Au moment d’exprimer des émotions, les membres de cultures très différentes ont
beaucoup de choses en commun. Si on montre une photographie d’un visage joyeux et
souriant à des gens provenant de divers pays, ils s’entendront habituellement sur
son interprétation. Ils ont aussi tendance à tomber d’accord sur le dégoût, la
surprise, la tristesse, la colère, la peur et le mépris. Ces constatations laissent
entendre que, derrière la complexité culturelle de l’humanité, existe un noyau
d’expression affective de base compris partout dans le monde.1,2 Comme
Darwin l’a si bien dit, il semble que nous sourions tous dans la même langue.
Les expressions du faciès ont évolué en fonction du temps et des modifications de la
musculature entourant la bouche, ce qui a permis l’élaboration de nouveaux signes.
Par exemple, les modifications du muscle grand zygomatique, qui fait bouger les coins des
lèvres vers le haut et l’arrière, ont donné naissance à notre sourire
caractéristique.1
Aujourd’hui, le sourire est l’expression la plus facile à reconnaître,
servant à transmettre aux autres êtres humains une impression de compassion et de
compréhension. Le sourire pourrait très bien constituer la pierre angulaire de
l’interaction sociale.
Par suite de cette évolution, le sourire nécessite un schéma architectural naturel
qui soit agréable pour autrui. En qualité de dentistes, nous avons la responsabilité de
relever ce nouveau défi et d’acquérir les compétences pour identifier les divers
styles de sourire. Ce n’est qu’au moyen de diagnostics appropriés et
préalables au traitement et d’un ensemble de paramètres objectivement mesurables
que nous pourrons entreprendre de rééduquer nos patients à sourire.
La dentisterie doit élaborer une classification méthodique pour identifier les
divers styles de sourire. Au coeur de notre traitement, on retrouve des termes et des
classifications qui permettent de normaliser la foule de problèmes dentaires particuliers
et de les interpréter dans le cadre d’un vocabulaire commun non seulement aux
patients et aux dentistes, mais aussi au personnel, aux employés de laboratoire et aux
organismes de réglementation. Plusieurs secteurs de la dentisterie utilisent des
systèmes de classification; par exemple, l’occlusion orthodontique est définie au
moyen d’un système de classification à trois types relativement simple. Dans le
même ordre d’idées, les furcations parodontales, les fractures traumatiques des
dents et les chirurgies bucco-faciales complexes sont faciles à regrouper et à indexer.
Styles de sourire
Même s’il existe des millions de sourires distincts — à toutes fins utiles
aussi nombreux qu’il y a de personnes — on peut identifier trois styles de
sourire de base. Les plasticiens, qui sont chargés de la réadaptation des sourires, ont
généralement identifié les structures neuromusculaires de sourire suivantes :3
1. Le sourire commissural est le style le plus fréquent, observé chez
environ 67 p. 100 de la population. Dans ce sourire, habituellement associé à l’arc
de Cupidon, les coins de la bouche sont d’abord relevés vers l’extérieur et
suivis d’une contraction des muscles releveurs de la lèvre supérieure pour
dévoiler les dents supérieures. Dans ce style de sourire classique, le bord incisif
inférieur des dents maxillaires correspond aux incisives centrales. À partir de ce
point, la convexité se prolonge vers le haut, la première molaire maxillaire étant
supérieure de 1 à 3 mm au bord incisif des centrales. Un sourire spontané provoque un
mouvement maximal de la commissure, soit de 7 à 22 mm. De même, le sens moyen du
mouvement de la commissure est de 40 degrés par rapport à l’horizontale (écart de
24 à 38 degrés). Le mouvement de la plupart des sourires s’effectue dans le sens de
la jonction de l’hélix et du cuir chevelu. Lorsqu’on compare le côté gauche
au côté droit, une différence importante peut exister à l’égard de
l’amplitude du mouvement, mais l’écart est relativement léger dans le sens
véritable du mouvement si on compare le côté gauche au côté droit.4 Les
célébrités suivantes sont reconnaissables à leur sourire commissural : Jerry Seinfeld,
Dennis Quaid, Jennifer Aniston, Frank Sinatra, Jamie Lee Curtis et Audrey Hepburn.
2. Le sourire cuspidé est présent chez 31 p. 100 de la population.3 La
forme des lèvres est habituellement visualisée comme un diamant. Ce style de sourire est
identifié par la dominance des muscles releveurs de la lèvre supérieure. Se contractent
les muscles — exposant les canines — puis les coins de la bouche — relevant
les lèvres vers l’extérieur. Cependant, la hauteur des coins de la bouche est
souvent inférieure à celle de la lèvre située au-dessus des canines supérieures. Il y
a souvent une inclinaison inférieure analogue des prémolaires supérieures, par
opposition à la convexité uniforme d’un sourire commissural. Cet effet en «aile de
mouette» se profile sur les tissus gingivaux, qui correspondent donc à la forme de la
lèvre supérieure. Dans ce style de sourire, les molaires maxillaires sont souvent à
hauteur égale ou inférieure du bord des incisives centrales. Parmi les célébrités au
sourire cuspidé, mentionnons Elvis, Tom Cruise, Drew Barrymore, Sharon Stone, Linda
Evangelista et Tiger Woods.
3. Le sourire complexe caractérise 2 p. 100 de la population.3 La
forme des lèvres est habituellement illustrée par deux chevrons parallèles. Les muscles
releveurs de la lèvre supérieure et des coins de la bouche, ainsi que les muscles
abaisseurs de la lèvre inférieure, se contractent simultanément, dévoilant toutes les
dents inférieures et supérieures d’un coup. La principale caractéristique de ce
sourire est la forte traction musculaire et la rétraction de la lèvre inférieure vers
le bas et l’arrière. Dans ce style de sourire, les plans incisifs maxillaire et
mandibulaire sont tous deux généralement uniformes et parallèles. Parmi certaines
célébrités au sourire complexe, soulignons Julia Roberts, Marilyn Monroe, Will Smith et
Oprah Winfrey.
Bien que les styles de sourire aient des fondements neuromusculaires, les personnes
peuvent habituellement tous les arborer. Un sourire a souvent été programmé par
habitude ou une position inappropriée des tissus durs sous-jacents. La restauration du
sourire peut redonner confiance aux personnes et souvent modifier leur programmation
neuromusculaire.3
Système de classification des sourires
normalisation des termes qui décrivent objectivement divers sourires. Le style,
l’étape et le type constituent une description concise, facile et complète à des
fins de classification des sourires. Par définition, le patient et le dentiste
bénéficieraient tous deux d’une nomenclature reconnaissable. Par exemple, le
sourire le plus fréquent est le sourire commissural, étape III, type 1. Vous trouverez
des exemples de chaque style de sourire, avec la classification correspondante, aux illustrations
1, 2 et 3.
1. Young S. Human facial expressions. In: Jones, S. and others, editors. The
Cambridge Encyclopedia of Human Evolution. 1992. p. 164-5.
2. Kingdon J. Facial patterns as signals and masks. In: Jones, S. and
others, editors. The Cambridge Encyclopedia of Human Evolution. 1992. p. 161-5.
3. Rubin LR. The anatomy of a smile: its importance in the treatment of
facial paralysis. Plast Reconstr Surg 1974; 53:384-7.
4. Paletz JL, Manktelow RT, Chaban R. The shape of a normal smile:
implications for facial paralysis reconstruction. Plast Reconstr Surg 1993;
93:784-9.
5. Janzen EK. A balanced smile — a most important treatment
objective. Am J Orthod 1977; 72:359-72.