Traitement orthodontique de l’absence de dents

• David B. Kennedy, BDS, LDS RCS (Eng), MSD, FRCD(C) •

© J Can Dent Assoc 1999; 65:548-50


[Diagnostic et Planification du traitement  |Coût |Références] 

De 2 à 10 p. 100 environ de la population a des dents manquantes. Exception faite des troisièmes molaires, ce sont le plus souvent les deuxièmes prémolaires et les incisives latérales maxillaires qui manquent. L’absence congénitale de dents s’accompagne souvent d’une éruption dentaire ectopique et d’autres anomalies (Ill. 1)1. En outre, en l’absence d’incisives latérales, les incisives latérales controlatérales sont fréquemment de forme de grain de riz ou sont inférieures à la largeur mésiale-distale normale. L’absence congénitale d’incisives latérales maxillaires s’accompagne souvent d’une éruption palatine ectopique des canines maxillaires permanentes adjacentes1,2. Les canines permanentes adjacentes aux incisives latérales absentes poussent souvent de façon mésiale. Dans les cas d’absence unilatérale d’une incisive latérale maxillaire, la ligne médiane est souvent déviée vers ce côté (Ill. 2).

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Illustration 1 : Rayon X panoramique montrant une canine ectopique, l’absence de la deuxième prémolaire droite inférieure, une deuxième molaire primaire ankylosée, une deuxième prémolaire gauche inférieure ectopique et l’absence des troisièmes molaires. Illustration 2 : Vue antérieure pré-orthodontique montrant l’absence de l’incisive latérale droite, une petite incisive latérale gauche et la ligne médiane maxillaire dérivée vers la droite avec une canine palatine supérieure ectopique.

Lorsque les deuxièmes molaires primaires ne sont pas remplacées par des dents permanentes, il y a une augmentation de la fréquence d’ankylose et de réinclusion1. Plus l’ankylose est précoce, plus les conséquences éventuelles seront graves. L’infraclusion progressive peut entraîner une réduction de la hauteur de l’os alvéolaire, l’inclinaison des dents adjacentes et la destruction de l’os lors d’une extraction. Comme l’infraclusion augmente à mesure que l’os vertical se développe parallèlement au développement du visage, plus l’infraclusion sera précoce, plus il sera nécessaire d’extraire la molaire primaire pour préserver l’os alvéolaire vertical. La largeur mésiale-distale d’une deuxième molaire primaire conservée, par opposition à la largeur réduite en l’absence de la seconde prémolaire, risque de compromettre l’occlusion des molaires.

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Diagnostic et planification du traitement

Principes généraux

Le clinicien doit toujours se poser deux questions lorsqu’il y a absence congénitale de dents permanentes :

1. Que dois-je faire si la dent manquante est en fait présente?

2. Cette malocclusion peut-elle être traitée de façon satisfaisante par extraction?

Si oui, l’enlèvement de la dent primaire (qui n’a pas de successeur permanent) peut permettre de refermer l’espace par traitement orthodontique; ainsi l’absence congénitale de la dent aura moins de conséquences à long terme. Par contre, si l’extraction est contre-indiquée, un traitement prosthétique à long terme de la région d’où la dent permanente est absente pourra être envisagé. Ce traitement comprendra le traitement de toute dent primaire conservée, dont les secondes molaires primaires lorsque les secondes prémolaires sont absentes.

Le patient doit faire l’objet d’un diagnostic complet selon le concept des plans d’espace. Une fois que la liste des problèmes aura été établie, les objectifs du traitement pourront être définis afin de satisfaire les besoins du patient. À partir de ces objectifs, diverses possibilités de traitement pourront être envisagées3. Dans bien des cas, un modèle d’étude de cire sera requis pour montrer au dentiste, au patient et au parent l’apparence de l’occlusion finale et de la position de la dent artificielle. Ce modèle de cire peut permettre de déterminer les besoins d’ancrage et d’élaborer un plan de traitement mécanique. En outre, il peut permettre de déterminer les largeurs pontiques appropriées, les écarts potentiels dans la taille des dents et le besoin de liaison post-traitement ou de réduction interdentaire. Enfin, il permettra au dentiste traitant de collaborer à la planification du traitement (Ill. 2, 3 et 4). De toute évidence, cet exercice de planification du traitement ne peut être réalisé que s’il existe des dossiers orthodontiques complets.

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Illustration 2 : Vue antérieure pré-orthodontique montrant l’absence de l’incisive latérale droite, une petite incisive latérale gauche et la ligne médiane maxillaire dérivée vers la droite avec une canine palatine supérieure ectopique. Illustration 3 : Vue post-orthodontique du patient de l’illustration 2. Lignes médianes centrées. Espace approprié ouvert pour le traitement prosthétique de l’incisive latérale manquante et petite incisive latérale gauche. Illustration 4 : Vue post-restauration du patient des illustrations 2 et 3. Un implant et une couronne remplacent l’incisive latérale droite manquante. Recouvrement de porcelaine sur l’incisive latérale gauche. Une liaison cosmétique reforme les incisives centrales.

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L’absence de l’incisive latérale supérieure

L’espace requis et le remplacement artificiel post-orthodontique subséquent des incisives latérales manquantes sont généralement dictés par des considérations d’ordre esthétique. Les deux cas où l’extraction et la fermeture de l’espace (des incisives latérales manquantes) seraient recommandées sont les suivants :

1. les cas où il y a suffisamment de chevauchement pour justifier l’extraction et où il y a absence congénitale d’une des incisives latérales ou des deux (Ill. 5);

2. les cas de malocclusion de classe II où un profil facial acceptable peut être traité de façon satisfaisante par une seule extraction à l’arcade supérieure ou par des extractions aux deux arcades.

Par ailleurs, la fermeture des espaces des incisives latérales maxillaires manquantes comporte au moins six inconvénients importants :

1. Les canines supérieures pointues exigent un meulage post-orthodontique ou une liaison cosmétique pour simuler une incisive (Ill. 5 et 6).

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Illustration 5 : Absence des incisives latérales maxillaires, surplomb prononcé et rétention de la canine primaire droite. Vue pré-traitement. Illustration 6 : Vue post-traitement. Espaces des incisives latérales maxillaires fermés en raison du chevauchement. Canines reformées et liées.

2. Les canines supérieures sont généralement plus foncées que les incisives latérales; un recouvrement peut donc être requis.

3. Les canines supérieures sont plus larges que les incisives latérales manquantes, ce qui crée un décalage inesthétique et un écart dans la taille des dents antérieures. Les six dents antérieures supérieures (première prémolaire, canine et incisive centrale) sont relativement trop larges pour les six dents antérieures inférieures correspondantes (canine, incisive latérale et centrale). Cet écart peut causer un surplomb excessif, à moins qu’une réduction interdentaire ne soit envisagée.

4. Dans les cas de substitutions de canines, la première prémolaire sert de canine; la cuspide linguale doit souvent être réduite pour des raisons esthétiques ou fonctionnelles.

5. Comme l’épaisseur labiolinguale de la canine supérieure est plus grande que l’incisive latérale manquante correspondante, une réduction palatine sélective de la canine est souvent requise.

6. L’occlusion finale montre un fonctionnement d’ensemble plutôt qu’une correction de la canine.

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Coût

La plupart des patients ayant une absence congénitale de dents requièrent un traitement orthodontique complet. Si pendant le traitement il est décidé de refermer les espaces, une restauration dentaire post-orthodontique ne sera pas nécessaire. Par contre, lorsque les espaces pontiques doivent être restaurés, le patient devra payer les coûts des couronnes et ponts ou des implants, et peut-être aussi les coûts parodontaux pour l’extension de la couronne et les coûts endodontiques dans les cas de préparation des dents (ce qui entraîne une perte de vitalité des dents). En outre, le patient devra peut-être renouveler la restauration deux ou trois fois au cours de sa vie4.

Les implants peuvent être utilisés chez les patients qui ont fini de grandir. Par contre, ils exigent une procédure chirurgicale en deux étapes et ne sont pas couverts par les assurances pour le moment. De plus, les candidats aux implants peuvent parfois requérir une augmentation de l’os, car les patients sans dents permanentes ne développeront pas l’os alvéolaire qui accompagne l’éruption.

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Options de restauration post-orthodontique

Immédiatement après l’enlèvement des bagues, des reteneurs amovibles avec dents sont portés en permanence. La plupart des adolescents et des adultes préfèrent des prothèses fixes pour le remplacement des dents manquantes. Dans la plupart des cas, des implants soutenant des couronnes seront le choix préféré parce qu’ils éviteront la destruction des dents piliers (Ill. 4).

Les implants ne peuvent être installés qu’après la fin de la croissance alvéolaire. Chez les femmes, la croissance se termine vers l’âge de 15 ans mais, chez les garçons et les jeunes hommes, elle peut se poursuivre jusqu’au début de la vingtaine. Si un implant est installé lorsque la croissance n’est pas terminée, il peut se produire une réinclusion car l’implant se comportera comme une dent ankylosée; la longueur clinique de la couronne et le profil d’émergence de la restauration risquent d’être fort inesthétiques. Comme les adolescents ne veulent généralement pas porter de reteneurs amovibles après le traitement orthodontique jusqu’à ce qu’ils soient prêts pour les implants, les ponts Maryland à réduction minimale peuvent constituer une solution de rechange acceptable.

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Le dilemme de l’extraction dans les cas de prémolaires manquantes

Malgré ce qu’on en dit, les données scientifiques suggèrent qu’une extraction appropriée suivie d’une fermeture de l’espace n’a que peu d’effets sur le profil facial5. Une extraction précoce des deuxièmes molaires primaires dans les cas d’absence congénitale des deuxièmes prémolaires sous-jacentes peut souvent se traduire par un déplacement mésial de la dentition postérieure, ce qui permettra de fermer les espaces6. Par conséquent, une extraction systématique en série modifiée et précoce peut éliminer le besoin de traitement majeur de restauration.

Lorsqu’il y a chevauchement important, un mainteneur d’espace sera requis pour conserver l’ancrage au moment où les canines et les premières prémolaires s’éloignent les unes des autres, ou encore les extractions peuvent être reportées jusqu’à la dentition permanente (Ill. 7 et 8). Dans les cas de classe II, l’ancrage exige une bonne gestion des extractions et de la fermeture mécanique de l’espace.

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Illustration 7 : Rayon X panoramique du pré-traitement montrant les deuxièmes prémolaires inférieures manquantes et la progression
du chevauchement des canines. Traitement par extraction des premières prémolaires supérieures et des deuxièmes molaires
primaires inférieures.
Illustration 8 : Rayon X panoramique post- orthodontique montrant les espaces des deuxièmes prémolaires inférieures fermés
et l’extraction des premières prémolaires supérieures.

À l’opposé, l’extraction tardive des prémolaires peut avoir un effet négatif sur la position des incisives et peut donc entraîner un aplatissement du profil facial s’il y a rétraction excessive des incisives. Par conséquent, il est impératif que ces patients soient évalués sur le plan orthodontique le plus tôt possible afin que toutes les options de traitement demeurent possibles.

Lors de la planification du traitement, la présence des facteurs suivants justifiera l’extraction :

• un chevauchement important;

• un écart dans la ligne médiane;

• un écart antéropostérieur des molaires entre les côtés gauche et droit;

• des incisives procombantes sur les structures alvéolaires sous-jacentes (double protrusion dentaire);

• un profil facial d’ensemble qui exige une réduction du soutien labial;

• une augmentation de la dimension verticale du bas du visage;

• un léger surplomb ou une béance antérieure.

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Hygiène dentaire

Rien ne prouve que les traitements orthodontiques ou les extractions peuvent nuire à l’articulation temporo-mandibulaire8. Il ne faut donc pas en tenir compte dans la prise de décision. La santé parodontale des patients ayant des incisives latérales manquantes qui sont traitées par ouverture plutôt que par fermeture des espaces varie selon leur réaction au traitement. Bien qu’il y ait eu des améliorations marquées sur le plan esthétique dans les cas où les espaces avaient été ouverts, la santé parodontale à long terme était compromise à la suite des restaurations9. Les patients dont les prémolaires manquent doivent donc savoir que la fermeture des espaces est le traitement recommandé dans la région postérieure lorsque la chose est possible.

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Planification coordonnée du traitement

L’accent a été mis sur le besoin de tenir compte de la contribution du patient et du dentiste au plan de traitement. Comme les patients ayant une absence congénitale de dents souffrent d’autres anomalies associées, il est impératif qu’ils soient suivis de près dès leur jeune âge. Les possibilités de traitement seront plus nombreuses si le patient est vu dès l’apparition de sa dentition mixte plutôt qu’à l’âge de sa dentition permanente.

Au cours des dernières étapes du traitement orthodontique, le modèle de cire permettra de vérifier la position finale prévue des dents et la largeur du pontique. Le renvoi au dentiste traitant avant l’enlèvement de l’appareil orthodontique permettra par ailleurs à celui-ci d’intervenir sur la position finale des dents.

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Remerciement : Les soins de restauration à l’illustration 4 ont été offerts par le Dr David Bridger de Vancouver (C.-B.).

Le Dr Kennedy exerce dans un cabinet privé à Vancouver (C.-B.). Il se spécialise en orthodontie et en dentisterie pédiatrique.

Demandes de tirés à part : Dr David B. Kennedy, 200 - 650, 41e av. O., Vancouver BC V5Z 2M9

L’auteur n’a aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui fabriquent les produits mentionnés dans cet article.

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Références

1. Baccetti T. A controlled study of associated dental anomalies. Angle Orthod 1998; 68:267-74.

2. Peck S, Peck L, Kataja M. Prevalence of tooth agenesis and peg-shaped maxillary lateral incisor associated with palatally displaced canine (PDC) anomaly. Amer J Orthod Dentofacial Orthop 1996; 110:441-3.

3. Proffit WR, Ackerman JL, Fields HW. Diagnosis and treatment planning in orthodontics. In: Proffit WR, Fields HW, editors. Contemporary Orthodontics. 2nd ed. St. Louis: CV Mosby Co.; 1993. p. 139-225.

4. Creugars N. Two-thirds of fixed partial prosthesis (bridges) last 15 years. Evidence-based Dentistry 1998; 1:19.

5. Luppanapornlarp S, Johnston LE Jr. The effects of premolar extraction: a long-term comparison of outcomes in “clear-cut” extraction and non-extraction Class II patients. Angle Orthod 1993; 63:257-72.

6. Joondeph DR, McNeill RW. Congenitally absent second premolars: an interceptive approach. Amer J Orthod 1971; 59:50-66.

7. Papandreas SG, Buschang PH, Alexander RG, Kennedy DB, Koyama I. Physiologic drift of the mandibular dentition following first premolar extractions. Angle Orthod 1993; 63:127-36.

8. Artun J, Hollender LG, Truelove EL. Relationship between orthodontic treatment, condylar position, and internal derangement in the temporomandibular joint. Amer J Orthod Dentofacial Orthop 1992; 101:48-53.

9. Nordquist GG, McNeill RW. Othodontic vs. restorative treatment of the congenitally absent lateral incisor — long-term periodontal and occlusal evaluation. J Periodontol 1975; 46:139-43.

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