Soins de santé préventifs, bilan 1999 : prévention de la mortalité associée au cancer de la bouche

• Robert J. Hawkins, B.Sc., DDS •
• Elaine E.L. Wang, MD, M.Sc., FRCP(C) •
• James L. Leake, DDS, DDPH, M.Sc., FRCD(C) •
avec le Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs

Sommaire

Contexte

Environ 3000 nouveaux cas de cancer de la bouche sont diagnostiqués au Canada chaque année. La plupart de ces cas surviennent chez des adultes âgés qui présentent des antécédents de tabagisme ou de consommation excessive d’alcool. Les interventions préventives pour ce cancer incluent le counseling des patients pour les amener à modifier les facteurs de risque et le dépistage pour découvrir les lésions précancéreuses ou à un stade initial. Le présent rapport présente des directives fondées sur les faits pour la prévention du cancer de la bouche et de ses précurseurs chez les patients asymptomatiques.

Méthodes

Les bases de données MEDLINE et CANCERLIT ont été dépouillées pour la période de 1966 à 1999. Le principal mot clé MeSH utilisé a été néoplasmes de la bouche (mouth neoplasms). Des références tirées d’articles et des recommandations d’organismes ont également été examinées. Les méthodes fondées sur les faits du Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs ont été utilisées pour évaluer les données et établir des lignes directrices. Des avis d’experts ainsi que d’autres recommandations ont également été pris en considération.

Résultats

Des études de cohorte et cas/témoins ont révélé que le renoncement au tabac faisait diminuer le risque de cancer de la bouche et de ses précurseurs. Selon des essais contrôlés randomisés, le counseling par des professionnels spécialement formés est efficace pour favoriser le renoncement au tabac. Bien que le counseling soit efficace pour la réduction de la consommation excessive d’alcool, aucune étude n’a porté sur l’effet de la réduction de la consommation d’alcool sur le risque de cancer de la bouche ou de ses précurseurs. L’utilité du dépistage chez le grand public se trouve limitée par la prévalence et l’incidence peu élevées de la maladie, le risque de diagnostics faussement positifs, et le faible degré de conformité aux mesures de suivi recommandées. Rien n’indique que le dépistage chez le grand public ou au sein des groupes à risque conduit à une réduction de la mortalité ou de la morbidité attribuables au cancer de la bouche.

Interprétation

Les données sont suffisantes pour expressément considérer le counseling ayant pour but de faire renoncer au tabac dans un examen de santé périodique (recommandation de niveau A). En ce qui concerne le dépistage de masse, des données acceptables justifient d’exclure le dépistage du cancer de la bouche (recommandation de niveau D). Pour le dépistage opportuniste au cours d’examens périodiques, les données sont insuffisantes pour recommander l’inclusion ou l’exclusion du dépistage du cancer de la bouche (recommandation de niveau C). Dans le cas des patients à risque, un examen annuel par un médecin ou un dentiste devrait être envisagé. Les facteurs de risque incluent l’usage du tabac et la consommation excessive d’alcool. Ces recommandations sont semblables à celles du Groupe de travail canadien sur l’examen de santé périodique en 1994 et du Groupe de travail américain sur les services de prévention en 1996.

Mots clés MeSH : counselling; mouth neoplasms; oral cancer, prevention; screening.

© J Can Dent Assoc 1999; 65:617
Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.


Le cancer de la bouche compte pour environ 3 à 4 % de tous les cancers et 2 à 3 % des décès mettant en cause le cancer1. Plus de 90 % des cancers sont des épithéliomas spinocellulaires, localisés le plus souvent sur la langue et le plancher buccal (75 à 85 %). En dépit de la faible prévalence de la maladie dans les pays industrialisés, les taux de survie chez les patients qui présentent des lésions à un stade avancé est généralement de 50 % ou moins2. Une phase préclinique se manifeste par une lésion blanche ou rouge, mais un traitement hâtif peut porter les taux de survie à plus de 80 %3. Malheureusement, la plupart des patients (67 à 77 %) ne consultent pas avant que le cancer ne soit avancé et qu’une douleur persistante ne soit présente4.

Les interventions destinées à prévenir le cancer de la bouche sont entre autres le counseling des patients pour les amener à modifier les facteurs de risque (p. ex. usage du tabac et consommation excessive d’alcool) et le dépistage dans le but de déceler les lésions précancéreuses et à un stade initial. Des lignes directrices antérieures recommandaient que les professionnels de la santé conseillent aux patients de cesser de fumer5,6, mais des doutes existent au sujet de l’efficacité des mesures de dépistage. Un examen clinique visuel pour dépister le cancer de la bouche et ses précurseurs chez les sujets asymptomatiques a été préconisé comme moyen facile et non invasif de réduire la morbidité et la mortalité associées à la maladie2, laquelle semble par ailleurs répondre à nombre des critères justifiant des mesures de dépistage7. Toutefois, le dépistage du cancer de la bouche est sujet à controverse en Amérique du Nord en raison de la prévalence et de l’incidence peu élevées de la maladie; le nombre approximatif de nouveaux cas est de 3 000 au Canada et de 30 000 aux États-Unis8,9. Par conséquent, un grand nombre de gens doivent être soumis au dépistage pour que quelques-uns seulement en bénéficient, et les vies des personnes sauvées doivent être pondérées par rapport aux coûts financiers du dépistage et des diagnostics inexacts.

Fardeau de souffrance
L’incidence estimative du cancer de la bouche au Canada était de 3 090 cas en 1996, et le nombre estimatif de décès, de 1 070, 1,7 % de tous les décès par cancer8. De 1987 à 1991, le nombre réel de nouveaux cas par année a peu varié, oscillant entre 2 837 et 3 017. Le nombre de décès au cours de cette période s’est établi entre 960 et 1 026. Les années potentielles de vie perdues à cause du cancer de la bouche ont atteint 17 000 en 1993. La plupart des nouveaux cas ont été diagnostiqués chez des hommes de 50 ans et plus (71 % de tous les cas); chez les hommes, la probabilité d’apparition du cancer de la bouche passe de 0,2 à 1,7 % entre l’âge de 50 ans et l’âge de 90 ans.

Les taux de survie déclarés à cinq ans sont souvent de 50 % ou moins. Ces taux ne se sont pas améliorés pour la peine depuis les années 1960, car le diagnostic est normalement porté après l’apparition de nodules et de métastases (stades III ou IV)9. Aux stades avancés de la maladie, la morbidité et la mortalité sont grandes, et le traitement peut entraîner une perte de fonction, de la douleur et le défigurement10,11. La parole, l’apparence et la capacité de mastiquer peuvent être altérées par la maladie ou le traitement. Une étude de suivi après un an a permis de constater la présence d’effets secondaires touchant la capacité de manger chez 23 patients sur 2512. Les coûts financiers de la maladie sont également élevés, puisque la rééducation et la mise en place de prothèses sont souvent nécessaires après le traitement.

Méthodes

Extraction des données
Entre janvier et mars 1999, les bases de données MEDLINE et CANCERLIT ont été dépouillées pour la période de 1966 à 1999. Les mots clés MeSH et les termes suivants ont été utilisés : néoplasmes de la bouche (mouth neoplasms), cancer de la bouche (oral cancer), précurseurs du cancer (precancer), dépistage (screening), surveillance de la population (population surveillance), thérapie (therapy), désaccoutumance au tabac (smoking cessation), réduction de la consommation d'alcool (alcohol reduction) et études d'évaluation (evaluation studies). Des articles ont également été trouvés par suite de dépouillements manuels de journaux pertinents et d’examens de références d’études appropriées. Seulement les articles dans des journaux de langue anglaise ont été examinés.

Des critères d’inclusion et d’exclusion ont été utilisés pour choisir les études appropriées. Les rapports de cas, les opinions d’experts, les rapports de synthèse et les résumés ont été exclus. Les études de traitements du cancer et des précurseurs du cancer ont été incluses seulement lorsque les lésions se situaient au niveau de la cavité buccale ou de l’oropharynx : sièges 140 à 149 de la Classification internationale des maladies (CIM-9)13. Les articles au sujet du traitement du cancer devaient faire mention de patients chez qui la maladie était peu avancée. Les résultats particuliers du traitement aux stades I et II de la maladie devaient avoir été indiqués. (Le stade I renvoie à la classification TNM T1N0M0, et le stade II, à la classification TNM T2N0M0; à ces deux stades, ni nodules ni métastases ne sont présents.)

Évaluation critique et formation d’un consensus
Les données recueillies ont été systématiquement examinées selon la méthodologie du Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs. Ce groupe de travail formé de cliniciens experts et de spécialistes de la méthodologie de diverses spécialités médicales s’est servi d’une méthode normalisée, fondée sur les faits, pour évaluer l’efficacité de l’intervention. L’auteur principal a rédigé un manuscrit qui offrait une évaluation critique des données. Les études clés ont été déterminées et soumises à une évaluation critique, et leur qualité a été cotée selon l’échelle méthodologique établie par le groupe de travail (Annexe 1). Le résultat a été un résumé de conclusions et de recommandations proposées qui devaient être considérées par le groupe de travail. Le manuscrit a préalablement été remis aux membres en avril 1998, et les données pertinentes ont été présentées par l’auteur principal et ont fait l’objet d’un débat à une réunion du groupe de travail en mai 1998.

À la réunion, les membres experts se sont penchés sur les questions critiques, ont clarifié les concepts ambigus, et ont analysé la synthèse des données. À la fin de ce processus, les recommandations cliniques précises de l’auteur principal ont été examinées, comme l’ont été les questions relatives à la clarification des recommandations en vue de leur application en clinique et tous besoins non comblés en fait de données. Les résultats de ce processus transparaissent dans la description des critères de décision présentés avec les recommandations particulières. Les décisions finales au sujet des recommandations ont été prises à l’unanimité par le groupe et l’auteur principal.

Des procédures pour assurer une documentation suffisante ainsi que l’uniformité, l’intégralité, l’objectivité et le respect de la méthodologie du groupe d’étude ont été suivies à toutes les étapes de l’examen, de la formation d’un consensus, et après. Ces procédures ont été appliquées par le bureau du groupe de travail, sous la supervision du président. Elles ont assuré l’uniformité et l’impartialité pendant tout le processus d’examen. La méthodologie détaillée est expliquée dans Woolf et collaborateurs14.

Résultats

Facteurs de risque
On a estimé qu’approximativement 75 % de toutes les tumeurs malignes de la cavité buccale aux États-Unis sont attribuables au tabagisme et à la consommation d’alcool, ou aux deux15. Des données d’études cas/témoins et d’études de cohorte permettent de conclure à un lien de cause à effet entre ces deux facteurs de risque et le cancer de la bouche15-21. Des études cas/témoins aux États-Unis et au Canada ont mis en évidence une multiplication par quatre ou plus des décès par cancer de la bouche chez les fumeurs et les personnes qui abusent de l’alcool par rapport à l’ensemble de la population15,17,18. Il existe une relation dose-effet entre ces deux facteurs et le cancer de la bouche, et les deux ont un effet synergique lorsqu’ils sont combinés. Dans une étude, le risque relatif (RR) chez les hommes qui fumaient beaucoup mais qui ne buvaient pas était de 7,4; chez les non-fumeurs qui buvaient beaucoup, il était de 5,8; et chez les hommes qui fumaient et buvaient beaucoup, il atteignait 37,715.

Bien qu’une interaction ait été démontrée, les effets indépendants du tabac et de l’alcool restent difficiles à déterminer, et les études font état de résultats contradictoires. Aussi bien le tabac22,23 que l’alcool18,24,25 a été présenté comme premier facteur de risque, alors que d’autres chercheurs sont arrivés à des résultats comparables pour les deux facteurs ou des différences selon les sexes15,16,26. De plus, deux études font état de différences selon le siège du cancer, l’alcool étant le principal facteur de risque pour le cancer de la bouche et du pharynx, et le tabac, le premier facteur pour le cancer du larynx18,20. Un obstacle de taille dans l’étude du tabac et de l’alcool comme facteurs de risque est que la plupart des personnes qui présentent un cancer de la bouche ont fait usage des deux produits. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour déterminer la relation entre le cancer de la bouche, la consommation d’alcool et l’usage du tabac.

D’autres facteurs de risque du cancer de la bouche sont une tumeur maligne antérieure des voies aéro-digestives supérieures ou de la bouche27,28, avoir 60 ans ou plus29, la présence du papillomavirus30 et l’exposition à la lumière ultraviolette (cancer de la lèvre).31 Aucune corrélation n’a été démontrée entre le cancer de la bouche et le port de dentier ou la présence de biomatériaux dentaires32-34. Des études épidémiologiques ont mis en évidence une corrélation entre la mastication de bétel et le cancer de la bouche35,36. Il faut se demander, cependant, si le bétel seul augmente le risque de cancer de la bouche ou si l’effet est plutôt dû au tabac ajouté au mélange à mâcher36-38.

Manoeuvres
Counseling pour amener le patient à modifier les facteurs de risque.
La prévention primaire du cancer de la bouche peut passer par le counseling pour arrêter de fumer ou réduire la consommation d’alcool. L’ill. 1 montre l’enchaînement de causalité pour la manoeuvre de counseling.

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Les données d’essais contrôlés randomisés attestent l’efficacité du counseling à l’endroit des adultes pour les encourager à cesser de fumer39,40. Il a été démontré que le counseling par les soignants fait augmenter les taux de renoncement au tabac sur une période de 6 à 12 mois par rapport aux interventions sans l’aide de soignants39-42. Les soignants dans les études en question étaient des médecins, des dentistes, des infirmières et des hygiénistes dentaires. Toutefois, nombre de professionnels de la santé, notamment les dentistes, manquent de formation ou d’intérêt pour encourager leurs patients à cesser de fumer. Les médecins plus que les dentistes disent conseiller de façon systématique à leurs patients de cesser de fumer; 30 à 40 % des dentistes en comparaison de 70 à 80 % des médecins déclarent conseiller à leurs patients de cesser de fumer43. Les résultats d’une étude auprès des patients de dentistes au sein de la population donnent également à penser que ces derniers sous-utilisent les conseils pour cesser de fumer44.

Dans des essais contrôlés randomisés, des conseils pour réduire la consommation excessive d’alcool, définie comme 15 consommations ou plus par semaine15, se sont révélés efficaces pour réduire sensiblement la consommation d’alcool chez les buveurs ainsi que la fréquence des épisodes de consommation excessive et la consommation excessive en général45-48. Une limite de ces études est qu’elles reposent sur des données auto-déclarées, bien que dans plusieurs études on ait aussi interviewé des membres de la famille pour corroborer les déclarations des sujets. Le counseling pour réduire la consommation d’alcool a été évalué chez les professionnels médicaux seulement. Les dentistes devraient adresser les patients qui ont des problèmes d’alcool à un professionnel médical compétent.

Dépistage du cancer et des précurseurs du cancer de la bouche. L’ill. 2 montre l’enchaînement de causalité pour la manoeuvre de dépistage. L’évaluation des mesures de dépistage porte sur a) la capacité des examinateurs de reconnaître les lésions suspectes et b) l’exactitude des diagnostics posés.

  1. Les études dans la population de programmes de dépistage visant à déterminer les lésions suspectes par un examen physique de la bouche ont généralement révélé une spécificité élevée (98 à 99 %), mais une sensibilité grandement variable (56 à 94 %) (Tableau 1)49-53. Les valeurs prédictives positives variaient également (15 à 91 %) en fonction de la prévalence du cancer de la bouche. En conséquence, deux importants points en ce qui regarde les programmes de dépistage sont leur faible rendement dans l’ensemble de la population et une proportion élevée de faux positifs.

    Tableau 1 Résultats d’études sur le dépistage du cancer de la bouche par examen clinique            

    Étude N Examinateurs Étalon-or  Sensibilité Spécificité    Type de programme

    Mehta et coll.49

    33,331 35 travailleurs de la santé formés 2 dentistes   56%      98%

    Programme de de la santé formés dépistage régional en Inde

    Ikeda et coll.50   3,131 4 dentistes généralistes 1 pathologiste de la bouche 73% 73% Programme de dépistage de la bouche pour les travailleurs d’usine et de bureau au Japon
    Downer et coll.51 553 2 dentistes généralistes 1 spécialiste de la médecine buccale 71% 99% Programme de dépistage médecine buccale d’entreprise à Londres (R.-U.)
    Jullien et coll.52 985  2 dentistes généralistes 1 spécialiste de la médecine buccale   74%   99% Dépistage dans les médecine buccale cabinets de médecin et les hôpitaux dentaires au R.-U.
    Mathew et coll.53 2,069 42 travailleurs de la santé formés 3 médecins 94% 99% Programme de dépistage de la santé formés régional en Inde

 

Dans huit rapports d’interventions de dépistage de masse, la mise en évidence de lésions suspectes a été de moins de 6 % globalement, et dans cinq études, elle a été de moins de 2 % (Tableau 2)49-52,54-57. Pour les lésions cancéreuses, confirmées par biopsie, le rendement est beaucoup plus faible (pas plus de 0,05 %), et trois études n’ont même pas permis de découvrir une seule lésion cancéreuse. Des programmes de dépistage centrés sur les groupes à risque peuvent être d’un bien meilleur rendement pour les lésions aussi bien suspectes que confirmées. Un programme de dépistage chez les hommes alcooliques d’un certain âge dans le nord de l’Italie a révélé que 5 sujets sur 212 avaient un cancer de la bouche, pour un rendement de 2,4 %58.

Tableau 2

Lésions suspectes et cancéreuses décelées dans le cadre d’études de dépistage du cancer de la bouche par examen clinique

Étude N   Lieu Rendement  lésions suspectes (%)  Rendement lésions cancéreuse confirmées   (%) Nombre de lésions cancéreuses confirées
Bouquot and Gorlin54 23,616  É.-U  3.4    0.01 2
Mehta and coll49   33,331 Inde 1.3 0.05  20
Banoczy and coll55 7,820   Hongrie   1.3 0.05   1
Ikeda and coll50 3,131 Japon 5.3 0.0   0
Talamini and coll58 212 Italie - groupe à risque 9.5 2.4   5
Downer and coll51 553 R.-U. 5.5   0.0   00
Fernandez and coll56 13 millions Cuba  0.2 0.005   705
Field and coll57   1,949    R.-U. 0.2 0.05     1
Jullien and coll52 985 R.-U. 1.2 0.0 0

Les études ci-dessus doivent être interprétées avec prudence en raison de l’utilisation de spécialistes comme «autorités» aux fins de l’évaluation et du recours à différentes catégories de travailleurs de la santé comme examinateurs. D’autres écarts entre les études ont trait au protocole pour former les examinateurs, aux critères utilisés pour diagnostiquer les lésions, au cadre dans lequel les examens ont eu lieu, ainsi qu’au matériel et à la source de lumière utilisée. Comme il fallait s’y attendre, les plus fortes valeurs de diagnostic (94 % et 99 %) ont été obtenues dans l’étude où la formation était la plus poussée53. Dans cette étude, les examinateurs ont participé à un programme de six semaines de conférences et de formation clinique portant sur l’épidémiologie, le diagnostic, et la gestion et la prévention du cancer de la bouche et de ses précurseurs; les examinateurs ont ensuite subi une épreuve (écrite et pratique). Les meilleurs travailleurs de la santé d’après les résultats de cette épreuve ont été choisis comme examinateurs. Dans les autres études, les programmes de formation étaient moins poussés; ils duraient de deux à cinq jours49, ou leur durée n’était pas précisée50-52.

Les trois études où des dentistes faisaient fonction d’examinateurs ont donné des résultats semblables pour ce qui est de la sensibilité (71 à 74 %)50-52. Ces valeurs sont faibles comparativement à une sensibilité de 94 % dans une étude où l’on a eu recours à d’autres travailleurs de la santé53. Une explication possible serait que les dentistes dans ces études n’avaient pas été vraiment formés relativement à la normalisation, et n’avaient été qu’informés des critères de diagnostic pour déterminer les cas positifs et négatifs. Les résultats peu élevés pour ce qui est de la sensibilité peuvent refléter le manque général de formation des dentistes pour la détection du cancer de la bouche et de ses précurseurs, et leur manque de formation continue pour se tenir à jour. Aucune étude n’a encore porté sur la sensibilité et la spécificité des examens effectués par les médecins pour déceler le cancer de la bouche.

La coloration vitale des lésions suspectes au bleu de toluidine (chlorure de tolonium) pourrait servir d’adjuvant à l’examen visuel. La sensibilité et la spécificité sont élevées (97 % et 91 % en moyenne) lorsque la coloration est faite par des cliniciens d’expérience dans des établissements spécialisés, mais les caractéristiques de l’épreuve sont inconnues lorsque des cliniciens moins expérimentés s’en chargent dans des établissements généraux59,60. Aux fins du dépistage, les résultats d’une méta-analyse semblent indiquer que la coloration vitale est d’une utilité limitée compte tenu de la faible prévalence du cancer de la bouche59. Plus de lésions suspectes seraient mises en évidence, mais l’augmentation ne serait pas considérable.

Peu importe la manière dont les lésions suspectes réagissent à la coloration au bleu de toluidine, des tissus devraient être prélevés par biopsie dans tous les cas. La coloration ne saurait remplacer une biopsie ni un examen visuel et digital détaillé de la tête et du cou. Toutefois, les colorations de tissus peuvent aider les cliniciens à déterminer l’ampleur des lésions, à déterminer où pratiquer la biopsie, et à assurer le suivi des patients après le traitement du cancer61. Par conséquent, la coloration vitale comme moyen de dépistage de masse n’est pas encouragée, quoique cette technique puisse être utile pour évaluer les patients à risque et les lésions suspectes.

b) Le dépistage par examen clinique n’est pas censé avoir un but diagnostique. La biopsie est actuellement reconnue comme la méthode de choix pour diagnostiquer le cancer de la bouche. Toutefois, des études récentes de la concordance entre observateurs ont amené les chercheurs à mettre en doute la capacité des pathologistes de la bouche de diagnostiquer les cas sur la base d’un examen histologique. Trois études (une au Danemark et deux aux États-Unis) ont consisté à évaluer la concordance des diagnostics de dysplasies épithéliales (un des critères de diagnostic de malignité) entre pathologistes de la bouche62-64. Toutes les études comprenaient l’examen de spécimens histologiques par des pathologistes suivi d’une comparaison soit avec d’autres pathologistes, soit avec le diagnostic de sortie. Le nombre total de lames examinées par chaque observateur variait entre 100 et 120; les lames représentaient un spectre dysplasique qui allait, selon les auteurs, d’aucune dysplasie à une dysplasie sévère, ou cancer in situ. Les observateurs ont classé les dysplasies sur l’échelle suivante : nulle, légère, modérée et sévère. Les valeurs de Kappa pour la concordance exacte des diagnostics n’ont pas dépassé celles d’une concordance modérée, se situant entre 0,15 et 0,45.62,63 L’ajout de renseignements cliniques n’a pas amélioré la concordance; en fait, il l’a fait diminuer (0,10 à 0,23)64. La concordance à l’intérieur d’une seule classe de diagnostic était beaucoup plus nette, oscillant entre 0,70 et 0,8863. Des non-concordances de deux classes ou plus sont survenus dans 6 à 20 % des cas.

La plupart des différences de classification étaient d’une classe seulement; dans la plupart des cas, il est probable que les décisions relatives à la planification du traitement des cas n’auraient pas été réellement différentes. Toutefois, aucune étude n’a porté sur l’influence de l’évaluation de la biopsie sur la planification du traitement, et d’autres facteurs doivent aussi être pris en considération (p. ex. les antécédents du patient). Par conséquent, la signification clinique de différences entre examinateurs ne peut être que spéculative. Quoi qu’il en soit, ces résultats indiquent que la classification des dysplasies est une science inexacte. D’autres progrès de la biologie moléculaire peuvent rendre possibles une objectivité et une uniformité plus grandes dans l’évaluation des lésions et leur pronostic65.

Efficacité du counseling et du dépistage
Efficacité du counseling.
Des études cas/témoins indiquent que le renoncement au tabac réduit le risque d’apparition du cancer de la bouche15,23,66. Les risques relatifs pour les ex-fumeurs deviennent égaux aux risques relatifs pour les non-fumeurs après 10 ans sans tabac. De plus, une étude de suivi après dix ans en Inde a révélé qu’un programme d’information sur les méfaits du tabagisme avait fait diminuer l’incidence des lésions précancéreuses au sein de la cohorte visée par l’intervention comparativement à l’incidence de ces lésions chez un groupe témoin67. Toutefois, les programmes en milieu scolaire ont eu des résultats mitigés 68-70, et les programmes de renoncement au tabac sans fumée ont été évalués seulement dans des séries de cas limitées71.

Aucune étude n’a pu démontrer que la réduction de la consommation d’alcool se traduit par une réduction du risque du cancer de la bouche ou de ses précurseurs. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour établir le lien entre la réduction de la consommation d’alcool et les résultats finals (c’est-à-dire les liens de causalité 3, 5 ou 6).

Efficacité du dépistage. À l’heure actuelle, une seule étude a apporté des données applicables au «lien de causalité 6», qui représente la relation probante la plus directe. Dans une étude non contrôlée d’un programme de dépistage du cancer de la bouche à Cuba, environ 13 millions d’examens ont été réalisés sur une période de six ans (1984-1990) dans des cabinets de dentiste commandités par l’État56. Bien que la proportion de cancers à un stade initial décelés par les examinateurs soit passée de 24 % à 49 %, l’incidence du cancer de la bouche et la mortalité qui lui est attribuable n’ont pas augmenté à Cuba au cours de la période de référence. Le programme n’a permis de déceler que 16 % des nouveaux cas de cancer de la bouche d’après le registre du cancer au cours de la période en question. Toutefois, l’utilité de ces résultats est limitée par des vices dans la conception de l’étude : l’absence de groupe témoin, et la période de référence qui peut avoir été trop courte pour qu’une amélioration quelconque puisse être décelée. Il est douteux que le programme de dépistage ait été mis en oeuvre de la façon prévue, car moins de 30 % des sujets qui présentaient des lésions suspectes ont suivi les recommandations qui leur ont été faites et moins du quart de la population cible a été soumis au dépistage chaque année.

Aucune étude contrôlée randomisée n’a encore permis d’évaluer l’efficacité du dépistage du cancer de la bouche. En 1995, une étude du genre a été entreprise en Inde, mais ses résultats ne seront pas connus d’ici 7 à 10 ans53. Lorsqu’ils le seront, ils devront être interprétés avec prudence parce qu’ils ne seront pas généralisables au Canada. La cavité buccale est le principal siège de cancer en Inde, et l’utilisation de programmes de dépistage de masse y est plus réalisable. Par contre, les résultats peuvent être applicables à certains sous-groupes à risque au Canada (p. ex. les personnes du Sud-Est asiatique).

Efficacité du traitement
Lésions précancéreuses de la bouche.
Les précurseurs du cancer de la bouche sont les lésions jugées potentiellement malignes parce qu’elles peuvent révéler une dysplasie. La dysplasie épithéliale de la bouche peut se présenter cliniquement comme une leucoplasie, une érythroplasie ou une leuco-érythroplasie. La prévalence de ces lésions est très faible (1 à 4 %)54,55,72,73, et celles-ci ne deviendraient malignes que dans 0,1 à 6 % des cas au sein de l’ensemble de la population74-76, ou 7 à 36 % des cas chez les patients à risque77-80. L’érythroplasie est considérée comme un signe précoce de cancer de la bouche parce que les lésions érythroplasiques ou leuco-érythroplasiques risquent davantage de devenir malignes que les légions leucoplasiques79, et que la plupart des cancers invasifs sont rouges ou surtout rouges (64 à 86 %)81,82. Une autre sorte de lésion maligne, le lichen plan, est aussi peu répandue (0,1 à 2 %)54,55,83 et devient rarement maligne (0,4 à 3 %)84-87. À l’heure actuelle, il est impossible de dire quelles lésions précancéreuses deviendront éventuellement malignes.

Pour les lésions localisées, l’exérèse chirurgicale est le traitement normal, mais son efficacité n’a pas vraiment été évaluée dans des études contrôlées randomisées. Des études par observation ont révélé qu’après le traitement, le taux de récurrence des lésions précancéreuses est d’environ 20 %, et que le risque d’apparition de lésions malignes n’est pas éliminé (5 %)88-90. Le nombre de lésions dont l’exérèse chirurgicale empêche de devenir malignes ne peut être déterminé d’après ces études. Une autre forme de traitement, l’exérèse au laser, reste à évaluer dans des essais cliniques bien conçus91.

L’endroit et l’étendue de certaines lésions peuvent en rendre l’exérèse chirurgicale difficile. Trois traitements ont été évalués pour ces lésions dans le cadre d’essais cliniques : l’acide rétinoïque 13-cis (13cRA)92,93, le bêta-carotène (un précurseur du rétinol)94 et la bléomycine95. Dans un essai contrôlé randomisé, de fortes doses de 13cRA se sont révélées plus efficaces qu’un placebo pour inverser et stabiliser la leucoplasie buccale; toutefois, les effets secondaires et la rechute après l’abandon du traitement ont représenté d’importants problèmes92. Une étude comparative récente d’un schéma posologique de faibles doses de 13cRA a montré que cet acide était plus efficace que le bêta-carotène, la lésion devenant maligne chez seulement 8 % des sujets soumis à ce traitement, en comparaison de 55 % de ceux qui ont été traités au bêta-carotène93. Les effets secondaires étaient plus courants chez les sujets traités au 13cRA, mais seulement de légères complications ont été signalées. Un troisième agent, la bléomycine topique, s’est révélé plus efficace qu’un placebo pour faire diminuer la taille des lésions dans un essai contrôlé randomisé auquel participaient des patients présentant une leucoplasie buccale95. Aucune étude n’a comparé le traitement au 13cRA et le traitement à la bléomycine.

Lésions malignes à un stade initial. Les lésions malignes mises en évidence par des examens de dépistage sont normalement à un stade initial (I ou II); la langue et le plancher buccal sont les sièges les plus courants de ces lésions. Aucune étude contrôlée n’a encore permis d’évaluer la chirurgie ou la radiothérapie. Depuis 1980, neuf études ont présenté des données d’examens rétrospectifs de dossiers de patients (Tableau 3)96-104. La seule mesure fournie dans toutes les études est le taux de survie à cinq ans; pour le stade I, ce taux varie entre 57 % et 90 %, et pour le stade II, entre 41 % et 72 %. Un problème que pose l’analyse statistique de ces données est que l’influence d’un biais introduit par l’intervalle de latence n’a pas été prise en considération.

 

Tableau 3 Résultats d’études* sur le traitement du cancer de la bouche à un stade initial (stades I et II) 

Étude Intervention Siège Résultat (Taux de survie à 5 ans)

Decroix et Ghossein96

382    Radiothérapie ou combinaison Langue Stade I - 57%       Stade II - 41%

Callery et coll97

546 Chirurgie Langue Stade I - 65%       Stade II - 58%

Mendenhall et coll98 

132  Radiothérapie Langue Stade II - 54%

Nason et coll99

209

Chirurgie

Plancher buccal Stade I - 69%      Stade II - 64%

Wildt et coll100

267 Chirurgie (40%) Radiothérapie (40 %) Combiné (22 %) Divers sièges : surtout mandibulaire Stade I - 65%       Stade II - 42%
Soderholm101 162 Chirurgie (20 %) Radiothérapie (18 %) Combiné (62 %) Région  mandibulaire Stade I - 80%      Stade II - 58%

Franceschi et coll102

   297   

Chirurgie Langue Stade I - 90%       Stade II - 72%
Kraus et coll.103 100 Chirurgie Langue Stade I/II - 77 %
Lefebvre et coll.104 429 Radiothérapie Divers sièges :   surtout langue et  plancher buccal Stade I - 61 %Stade II - 50 %

*Toutes les études étaient des séries de cas.

Une comparaison valide de la chirurgie et de la radiothérapie est difficile en raison de la piètre qualité des études et de l’incapacité de tenir compte des différences entre les patients d’une étude à l’autre. Puisque des conclusions certaines peuvent seulement être tirées d’essais contrôlés randomisés, les taux de survie ne peuvent pour l’instant être considérés autrement que comme comparables pour la chirurgie et la radiothérapie. Un autre problème que pose l’évaluation du traitement du cancer, c’est que les taux de récurrence pour des stades de cancer particuliers ne sont pas spécifiés dans la plupart des études. Seulement deux études ont consigné les taux de survie à cinq ans pour le stade I (12 à 14 %) et le stade II (18 à 22 %)96,104.

Enfin, peu d’études nous renseignent sur l’effet relatif du traitement sur la qualité de vie et la fonction buccale. Le temps de survie seulement n’est pas une mesure satisfaisante du succès du traitement; la qualité de la survie doit être évaluée tout autant que sa durée. Jusqu’ici, des mesures subjectives des résultats ont été utilisées surtout dans des études du traitement des cancers à un stade avancé10-12. Aucune étude n’a comparé l’état de santé des personnes qui ont été traitées à l’état de santé d’autres personnes qui ont refusé d’être traitées.

Interprétation

Recommandations du Groupe de travail canadien
Le Tableau 4 résume les recommandations préparées par suite de cet examen. Des données justifient la recommandation que le counseling pour encourager les patients à cesser de fumer soit expressément considéré au moment d’un examen de santé périodique (recommandation de niveau A). Aucune recommandation particulière n’est faite relativement au counseling pour la réduction de la consommation d’alcool comme moyen de prévenir le cancer de la bouche; toutefois, le counseling des buveurs peut être recommandé pour d’autres raisons. Le groupe d’étude a fait de ce counseling une recommandation de niveau B en 1994105.

 

Tableau 4 Tableau sommaire des recommandations pour la prévention de la mortalité par cancer de la bouche

Manoeuvre Efficacité Qualité des données Recommandation
Counseling pour encourager le renoncement au tabac Les interventions multiples et les initiatives de renforcement ont augmenté les taux de désaccoutumance de 6 mois et 1 an.

Il a été démontré que le renoncement au tabac réduisait le risque de cancer de la bouche. Les programmes d’intervention ont réduit l’incidence des lésions précancéreuses.

 

Essais contrôlés randomisés39,40 (I)

 

Études cas/témoins et études de cohorte15,23,66,67 (II-2)

Données suffisantes pour consi dérer expressément le counseling visant à encourager le renoncement au tabac dans un examen de santé périodique (A)

Le counseling devrait être assuré par des professionnels de la santé formés.

Dépistage par examen clinique L’utilité du dépistage est limitée par la prévalence et l’incidence peu élevées de la maladie, le risque de faux positifs, et le manque de conformité aux mesures de suivi recommandées.

Aucune étude n’a démontré que les programmes de dépistage réduisent la mortalité et la morbidité attribuables au cancer de la bouche.

Études cas/témoins49-58 (II-2) Dépistage de masse : Données acceptables pour exclure le dépistage de masse du cancer de la bouche par examen clinique (D)

Dépistage opportuniste : Données insuffisantes pour recommander l’inclusion ou l’exclusion du dépistage du cancer de la bouche par examen clinique chez des patients asymptomatiques dans un examen de santé périodique (C)

Pour les patients à risque, un examen annuel par un médecin ou un dentiste devrait être considéré. Les principaux facteurs de risque sont des antécédents de tabagisme et une consommation excessive d’alcool.excessive d’alcool.

Les recommandations de dépistage sont divisées en deux catégories : le dépistage de masse, et le dépistage opportuniste (c’est-à-dire à l’occasion des examens de santé périodiques). En ce qui concerne le dépistage de masse, une recommandation de niveau D a été faite en raison de la prévalence et de l’incidence peu élevées du cancer de la bouche au Canada, des faibles rendements constatés dans les études de dépistage, et du risque de proportions élevées de diagnostics faussement positifs. Les faux positifs peuvent constituer un problème de taille en raison des coûts personnels et financiers, de l’anxiété, des biopsies inutiles et des traitements non indiqués qui peuvent en résulter.

En ce qui concerne le dépistage opportuniste des patients asymptomatiques, une recommandation C a été formulée, semblable à la recommandation du Groupe de travail en 19945. Dans le cas des patients à risque, un examen annuel par un médecin ou un dentiste devrait être considéré. L’usage du tabac et la consommation excessive d’alcool, seuls ou en combinaison, sont les principaux facteurs de risque liés à l’apparition du cancer de la bouche.

Recommandations d’autres instances
Les recommandations en faveur du counseling pour encourager les patients à cesser de fumer sont conformes aux lignes directrices établies par le ministère américain de la Santé et des Services humains (1996)6. Les recommandations en ce qui a trait au dépistage dans le présent rapport sont conformes aux recommandations du Groupe de travail américain sur les services de prévention et du Groupe de travail britannique sur le cancer de la bouche106-108. Les deux groupes ont recommandé le dépistage seulement pour les groupes à risque. Par contre, la Société américaine du cancer préconise le dépistage systématique chez les sujets asymptomatiques de plus de 20 ans109. Les organismes représentant les dentistes appuient également le concept du dépistage du cancer de la bouche, bien qu’il n’existe aucune déclaration officielle en ce sens110,111.

La qualité des données demeure une importante préoccupation dans l’évaluation du dépistage du cancer de la bouche. Aucun essai prospectif contrôlé n’a encore mis en corrélation le dépistage et les cancers de la bouche évités. Comme pour le dépistage d’autres formes de cancer, «le problème… n’est pas la preuve d’un manque d’effet, mais le manque de preuves»112.

Programme de recherche
1. Au Canada, un programme national de dépistage a peu de chances d’être un moyen de dépistage pratique. Toutefois, l’évaluation prospective des programmes de dépistage pour les groupes à risque est justifiée, car les facteurs de risque sont connus et reconnaissables. Les sujets à risque peuvent être identifiés par un processus de dépistage en deux étapes : un questionnaire à remplir soi-même pour trouver les patients chez qui des facteurs de risque sont présents, et un examen ultérieur visant à déceler le cancer de la bouche chez les sujets considérés comme à risque. Le dépistage pratiqué chez les groupes à risque seulement augmenterait sans doute le rendement des programmes de dépistage et pourrait devenir plus rentable113,114. Toutefois, une étude de dépistage auprès des hommes alcooliques d’un certain âge donne à penser qu’il serait coûteux de repérer les personnes à risque, et que la conformité aux mesures de suivi recommandées serait faible (34 %)58. Par conséquent, des façons rentables de repérer ces sujets et des programmes de suivi efficaces sont nécessaires.

2. Un autre point à éclaircir est le suivant : quels professionnels de la santé devraient procéder à l’examen de dépistage et aux interventions de counseling? Dans une étude de cas pour lesquels un examen plus poussé avait été recommandé, les médecins ont décelé une plus forte proportion de cancers localisés au niveau du pharynx, du larynx et des amygdales, alors que les dentistes en ont trouvé un plus grand pourcentage sur les gencives et le plancher buccal115. Les dentistes reconnaissaient aussi plus facilement les cas asymptomatiques, à un stade initial, de cancer et les précurseurs du cancer, alors que les patients symptomatiques se présentent habituellement chez un médecin pour être examinés.

Les dentistes et les médecins généralistes sont en mesure de déceler les lésions cancéreuses et précancéreuses dans leur pratique, mais on ne sait pas si l’une des professions est plus apte à le faire que l’autre. Bien que les dentistes examinent la bouche plus fréquemment et devraient théoriquement mieux connaître les différences entre l’état pathologique et les écarts par rapport à cet état, des études où des dentistes généralistes ont fait fonction d’examinateurs aux fins du dépistage ont révélé une sensibilité variant entre 71 et 74 %50-52, ce qui dénote un fort taux de faux négatifs. On a également constaté que les travailleurs médicaux de première ligne avaient de la difficulté à reconnaître les lésions buccales116. Le manque de formation et de sensibilisation chez les praticiens en médecine et en dentisterie a été relevé117-119.

On a laissé entendre que divers professionnels de la santé devraient jouer un rôle dans le counseling et le dépistage, et que l’accent devrait être mis sur le niveau de formation et l’intérêt plutôt que sur l’appartenance à une profession en particulier6. Du point de vue de la rentabilité, il coûterait beaucoup moins cher de faire appel aux infirmières, aux infirmières auxiliaires et aux hygiénistes dentaires.

3. Des études plus poussées sont nécessaires pour établir un lien de causalité entre la réduction de la consommation d’alcool et un risque réduit de cancer de la bouche et de précurseurs de ce cancer. Une étude cas/témoins serait le moyen le plus réaliste d’examiner ce facteur de risque, mais un nombre suffisant de sujets serait nécessaire pour tenir compte des effets du tabagisme.

Membres du Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs
Président
: Dr John W. Feightner, professeur, Département de médecine familiale, Université Western Ontario, London (Ont.). Président sortant : Dr Richard Goldbloom, professeur, Département de pédiatrie, Université Dalhousie, Halifax. Membres : Drs R. Wayne Elford, professeur émérite, Département de médecine familiale, Université de Calgary, Calgary; Michel Labrecque, professeur agrégé et directeur de recherche, Département de médecine familiale et Centre hospitalier universitaire de Québec, Université Laval, Québec; Harriet MacMillan, professeure agrégée, Départements de psychiatrie et de pédiatrie et Centre for Studies of Children at Risk, Université McMaster, Hamilton (Ont.); Robin McLeod, professeur, Département de chirurgie, Mount Sinai Hospital et Université de Toronto, Toronto; Jean-Marie Moutquin, professeur, Département d’obstétrique et de gynécologie et Centre de recherche de l’Hôpital Saint-François d’Assise du CHUQ, Université Laval, Québec; Christopher Patterson, professeur et chef, Division de médecine gériatrique, Département de médecine, Université McMaster, Hamilton (Ont.); Elaine E.L. Wang, professeure agrégée, Départements de pédiatrie et des sciences de la santé publique, Faculté de médecine, Université de Toronto, Toronto. Personnes-ressources : Nadine Wathen, coordonnatrice, Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs, Département de médecine familiale, Université Western Ontario, London (Ont.), et Tim Pauley, adjoint de recherche, Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs, Département de médecine familiale, Université Western Ontario, London (Ont.).

Remerciements : Nous tenons à remercier le Dr Joel B. Epstein, de l’Agence du cancer de la Colombie-Britannique, à Vancouver, et le Dr Thomas D. Daley, Département de pathologie buccale, Université Western Ontario, London (Ont.), qui ont revu l’ébauche du présent rapport. Les points de vue exprimés dans le présent rapport sont ceux de l’auteur et du groupe de travail, et ne reflètent pas nécessairement les positions des personnes qui l’ont revu.

Le Dr Hawkins est un étudiant diplômé en dentisterie communautaire, Faculté de dentisterie, Université de Toronto.

Le Dr Wang est professeur agrégé aux Départements de pédiatrie et de sciences de la santé publique, Faculté de médecine, Université de Toronto.

Le Dr Leake est professeur de dentisterie communautaire, Faculté de dentisterie, Université de Toronto.

Les points de vue exprimés sont ceux des auteurs et ne correspondent pas nécessairement à l’opinion ou aux politiques officielles de l’Association dentaire canadienne.


Annexe 1

Groupe de travail canadien sur les soins de santé préventifs : qualité des résultats et classification des recommandations

Qualité des résultats publiés
I Résultats obtenus dans le cadre d’au moins un essai comparatif convenablement randomisé.
II-1 Résultats obtenus dans le cadre d’essais comparatifs non randomisés bien conçus.
II-2 Résultats obtenus dans le cadre d’études de cohorte ou d’études analytiques cas/témoins bien conçues, réalisées de préférence dans plus d’un centre ou par plus d’un groupe de recherche.
II-3 Résultats découlant de comparaisons entre différents moments ou différents lieux, ou selon qu’on a ou non recours à une intervention.
III Opinions exprimées par des sommités dans le domaine, fondées sur l’expérience clinique, études descriptives ou rapports de comités d’experts.
Classification des recommandations
A Données suffisantes pour appuyer la recommandation selon laquelle il faudrait s’intéresser expressément à cette affection dans le cadre d’un examen médical périodique.
B Données acceptables pour appuyer la recommandation selon laquelle il faudrait s’intéresser expressément à cette affection dans le cadre d’un examen médical périodique.
C Données insuffisantes pour appuyer l’inclusion ou l’exclusion de cette affection dans le cadre d’un examen médical pério dique, mais les recommandations peuvent reposer sur d’autres fondements.
D Données acceptables pour appuyer la recommandation de ne pas s’intéresser à cette affection dans le cadre d’un examen médical périodique.
E Données suffisantes pour appuyer la recommandation de ne pas s’intéresser à cette affection dans le cadre d’un examen médical périodique.

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