une ou deux étapes selon la dimension de la préparation. La lumière de lunité dentaire peut faire durcir suffisamment ces matériaux pour les rendre impossibles à travailler en peu de temps; par conséquent, il faut réduire lintensité de la lumière ou lorienter ailleurs que vers le champ opératoire pendant linsertion pour prolonger la période de travail. Le sculptage peut être amélioré par lutilisation dinstruments à main à pointes rondes, comme le PKT-3R, ou à pointes coniques, comme le BB21 (Hu-Friedy, Chicago, IL) (Ill. 2). Ces instruments peuvent servir à façonner le matériel pour lui donner sa forme anatomique appropriée et à retirer tout excès apparent avant la polymérisation.
Après avoir retiré la matrice, une polymérisation supplémentaire de 20 secondes du point de vue lingual et une autre du point de vue vestibulaire assurent une polymérisation complète. Une polymérisation incomplète nuit à plusieurs caractéristiques du matériau comme lusure (des points de vue occlusal et interproximal), la stabilité de la couleur et lintégrité marginale avec taches subséquentes et carie récurrente .Bien que la sensibilité post-opératoire a été rapportée par dautres et attribuée au stress intercuspide17 en raison de la contraction à la polymérisation, on na pu attribuer à ce phénomène aucune sensibilité transitoire ou mineure dans le cas de nos patients Lampes de polymérisation La recherche a démontré que lintensité de la lumière émise par les lampes de polymérisation laisse souvent à désirer. La sortie de lumière des lampes de polymérisation doit être vérifiée périodiquement. La polymérisation optimale de matériaux photopolymérisables est denviron 400 mW/cm2. De nombreuses lampes de polymérisation dans les cabinets dentaires, en raison de leur conception ou de létat de lappareil, némettent pas cette intensité de lumière et ne doivent pas être utilisées. Un radiomètre pratique est offert aux dentistes et devrait être utilisé au moins une fois par semaine pour prévenir une polymérisation insuffisante.18 Rappelez-vous que la cause la plus fréquente de faillites en composite est une polymérisation insuffisante. On peut avoir un meilleur accès pour la finition de surface interproximale en remplaçant le coin. Lun des meilleurs instruments pour enlever les excès et affiner lanatomie occlusale est le diamant de sculptage de composite postérieur (Brasseler, Savannah, GA). Lorsquil est bien utilisé, cet instrument permet de dégrossir efficacement et rapidement le composite et obtenir lanatomie occlusale voulue. Ladoucissement de la partie interproximale sous le contact est réalisé à laide de bandes abrasives étroites et de diamants de finition de composite postérieur doux (E.T. Diamonds, Brasseler, Savannah, GA). Il faut faire extrêmement attention pour éviter de perdre le contact interproximal. Des pointes abrasives de finition (Enhance Discs, Dentsply-Caulk, Milford, DE) peuvent servir à adoucir, affiner et façonner lanatomie. Ces pointes, qui sont de différentes formes, permettent denlever le matériel en augmentant la pression et de polir en réduisant la pression. Elle doivent être utilisées par intermittence pour éviter la surchauffe. La finition précise des composites à la marge requiert de lexpérience et un grand soin. Une réduction rapide et inattentive produira ce quon appelle une «décoloration à la marge». Lutilisation de loupes est très recommandée; même un praticien très compétent peut ne pas voir lexcès de matériau au-delà de la marge. Après avoir enlevé la digue, il faut vérifier locclusion, la réduire et la repolir au besoin. Plusieurs composites acceptables et comparables sont offerts pour restaurer les dents postérieures. En utilisant deux composites populaires de deux fabricants différents (Z100, 3M Dental Products, St. Paul, MN; TPH, L.D. Caulk, Milford, DE appelés respectivement produit Z et produit T), un total denviron 140 composites assez gros ont été insérés avec précaution dans des molaires avec occlusion fonctionnelle et suivis sur une période de quatre ans. Soixante-cinq pour cent constituaient des restaurations de classe II comprenant plus de deux surfaces. Des rappels ont été faits après six mois, un an, deux ans et quatre ans conformément aux directives du programme dapprobation de lAssociation dentaire américaine (ADA). Les paramètres utilisés et évalués furent ceux de la méthode Ryge pour les critères cliniques, recommandés par le Conseil des matériaux dentaires de lADA.19 On a noté une excellente stabilité de la couleur, le maintien de la forme anatomique et du contact interproximal. Lintégrité marginale était excellente (Ill. 3a et 3b), quoique un tiers des restaurations laissait voir une marge qui accrochait un peu à lexplorateur (Ill. 4a et 4b) et seulement 5 p. 100 des restaurations devaient être remplacées après quatre ans. Ce besoin de remplacement était causé par un joint marginal excessif (3), une fracture de la masse (2) et une réapparition de la carie (2).
Des caries secondaires ont eu lieu sur deux dents en raison de la mauvaise hygiène bucco-dentaire du patient. Lusure occlusale moyenne était de 43 µm avec le produit T et de 39 µm avec le produit Z, avec un écart de 10 µm à 70 µm (lapprobation de lADA était fondée sur une usure maximale après quatre ans de 175 µm mesurée à partir de six mois). Sur la période détude de quatre ans, les deux matériaux se sont avérés excellents. Ils étaient durables et extrêmement stables même sous de très grandes contraintes docclusion.20,21 Nous concluons que, sils sont bien appliqués, ces matériaux répondent à des normes dexcellence, résistent à lusure et se conforment bien aux directives de lADA sur les matériaux de restauration utilisés pour les applications fonctionnelles. a Le Dr Davidson est professeur adjoint, Département de la dentisterie restauratrice, Faculté de dentisterie, Université du Manitoba. Le Dr Suzuki est professeur et chef du Département de la dentisterie restauratrice, Faculté de dentisterie, Université du Manitoba. Demandes de tirés à part : Dr Makoto Suzuki, Université du Manitoba, Faculté de médecine dentaire, Département de dentisterie restauratrice, D227 - 780, av. Bannatyne, Winnipeg MB R3E 0W2. Les auteurs désirent faire mention des subventions reçues des compagnies L.D. Caulk/Dentsply et 3M pour réaliser les essais cliniques de quatre ans. 1. Lambrechts P, Braem M, Vanherle G. Buonocore memorial lecture. Evaluation of clinical performance for posterior composite resins and dentin adhesives. Oper Dent 1987; 12:53-78. 2. Lambrechts P, Vanherle G, Vuylsteke M, Davidson CL. Quantitative evaluation of the wear resistance of posterior dental restorations: a new three-dimensional measuring technique. J Dent 1984; 12:252-67. 3. Lambrechts P, Braem M, Vuylsteke-Wauters M, Vanherle G. Quantitative in vivo wear of human enamel. J Dent Res 1989; 68:1752-4. 4. Suzuki S, Tso RC, Suzuki SH, Leinfelder KF. Enamel wear against various posterior composite resins. J Dent Res 1995; 74(Abstr. 632):90. 5. Banting DW. Dental education in Canada what lies ahead? J Can Dent Assoc 1998; 64:443-8. 6. Summitt JB, Della BA, Burgess JO. The strength of class II composite restorations as affected by the preparation design. Quintessence Int 1994; 25:251-7. 7. Simonsen RJ. Conservation of tooth structure in restorative dentistry. Quintessence Int 1985; 16:15-24. 8. Jordan RE and Suzuki M. Posterior composite restorations: where and how they work best. JADA 1991; 122:30-7. 9. Gwinnett AJ. Moist versus dry dentin: its effect on shear bond strength. Am J Dent 1992; 5:127-9. 10. Gwinnett AJ, Kanca JA 3d. Micromorphology of the bonded dentin interface and its relationship to bond strength. Am J Dent 1992; 5:73. 11. Tyas MJ. Cariostatic effect of glass ionomer cement: a five-year clinical study. Aust Dent J 1991; 36:236-9. 12. Causton BE, Sefton J. Some bonding characteristics of a HEMA/maleic acid adhesion promoter. Br Dent J 1989; 167:308-11. 13. Fundingsland SM, Aasen SM, Ario PD, Viavattine JJ. Film thickness of unfilled resins and the effect of thinning technique. J Dent Res 1993; 72:283. 14. Kanca J, Suh BI, Vinson W. Pulse activation of resin composite reducing stresses at cavosurface interfaces. J Dent Res 1998; 77:190. 15. Suh BI, Cripe CA, Cincionne F, Kanca J, Vinson WA. Shrinkage stress relaxation using pulsed curing. J Dent Res 1998; 77:280. 16. Davidson CL, de Gee AJ, Feilzer A. The competition between the composite-dentin bond strength and the polymerization contraction stress. J Dent Res 1984; 63:1396-9. 17. Pashley DH. Dentin bonding: overview of the substrate with respect to adhesive material. J Esthetic Dent 1991; 3:46-50. 18. Fowler CS, Swartz ML, Moore BK. Efficacy testing of visible-light-curing units. Oper Dent 1994; 19:47-52. 19. Cvar JF, Ryge G. Criteria for the clinical evaluation of dental restorative materials. U.S. Dept. of Health, Education and Welfare. San Francisco, Calif. 1971. 20. Suzuki M, Davidson D. A 4-year clinical evaluation of zirconium silica contained composite resin placed on the posterior dentition. J Dent Res 1998; 77:189. 21. Davidson D, Suzuki M. A long-term clinical evaluation of a heavy filled hybrid composite resin as a posterior restoration. J Dent Res 1998; 77:189. |