Volume 12 • 2025 • Numéro 1

Le magazine de l’Association dentaire canadienne 2025 • Volume 12 • Numéro 1 PM40064661 Élargir la recherche scientifique en médecine dentaire + DANS CE NUMÉRO Implantation de microbiome buccal P. 16 Santé buccodentaire et vieillissement P. 18 Détection de caries à l’aide de l’IA P. 20 Page 24

Responsable de la gouvernance et des communications Zelda Burt Chef de la rédaction Sean McNamara Rédacteurs-réviseurs Sierra Bellows Gabriel Fulcher Pauline Mérindol Associée aux publications et médias électroniques Michelle Bergeron Concepteur graphique Carlos Castro Publicité Toute demande concernant la publicité imprimée ou en ligne doit être adressée à : Peter Greenhough c/o Peter Greenhough Media Partners Inc. pgreenhough@pgmpi.ca 647-955-0060, ext. 101 Toute demande concernant les petites annonces doit être adressée à : John Reid jreid@pgmpi.ca 647-955-0060, ext. 102 Point de contact de Michelle Bergeron mbergeron@cda-adc.ca Pour plus d’information, appelez l’ADC (au Canada) au : 1-800-267-6354 Partout ailleurs : 613-523-1770 Courriel : publications@cda-adc.ca cda-adc.ca L’essentiel de l’ADC est publié par l’Association dentaire canadienne dans les deux langues officielles. Entente d’envoi de poste-publications no 40064661. Retour des envois non distribuables aux adresses canadiennes à : Association dentaire canadienne, 1815, promenade Alta Vista, Ottawa (Ontario) K1G 3Y6. Port payé à Ottawa (Ontario). Veuillez aviser l’ADC de tout changement d’adresse à : reception@cda-adc.ca ISSN 2292-7387 (version imprimée) ISSN 2292-7395 (version électronique) © Association dentaire canadienne 2025 Avis de non-responsabilité Les collaborateurs assument l’entière responsabilité de leurs opinions et des faits dont ils font état et ceux-ci n’expriment pas nécessairement les opinions de l’Association dentaire canadienne (ADC). La publication d’une annonce commerciale ne signifie pas nécessairement que l’ADC en appuie ou en endosse le contenu. L’équipe éditoriale se réserve le droit de corriger les textes soumis pour publication dans L’essentiel de l’ADC. De plus, l’ADC ne peut être tenue responsable des erreurs de texte ou de traduction. Le contenu commandité est créé par Peter Greenhough Media Partners Inc., en partenariat avec ses clients. L’équipe éditoriale de L’essentiel de l’ADC n’est en aucun cas impliquée dans sa création. Conseil da’ dministration de l’ADC Président Dr Joel Antel Dr Stuart MacDonald Nouvelle-Écosse Énoncé de mission de l’ADC Fondée en 1902, l’ADC est une organisation constituée sans but lucratif et en vertu d’une loi fédérale, et dont les membres corporatifs sont les associations dentaires provinciales et territoriales (ADPT) du Canada. L’ADC représente plus de 21 000 praticiens d’un océan à l’autre et est une marque et une source d’information fiable pour et sur la profession dentaire concernant des questions nationales et internationales. est la publication imprimée officielle de l’ADC, offrant un dialogue entre l’association nationale et la communauté dentaire. Le magazine sert à informer les dentistes au sujet d’actualités, de nouvelles cliniques et d’enjeux pertinents à la profession. Dr Brian Baker Saskatchewan Président désigné Dr Bruce Ward Vice-président Dr Kirk Preston Dr Jerrold Diamond Alberta Dre Mélissa Gagnon-Grenier T.N.-O./Nunavut/Yukon Dr Raymon Grewal Colombie-Britannique Dre Lesli Hapak Ontario Dre Janice Stewart Île-du-Prince-Édouard Dr Marc Mollot Manitoba Dr Matthew Moore Nouveau-Brunswick Dr Jason Noel Terre-Neuve-et-Labrador 2025 • Volume 12 • Numéro 1 @CdnDentalAssoc canadian-dentalassociation Canadian Dental Association cdndentalassoc cdaoasis 3 Numéro 1 | 2025 |

BioACTIVE-RESTORATIVE LE MEILLEUR BIOACTIF DEPUIS 2013 Balayez le code QR pour voir des cas ou demander une démonstration. De plus, découvrez notre meilleure offre pour les nouveaux utilisateurs. Catalogue complet des produits sur pulpdent.com LE CHOIX DES LECTEURS Plus de 10 années de succès clinique « Activa est le héros de mon cabinet. » —Dre Brittany Bergeron Dentiste généraliste et esthétique Utilise ACTIVAMC depuis 2019 Découvrez l’avantage ACTIVA Défense contre les caries secondaires* · Manipulation supérieure · Distribution facile · Esthétique · Durable Tolérant à l’humidité · Double polymérisation · Polyvalence permettant un usage quotidien · Apprécié des patients et des médecins *ACTIVAMC BioACTIVE scelle physiquement la marge du matériau et l’interface de la dent par la formation de cristaux d’apatite, protégeant par la suite contre les microfuites, la principale cause de caries secondaires et de caries récurrentes. Faire progresser la dentisterie ensembleMC

Sommaire L’ADC sur le terrain 7 Élargir la recherche scientifique en médecine dentaire 9 Rencontre pour discuter des outils d’admission dans les facultés 11 Nouvelle ressource de l’ADC sur la gestion des risques L’observatoire 12 En bref 15 Impressions sur la communication durant la pandémie 16 Le potentiel de l’implantation de microbiome buccal Petites annonces 35 Cabinets, postes vacants, index des annonceurs Point de mire 18 Santé buccodentaire et vieillissement 20 Détection de caries à l’aide de l’IA 24 Nanotechnologies : De la fiction à la réalité Le saviez-vous 37 La version néandertalienne Pratico-pratique 27 Soins endodontiques : critères de sélection des cas 31 Soutenir un employé souffrant d’une maladie grave 33 Les médias sociaux et vos collègues : être amis ou pas Le magazine de l’Association dentaire canadienne 2025 • Volume12 • Numéro 1 11 20 27 33 5 Numéro 1 | 2025 |

Élargir la recherche scientifique en médecine dentaire Les nouvelles études et les changements technologiques transforment notre profession, qui fonctionne à partir de données probantes. Notre formation dentaire nous permet d’acquérir les compétences nécessaires pour évaluer les études scientifiques et cliniques et pour décider quels nouveaux traitements ou pratiques adopter dans nos cabinets. Durant leur formation supplémentaire, les spécialistes mènent souvent leurs propres recherches, repoussant les frontières de notre savoir vers le monde du possible. Le rythme des innovations en recherche, et par ricochet dans les pratiques cliniques, s’est accéléré de façon exponentielle, ce qui est palpitant, car cela se traduit par des améliorations de la santé buccodentaire des patients. Cela signifie aussi qu’en tant que dentistes nous devons tous continuer à avancer, à nous adapter et à nous perfectionner tout au long de notre carrière. Le présent numéro du magazine met en lumière de nouvelles idées et recherches sur l’intelligence artificielle comme outil de détection des caries, sur l’implantation de microbiome chez les animaux, sur l’association entre santé buccodentaire et maladies chroniques chez les aînés, et sur l’utilisation potentielle de nanotechnologies en orthodontie à des fins de réduction du biofilm buccal et de la friction ainsi que d’ingénierie des tissus osseux. Ces innovations me rappellent combien ma propre pratique clinique a évolué au fil des ans. Au début de ma carrière, les résines photopolymérisables et leurs applications étaient nouvelles; les nouveaux produits et les avancées dans ce domaine se bousculaient sur le marché. En tant que dentiste, j’avais confiance en ma formation et j’attendais des données probantes pour ne pas adopter précipitamment de nouvelles techniques. Je ne voulais pas être le premier dentiste à utiliser un nouveau matériau, mais je ne voulais pas être le dernier non plus. J’ai vite dû apprendre à me positionner entre ces deux pôles. Dans mon cabinet, j’effectue beaucoup de traitements de canal, et au cours des 15 dernières années, les façons de voir cette intervention ont changé. À l’université, j’avais appris qu’il fallait nettoyer tout le système canalaire avec des limes manuelles. Maintenant, il faut plutôt utiliser nos limes pour accéder au système canalaire afin que les solutions d’irrigation puissent nettoyer chimiquement les canaux radiculaires. Le changement de l’objectif global de chaque étape de l’intervention a influencé le choix des technologiques que nous utilisons; les instruments rotatifs, les microscopes et les radiographies par tomographie à faisceau conique ont révolutionné le traitement endodontique. La médecine dentaire ne se limite pas à une pratique professionnelle; il s’agit d’une science qui repose sur des données probantes issues de la recherche. Au Canada, les 10 facultés de médecine dentaire ainsi que les secteurs dentaires et gouvernementaux font de la recherche. La profession, comme toute autre science, a tout à gagner à avoir un grand nombre de professeurs formés à la recherche dans les universités et de ressources solides pour les soutenir. Nous bénéficions tous de la recherche effectuée dans le monde, mais je suis particulièrement fier de celle menée ici au Canada, qui reflète notre population, notre culture et nos besoins uniques en matière de santé. Je l’ai vraiment senti lors du premier Sommet canadien sur la santé buccodentaire, à Halifax en juin dernier, qui a réuni des universitaires et des professionnels investis dans la recherche buccodentaire. J’ai découvert la diversité et l’ampleur de la recherche canadienne, de nouvelles méthodes de collecte et d’analyse de données, ainsi que des possibilités de renforcer nos capacités de recherche. Je continuerai à réfléchir aux travaux de recherche de collègues dans ma pratique quotidienne. Et j’ai bien hâte de voir comment mes compétences et la santé de mes patients évolueront dans les années à venir. Mot du président Dr Joel Antel president@cda-adc.ca Numéro 1 | 2025| L’ADC sur le terrain 7

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En novembre 2024, l’ADC a tenu une rencontre de deux jours qui a réuni des représentants des dix facultés de médecine dentaire du Canada pour discuter de la manière dont les programmes de l’ADC, et plus particulièrement le Test d’aptitude aux études dentaire (TAED), peuvent continuer à soutenir les responsables des admissions dans les universités et les aider à repérer les futurs dentistes. La rencontre organisée par le Comité des outils d’évaluation pour les admissions aux facultés de médecine dentaire a été présidée par les Drs Benoit Soucy, directeur du savoir à l’ADC, et Steven Patterson, professeur et codirecteur de la Faculté de médecine et de médecine dentaire de l’Université de l’Alberta ainsi que représentant de l’Association des facultés dentaires du Canada. Le Dr David Waldschmidt, directeur principal des services d’évaluations à l’Association dentaire américaine, a livré un exposé au groupe sur la validité du TAED pour la démarche de sélection. Le Dr Waldschmidt a présenté une recherche indiquant que les résultats du TAED étaient le meilleur prédicteur de la réussite au cours des deux premières années d’études en médecine dentaire, meilleur que la moyenne générale. «Nous avons eu des conversations animées et variées sur les caractéristiques et les compétences requises pour devenir des dentistes talentueux, ainsi que sur la variété de motivations et d’objectifs que devraient avoir les aspirants dentistes pour s’occuper (De g. à d.) Isabella Yuan Yu-Ting, Université Dalhousie, Vicki Koulouris, Université de la Colombie-Britannique, Dre Anuradha Prakki, Université de Toronto, Dre Vanessa Swain, Université du Manitoba, Rosanna Glover-Punko, Université de l’Alberta, Chelsea Johnson, École Schulich de médecine et de médecine dentaire, Dr Benoit Soucy, ADC, Dre Caroline Nguyen, Bureau national d’examen dentaire du Canada, Dr Walter Siqueira, Université de la Saskatchewan, Dr Steven Patterson, Université de l’Alberta, Dr Raphaël Godue, Université de Montréal, Crystal Noronha, Université McGill, Dr François Boulanger, Université Laval, Fatna Moussali, ADC, Dre Kavita Mathu-Muju, Université de la Colombie-Britannique, April Carr, ADC. L’ADC organise une rencontre pour discuter d’outils d’admission dans les facultés de la santé buccodentaire de la population canadienne, explique Isabelle Gingras, conseillère en charge des programmes à l’ADC. Il a aussi été utile pour nous, à l’ADC, d’en apprendre davantage sur les outils, les démarches et les difficultés de chaque faculté pour sélectionner ses étudiants de première année.» «L’ADC administre le programme du TAED pour assister les 10 facultés de médecine dentaire et pour veiller à l’avenir de la profession. Il est donc important d’entretenir de solides liens avec ces facultés, souligne Fatna Moussali, associée au TAED à l’ADC qui s’occupe du programme depuis plus de 30 ans. Le fait de comprendre la complexité des besoins de ces facultés nous permet de chercher des façons nouvelles et novatrices de répondre à leurs besoins. Aussi, le TAED représente la première interaction que les futurs dentistes ont avec l’ADC. Alors, nous travaillons très fort pour que la relation qui durera toute une carrière parte du bon pied.» Nous avons eu des conversations animées et variées sur les caractéristiques et les compétences requises pour devenir des dentistes talentueux. 9 L’ADC sur le terrain Numéro 1 | 2025 |

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En novembre 2024, l’ADC a lancé une nouvelle ressource destinée à aider les fournisseurs de soins buccodentaires à se préparer face aux risques qui peuvent survenir dans un cabinet dentaire au Canada et à les atténuer. Le guide Gestion des risques en milieu dentaire : Bâtir la résilience en prévision de l’inattendu comprend : z Un inventaire des risques qui répertorie différentes choses et circonstances pouvant présenter un risque pour un fournisseur de soins buccodentaires z Un cadre d’évaluation des risques pour déterminer le degré de préparation nécessaire z Une section comportant des stratégies pour mieux s’en sortir face aux risques. « Des risques sans précédent, comme la pandémie de COVID-19, compromettant notre capacité à fournir des soins buccodentaires essentiels peuvent survenir n’importe où et à n’importe quel moment, explique la Dre Astha Shah, conseillère en politiques en matière de santé et rédactrice scientifique à l’ADC, qui coordonne l’initiative et qui a apporté son expertise à cette ressource. Même s’il est impossible de tout prévoir, on peut toujours mieux se préparer aux risques avant qu’ils Nouvelle ressource de l’ADC sur la gestion des risques ne surviennent. Fondé sur l’expérience de professionnels de la médecine dentaire, ce guide étape par étape vous aidera à préparer votre cabinet dentaire et votre équipe à affronter les obstacles qui se présenteront. » Au cours de la préparation de ce guide, l’ADC a pu profiter de l’éclairage très utile des associations dentaires provinciales, de l’Association canadienne des hygiénistes dentaires, de l’Association canadienne des assistants(es) dentaires, du CDSPI, ainsi que de professionnels de la médecine dentaire de partout au pays. Voir : bit.ly/4hpoaPr [en anglais] 11 L’ADC sur le terrain Numéro 1 | 2025 |

EN BREF Le Collège américain des dentistes (CAD) a remis son Distinguished Leadership Award de 2024 à la Dre Lynn Tomkins, de Toronto. Ce prix reconnaît un grand sens du leadership en médecine dentaire, en santé publique ou dans le domaine des politiques en matière de santé à l’échelle nationale. La Dre Tomkins a été présidente de l’ADC en 2022-2023 et de l’Association dentaire de l’Ontario en 2010-2011. Elle a aussi reçu le Prix d’excellence Dr-A-Bruce-Hord en enseignement clinique pour sa contribution exceptionnelle à l’enseignement de la médecine dentaire à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto. D’autres dentistes canadiens ont aussi été reconnus par le CAD en 2024. Le Dr Barry Schwartz de London (Ontario) a reçu l’Ethics and Professionalism Award, décerné à une personne ou une organisation en reconnaissance d’une contribution exceptionnelle à la promotion de l’éthique et du professionnalisme en médecine Lauréats du Collège américain des dentistes Nomination du Dr Daniel Haas à l’Ordre du Canada Précisions sur la prédétermination pour le RCSD Le Dr Daniel Haas de Toronto, professeur et ancien doyen de la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto, a été nommé membre de l’Ordre du Canada en décembre 2024. Le Dr Haas est un grand spécialiste de l’anesthésiologie et de la pharmacologie dentaires et a apporté une importante contribution à la santé buccodentaire et à l’enseignement de la médecine dentaire. Ses recherches sur les risques liés aux anesthésiants locaux ont amélioré la sécurité des patients. À titre de doyen de la Faculté de médecine dentaire et défenseure de la reconnaissance des spécialités, le Dr Haas a eu une grande influence sur la formation et les pratiques dentaires dans le monde. Créé en 1967, l’Ordre du Canada est l’une des plus hautes distinctions honorifiques du pays. Il reconnaît des personnes dont les réalisations et le travail ont eu une incidence sur les communautés du Canada et d’ailleurs dans le monde. Depuis novembre 2024, les dentistes peuvent soumettre des demandes d’autorisation préalable au Régime canadien de soins dentaires (RCSD) pour certains services. Santé Canada et Sun Life sont au courant des difficultés techniques éprouvées par les cabinets dentaires et travaillent à simplifier la démarche et à apporter des précisions. Certaines améliorations ont déjà été mises en œuvre et l’ADC continuera à demander d’autres améliorations. Santé Canada s’affaire à créer des vidéos tutorielles avec des listes de vérification des pièces justificatives requises; la première porte sur les prothèses dentaires partielles, et d’autres sur les couronnes et les unités supplémentaires de détartrage suivront en 2025. Les vidéos expliqueront les pièces justificatives requises pour soumettre une demande au RCSD, et les listes de vérification aideront les fournisseurs de soins et les cabinets dentaires à savoir quelles pièces soumettre. dentaire. Les Drs Thomas Harle d’Ottawa et Lance Rucker de Vancouver sont les lauréats de l’Outstanding Service Award, qui souligne la contribution particulière et exceptionnelle de membres du Collège à la profession dentaire, à la communauté ou à l’humanité. Voir : acd.org/fellowship/awards/awardees [en anglais] Dr Daniel Haas Voir : bit.ly/4hv2XE5 Voir : www.youtube.com/watch?v=ivPHwbzIvTU Dre Lynn Tomkins 12 | 2025 | Numéro 1

En novembre 2024, l’ADC a reçu la Médaille d’or de l’impact de la facilitation pour la démarche de planification stratégique qui a conduit à l’élaboration de son plan stratégique, Orientation prospective : Plan stratégique 2024-2029. Ce prix est remis par l’Association internationale des facilitateurs, une communauté mondiale d’animateurs et d’animatrices qui fait la promotion de l’excellence dans les démarches d’animation professionnelle de groupes pour favoriser la mobilisation et accroître la portée d’initiatives. «L’ADC est honorée de recevoir le Prix de l’impact de la facilitation 2024, déclare le Dr Bruce Ward, vice-président de l’ADC et ancien président du groupe de travail sur la planification stratégique. Lors du processus d’élaboration de notre plan stratégique, tout le monde a mis la main à la pâte. Ensemble, nous avons travaillé avec nos principaux partenaires et reçu de précieux conseils provenant des associations dentaires provinciales et territoriales, du personnel de l’ADC et de notre conseil d’administration, qui ont tous contribué à façonner le plan et à faire en sorte qu’il corresponde aux besoins et aux attentes de ceux que nous servons.» L’ADC reçoit la Médaille d’or de l’impact de la facilitation À l’automne 2024, le gouvernement fédéral a présenté un projet de loi visant à modifier la législation sur les gains en capital, et l’Agence du revenu du Canada (ARC) met déjà en œuvre ces changements depuis le 25 juin 2024. Avec l’annonce de la prorogation du Parlement jusqu’au 24 mars 2025, la législation sur l’imposition du gain en capital est suspendue et devra être réintroduite lors d’une nouvelle session du Parlement. Conformément aux politiques fiscales administratives fondées sur la convention parlementaire, l’ARC exige généralement des contribuables qu’ils soumettent leur déclaration de revenus en fonction de la législation proposée. Par conséquent, les règles proposées pour l’imposition des gains en capital continuent en principe d’être en vigueur malgré la prorogation, et ce, jusqu’à ce que l’ARC émette toute autre annonce, orientation ou précision dans les prochains mois. Les dentistes doivent consulter leur fiscaliste pour obtenir des conseils particuliers au sujet de l’impôt sur les gains en capital. Prorogation du Parlement et imposition proposée des gains en capital Voir : bit.ly/3WTHHA3 13 Numéro 1 | 2025 |

#1 en termes de performance Les fonds du CDSPI, classés 1.800.561.9401 cdspi.com/fr/placements/ Parlez à un conseiller Performance des gammes de fonds distincts, 2023* Créé par des dentistes, le CDSPI est un organisme sans but lucratif qui vous aide à protéger ce qui compte et à faire fructifier votre patrimoine. * Source : Morningstar Direct 1Catherine HARRIS, « Seg funds struggled through another difficult year », Investment Executive, 11 mars 2024. ** Les fonds distincts sont régis par les réglementations relatives à l’assurance-vie et, lorsqu’un bénéficiaire privilégié est désigné, ces fonds peuvent offrir une protection contre les créanciers. • Des frais abordables sur une gamme diversifiée de fonds • Une gestion des investissements de classe mondiale • Mise à l’abri des créanciers** • Des conseils spécialisés de la part de planificateurs financiers agréés salariés du CDSPI Services consultatifs Inc.

«Durant la pandémie de COVID-19, les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation dentaire, tant des dentistes que des hygiénistes, ont diffusé de l’information sur les risques liés à la COVID-19 dans les cabinets dentaires, ainsi que sur les nouveaux protocoles et les nouvelles lignes directrices pour les soins Impressions des dentistes par rapport à la communication durant la pandémie Dr Sreenath Madathil Référence : McLaughlin KJ, Khanna M, Allison PJ, Glogauer M, McNally ME, Quiñonez C, Rock L, Siqueira W and Madathil SA. Community Dent Oral Epidemiol. 2024 Aug;52(4):462-68. Le Dr Madathil et ses collègues ont effectué une analyse qualitative arrimée à une étude prospective de cohorte de type longitudinal dont les données proviennent de questionnaires en ligne remplis par 644 dentistes du Canada, à intervalles réguliers, entre août 2020 et novembre 2021. L’équipe de recherche a aussi étudié les taux d’infection à la COVID-19 chez les dentistes et les hygiénistes dentaires et les ont publiés séparément. « Pendant la pandémie, les organismes de réglementation ont publié de l’information sur la COVID-19 dans leur site Web et ont envoyé des courriels aux dentistes au sujet notamment de l’équipement de protection individuel nécessaire, de la prévention des infections, des protocoles de dépistage auprès des patients et de l’utilisation de la télémédecine dentaire, explique le Dr Madathil. Cette information changeait rapidement, ce qui était difficile, mais inévitable. De plus, vu le grand nombre d’organismes de réglementation, l’information était parfois divergente. Avons-nous besoin de N95 ou non? Parfois, l’information était présentée dans de très longs documents dans lesquels il était difficile de s’y retrouver.» Les résultats de l’étude montrent que les dentistes ont vécu des défis et des moments de frustration pendant la pandémie de COVID-19. Ils ont dû se débrouiller pour voir clair dans une série de règlements et de communications de la part des organismes dentaires. Même si certaines entités ont offert des conseils utiles, bien des dentistes trouvaient que la communication entourant les lignes directrices auraient pu être meilleure. Ils voulaient des nouvelles rapides, claires et fréquentes, et ils ont déclaré avoir eu de la peine à s’y retrouver dans tout le foisonnement d’informations. Ils gardent une impression amère des communications vagues qui ont été envoyées sur les lignes directrices et qui ont ajouté à leur confusion et leur frustration. «Les dentistes ont eu une réaction plus positive quand ils ont pu voir clairement que les lignes directrices étaient fondées sur des données probantes», précise le Dr Madathil. L’étude suggère également que le resserrement de la collaboration entre les organismes de réglementation pourrait aider les dentistes à s’y retrouver plus facilement dans les messages. «La confiance portée à l’égard de nos organismes de réglementation est un élément important pour arriver à fonctionner efficacement en période de crise comme celle de la pandémie, ajoute le chercheur. Une bonne communication peut renforcer la confiance.» aux patients, rappelle le Dr Sreenath Madathil, professeur à la Faculté de médecine dentaire et des sciences de la santé buccodentaire de l’Université McGill et coauteur d’une étude sur la façon dont les dentistes ont perçu les communications de ces organismes durant la pandémie. Nous voulions évaluer jusqu’à quel point la communication entourant la COVID-19 avait été efficace, en période de difficultés, et déterminer l’utilité qu’en avaient tirée les dentistes.» 15 Numéro 1 | 2025 |

Le potentiel de l’implantation de microbiome buccal Le Dr Peter Zilm est chercheur et professeur agrégé à l’École de médecine dentaire d’Adélaïde en Australie. Le Dr Peter Zilm est un biochimiste et microbiologiste qui travaille depuis 40 ans dans le domaine de la microbiologie buccale. « Quand j’ai commencé, la recherche s’intéressait aux bactéries individuelles qui produisent de l’acide, comme les Streptococcus mutans, se rappelle‑t-il. Ensuite, elle s’est concentrée sur de petits groupes de bactéries appelés les biofilms. Aujourd’hui, elle porte sur 500 à 700 types de bactéries qui forment le microbiome buccal. » Certains microbiomes créent un milieu buccal acide qui peut entraîner des caries dentaires, tandis que d’autres n’ont pas cet effet. « Nous avons trouvé que certaines personnes ont de très bonnes dents, même si elles ont beaucoup de plaque, qu’elles ne se brossent pas les dents ou ne passent pas la soie dentaire aussi souvent qu’elles le devraient, et qu’elles consomment beaucoup de sucre, faitil remarquer. Leur microbiome buccal prévient les caries et les maladies, même en présence d’autres facteurs de risque. Dans le cadre de notre travail, nous avons trouvé de telles personnes, que nous appelons des “super donneurs” ». Grâce à une subvention du Conseil national de la santé et de la recherche médicale d’Australie, le Dr Zilm et son équipe ont recueilli des échantillons de microbiome buccal chez trois groupes de personnes : des donneurs optimaux, de bons donneurs et des donneurs suboptimaux. «Un donneur optimal a une alimentation et une hygiène dentaire médiocres, mais une bonne santé buccodentaire. Un bon donneur a une alimentation acceptable et une hygiène dentaire régulière, voit souvent le dentiste et a Nous allons séquencer l’ADN pour examiner les gènes spécifiques de ces bactéries et déterminer pourquoi certaines produisent plus d’acide que d’autres. 16 | 2025 | Numéro 1

une bonne santé buccodentaire. Le donneur suboptimal a eu des caries dans le passé, mais a maintenant une santé buccodentaire stable1. » Un groupe de recherche de l’Université d’État de Pennsylvanie, dirigé par la professeure Laura Weyrich, procède au séquençage de l’ADN des bactéries présentes dans les échantillons de microbiome buccal prélevés par l’équipe du Dr Zilm. «Nous cartographions le microbiome de la bouche de ces personnes et ce travail se poursuit», précise le Dr Zilm. L’un des doctorants de l’équipe du Dr Zilm a développé les milieux pour isoler les S. mutans de différents donneurs. «Nous avons préparé un bouillon de culture, ajouté du sucre et mesuré le niveau de pH après 30 minutes environ», détaille le Dr Zilm. L’expérience a révélé d’importantes différences dans la quantité d’acide produit par les différentes souches de S. mutans. «Nous allons séquencer l’ADN pour examiner les gènes spécifiques de ces bactéries et déterminer pourquoi certaines produisent plus d’acide que d’autres.» Le Dr Zilm et son équipe ont mené une expérience sur des rats pour voir si l’implantation du microbiome provenant d’un super donneur pourrait protéger les dents contre les caries. «Il existe déjà un modèle de carie des rats bien documenté, où les rats sont soumis à un régime riche en saccharose», souligne le Dr Zilm. Au cours de l’expérience, du microbiome buccal, provenant soit de donneurs optimaux, soit de donneurs suboptimaux, a été implanté chez deux groupes de rats. «Pendant trois jours, nous avons commencé par laver la bouche des rats avec un bain de bouche à la chlorhexidine pour supprimer leur microbiome existant, puis nous avons implanté le microbiome provenant des donneurs», explique-t-il. Les rats ont ensuite suivi un régime riche en sucre pendant quatre jours. Pour veiller à la sûreté de la démarche, l’équipe a prélevé du sérum sanguin pour tester les marqueurs inflammatoires et des échantillons de l’intestin pour faire un examen histologique. Elle a également prélevé des échantillons du microbiome buccal des rats et examiné leurs mâchoires à la recherche de caries. « Nous avons constaté une diminution statistiquement significative des caries chez les rats, pour les deux types de donneurs, révèle le Dr Zilm. Nous avons été un peu surpris de constater que cette idée fonctionnait parce qu’elle était tout à fait novatrice.» L’équipe analyse encore les données de l’expérience pour voir si le microbiome implanté a été complètement modifié ou si un microbiome hybride s’est formé. Le Dr Zilm croit que l’implantation de microbiome buccal chez l’humain pourrait faire partie intégrante de la prévention des caries à l’avenir. «Dans une toute première étude, l’équipe de recherche a simplement prélevé un échantillon de plaque d’un chien donneur et l’a implanté dans la bouche d’un chien receveur atteint de parodontite, explique le Dr Zilm. Il était impossible de le faire chez l’humain, parce que des virus et d’autres agents pathogènes auraient pu éventuellement être transmis.» L’équipe du Dr Zilm prélève des échantillons sur des donneurs humains, puis les cultive in vitro dans de la salive artificielle sur des disques d’hydroxyapatite imprimée en 3D, qui a des propriétés similaires à celles de l’émail. À l’avenir, le biofilm sera séquencé, ce qui permettra d’en déterminer la composition exacte, puis il sera stocké dans une biobanque jusqu’à ce qu’il soit utilisé 2. «Pour l’instant, tout est encore théorique, mais je peux imaginer qu’un jour, les implantations de microbiome pourraient se faire dans les cabinets dentaires.» Pour l’équipe du Dr Zilm, la prochaine étape consiste à mener une étude clinique chez l’humain. «Divers groupes s’intéressent beaucoup à nos travaux, parce que l’implantation de microbiome offre une nouvelle façon d’envisager des solutions aux maladies buccodentaires telles que les caries et les maladies parodontales», déclare-t-il. Références : 1. Nath S, Zilm PS, Jamieson L, Ketagoda DHK, Kapellas K, Weyrich L. Characterising healthy Australian oral microbiomes for 'super donor' selection. J Dent. 2024; Oct 24:105435. 2. Ketagoda DHK, Varga P, Fitzsimmons T, Moore N, Weyrich L, Zilm P. Development of an in vitro biofilm model of the human supra-gingival microbiome for Oral microbiome transplantation. J Microbiol Methods. 2024; Aug 223:106961. Le Dr Peter Zilm (2e à partir de la gauche) et son équipe de recherche à l’école dentaire de l’Université d’Adélaïde. 17 Numéro 1 | 2025 | L’observatoire

Foire aux questions sur la santé buccodentaire et le vieillissement La Dre Noha Gomaa, professeure adjointe et directrice de recherche associée à l’École Schulich de médecine et de médecine dentaire, et son équipe ont publié récemment un article qui porte sur l’incidence de l’accès à des soins buccodentaires sur le bien-être des personnes âgées au Canada1. Cette étude évalue la portée du lien entre une santé buccodentaire sous-optimale et la multimorbidité chez les adultes d’âge moyen et les adultes âgés en plus de déterminer si un accès amélioré à des soins buccodentaires peut changer la donne. Q Qu’est-ce qui vous a incitée à mener cette étude? Dre Noha Gomaa (NG) : Une partie du travail de mon groupe de recherche à l’Université Western porte sur la définition des liens entre la santé buccodentaire et la santé globale à l’échelle de la population, y compris sur l’incidence des interventions buccodentaires sur la santé globale. Avec la collaboration sur le vieillissement en bonne santé entre les Nations unies et l’Organisation mondiale de la santé, le Canada et le reste du monde cherchent de plus en plus à comprendre les déterminants de la santé chez les populations âgées. Toutefois, la santé et les soins buccodentaires sont souvent exclus de ces efforts. Nous avons cherché à comprendre comment la santé buccodentaire contribue au fardeau des maladies chroniques, ou la multimorbidité, chez les personnes âgées au Canada et à examiner le rôle de l’accès aux soins buccodentaires dans cette équation. Q Quelles données utilisez-vous dans cette étude? NG : Mon laboratoire puise dans les données de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement pour étudier les déterminants sociaux et biologiques de la santé buccodentaire liés au vieillissement. Nous disposons ainsi d’un échantillon national de 50 000 Canadiens et Canadiennes d’âge moyen et d’âge plus avancé qui sont suivis dans le temps. Cette étude longitudinale comprend les mesures de santé buccodentaire et les maladies Les hommes sont d’habitude plus susceptibles d’avoir une mauvaise santé buccodentaire, mais nous avons été étonnés de constater que les femmes âgées étaient plus affectées par le manque d’accès à des soins buccodentaires que les hommes. 18 | 2025 | Numéro 1

chroniques autodéclarées, ainsi que des variables sociodémographiques et biologiques exhaustives, ce qui la rend très adaptée à nos questions de recherche. Q Quelles sont vos principales conclusions? NG : Conformément à notre hypothèse, nous avons constaté que les personnes ayant une mauvaise santé buccodentaire avaient de multiples affections chroniques, ce que l’Agence de la santé publique du Canada définit collectivement comme la multimorbidité. Les troubles de santé buccodentaire ont déjà été associés à des maladies chroniques en particulier, comme le diabète, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires chroniques et les maladies mentales, mais nous en savons peu sur leur concomitance. Nous avons également constaté que le risque de multimorbidité était plus élevé chez les personnes n’ayant pu consulter un dentiste dans la dernière année ou ayant déclaré avoir des difficultés à accéder à des soins buccodentaires faute de moyens financiers ou d’une assurance dentaire. Ces résultats mettent en évidence à quel point la santé buccodentaire et le bien-être général sont liés et font ressortir la nécessité de mettre en place des politiques pour aider les personnes âgées atteintes de maladies chroniques à obtenir des soins buccodentaires. Q Pourquoi étudier l’accès aux soins dentaires chez les personnes âgées? NG : Bien des aînés sont confrontés à des défis uniques. Avec l’âge, ils sont plus susceptibles d’avoir des affections chroniques comme le diabète et les maladies cardiovasculaires. Or, nous savons que ces affections sont liées à la santé buccodentaire. De plus, de nombreuses personnes âgées n’ont plus d’assurance dentaire à la retraite, ce qui rend les soins buccodentaires plus difficiles à payer. Pourtant, c’est généralement au troisième âge que les besoins buccodentaires sont les plus importants, car le vieillissement physiologique affecte les tissus buccodentaires. En 1971, Julian Tudor Hart a postulé le concept de la «loi inverse des soins», selon lequel la disponibilité de soins médicaux de qualité est inversement proportionnelle au besoin de la population desservie. Il s’agit d’un exemple de ce concept; il est très important que les aînés aient accès à des soins buccodentaires de qualité, ce qui explique pourquoi nous voulions examiner l’incidence sur la santé et le bien-être des aînés. Les régimes provinciaux de soins dentaires pour les aînés et, plus récemment, le Régime canadien de soins buccodentaires constituent de bonnes initiatives en ce sens, et nous espérons voir l’incidence de ces interventions ciblées sur cette population. Q Quels résultats de cette étude vous ont surpris? NG : Des études antérieures sur les inégalités en matière de santé buccodentaire nous ont amenés à penser qu’il y avait des liens entre une santé buccodentaire sous-optimale et de multiples maladies chroniques. Or, il se trouve que ce phénomène est encore exacerbé par le manque d’accès à des soins buccodentaires et qu’il est particulièrement évident chez les adultes âgés. Nous avons aussi mené une autre étude pour déterminer si l’accès à des soins buccodentaires avait une incidence différente entre les hommes et les femmes pour ce qui est du fardeau des morbidités chroniques. Les hommes sont d’habitude plus susceptibles d’avoir une mauvaise santé buccodentaire, mais nous avons été étonnés de constater que les femmes âgées étaient plus affectées par le manque d’accès à des soins buccodentaires que les hommes. À bien y réfléchir, c’est logique, car les femmes font généralement face à plus d’obstacles socioéconomiques et sont plus susceptibles d’avoir un revenu faible et fixe au troisième âge, ce qui se répercute sur l’accès à des soins buccodentaires. Q Quelles autres questions de recherche cette étude a-t-elle soulevées? NG : Jusqu’à présent, nos recherches ont bien permis de dégager des associations. Nous voulons maintenant comprendre s’il existe des liens de cause à effet entre la santé buccodentaire et la santé globale. Plus important encore, nous voulons «briser le cycle» en déterminant l’incidence des interventions en matière de santé buccodentaire. Mon équipe a récemment reçu une subvention Catalyseur des Instituts de recherche en santé du Canada pour définir précisément les effets à long terme d’un bon accès à des soins buccodentaires sur la santé buccodentaire et la santé globale des personnes âgées et pour examiner les déterminants généraux et géographiques de la santé. Ce travail est en cours, et nous avons hâte de communiquer nos résultats bientôt. Référence : 1 Limo L, Nicholson K, Stranges S, Gomaa N. Suboptimal Oral Health, Multimorbidity, and Access to Dental Dare. JDR Clinical & Translational Research. 2024;9(1_suppl):13S-22S. Nous avons cherché à comprendre comment la santé buccodentaire contribue au fardeau des maladies chroniques, ou la multimorbidité, chez les personnes âgées au Canada et à examiner le rôle de l’accès aux soins buccodentaires dans cette équation. 19 Numéro 1 | 2025 | Point de mire

Détection de caries à l’aide de l’IA Un groupe de chercheurs, dirigé par le Dr Mohammad Moharrami, doctorant et résident en santé publique dentaire à l’Université de Toronto, a publié une revue systémique1 portant sur la performance de modèles d’intelligence artificielle (IA) pour détecter des caries à partir de photographies intrabuccales. La revue a montré que l’IA peut contribuer au dépistage buccodentaire, à la prise de décisions cliniques et à la communication entre les patients et les dentistes, ainsi qu’à la télémédecine dentaire. Concernant les prises de décision clinique, l’étude suggère que les modèles d’IA détecteraient mieux les caries primaires que les caries secondaires, probablement en raison de la variabilité du tableau clinique des caries secondaires et du plus petit nombre de ces caries étiquetées dans les ensembles de données. En outre, les études ayant utilisé l’IA qui ont collecté des données à partir d’images de caméras professionnelles et de caméras intrabuccales ont obtenu de meilleurs résultats que celles qui ont utilisé des images de téléphones intelligents. Toutefois, il faut poursuivre la recherche en vue de mettre en œuvre des modèles d’étude plus solides, d’utiliser des indicateurs normalisés ainsi que des ensembles de données plus important et de prendre en compte la gravité des lésions carieuses. L’ADC a réuni des chercheurs – les Drs Michael Glogauer, Sonica Singhal et Mohammad Moharrami – pour discuter de la revue et des conséquences de l’utilisation potentielle de l’IA en médecine dentaire. Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté. 20 | 2025 | Numéro 1

Dr Michael Glogauer (MG) : Dans une perspective globale, je pense que tous les secteurs de l’économie craignent que l’IA ne remplace l’humain. Mais je ne pense pas que c’est ce qui se produira. Au contraire, les personnes qui utilisent l’IA remplaceront celles qui ne l’utilisent pas. J’ai remarqué à quel point l’Internet a modifié presque tous les aspects de notre quotidien. L’IA fera la même chose, mais avec encore plus d’ampleur. L’IA pourrait être fantastique pour la médecine dentaire, tant sur le plan de la technologie que de la formation. Dr Mohammad Moharrami (MM) : À titre de doctorant, quand j’ai commencé à fouiller les recherches sur l’IA en médecine dentaire, j’ai remarqué les mêmes sources de données et algorithmes qu’en médecine, mais bien évidemment elles portaient sur des résultats différents. Certaines applications commerciales misent sur l’IA pour faciliter le diagnostic à partir de radiographies, mais il y a peu de recherches sur l’utilisation de photographies buccales comme source de données. Or, ces photographies pourraient constituer une excellente source de données si nous voulons miser sur la prévention et démocratiser l’utilisation de cette technologie, tant pour les dentistes que pour le public. Dre Sonica Singhal (SS) : Les caries dentaires constituent la maladie chronique la plus répandue dans le monde et représentent un fardeau considérable. L’amélioration du traitement et de la prévention de cette affection courante pourrait améliorer la qualité de vie de milliards de personnes. Nous croyons que l’utilisation de l’IA avec de nombreuses photographies buccodentaires pourrait s’avérer un outil de santé publique très puissant pour les fournisseurs de soins buccodentaires. Elle pourrait renforcer les soins préventifs et améliorer les résultats en matière de santé buccodentaire à l’échelle de la population grâce à la détection précoce, à l’évaluation à distance et à l’apprentissage par le biais d’un retour d’information personnalisé. Je dis sciemment «outil»; l’IA ne peut pas remplacer le travail des fournisseurs de soins buccodentaires, mais elle peut néanmoins constituer une ressource précieuse. Notre revue systématique visait à évaluer l’efficacité de l’utilisation des images dans la détection des caries. Jusqu’à quel point l’IA est-elle fiable? Produit-elle de faux positifs? Avec l’IA, la qualité de l’outil dépend de la qualité des données sur lesquelles il est entraîné. MG : En médecine dentaire, il existe une riche source de données non invasives qui sont à la fois obtenues par des professionnels et produites par les patients eux-mêmes. En arrivant à exploiter ces images, nous pourrions créer des outils d’une valeur inestimable pour dépister les caries, en particulier chez les personnes pour qui il est difficile d’avoir accès à des services de médecine dentaire. Ce type d’outil pourrait être très avantageux pour la santé publique. MM : Pour la revue systématique, nous avons scruté plus de 3000 études et sélectionné 19 articles qui avaient directement trait à l’utilisation de l’IA pour la détection de caries à partir de photographies buccales. Certaines études sont fondées sur des photos de téléphones intelligents comme principale source de données, et d’autres sur des images de caméras professionnelles ou de caméras intrabuccales. Par rapport aux images annotées par les dentistes, qui ont posé le diagnostic en premier lieu, les modèles d’IA ont fourni une performance acceptable selon les mesures rapportées. Les images de caméras intrabuccales ont mené à de meilleurs résultats que celles de caméras professionnelles, qui ont, elles, donné de meilleurs résultats que celles de téléphones intelligents. Cela est logique puisque la qualité des images est tout simplement supérieure. En tant que dentistes, nous préférons nous-mêmes regarder des images de la qualité la plus élevée. En ce qui a trait aux algorithmes de l’IA, les lecteurs doivent faire la distinction entre les algorithmes à une étape et ceux à deux étapes. Les modèles à deux étapes prennent plus de temps à former et à fournir des inférences, mais ils sont généralement plus précis. Ils nécessitent aussi plus de puissance de calcul et de ressources, ce qui fait qu’ils ne sont généralement pas installés sur des appareils portables tels que les téléphones intelligents, du moins au moment de la publication de notre article. En médecine dentaire, il existe une riche source de données non invasives qui sont à la fois obtenues par des professionnels et produites par les patients eux-mêmes. En arrivant à exploiter ces images, nous pourrions créer des outils d’une valeur inestimable pour dépister les caries. 21 Numéro 1 | 2025 | L’observatoire

La plupart des études ont entraîné les modèles d’IA à l’aide d’annotations d’images fondées uniquement sur les diagnostics posés par des dentistes à partir d’images, et non d’un examen clinique, ce qui pourrait être acceptable pour le dépistage épidémiologique. Or, si la base de données de l’IA n’est pas bâtie sur des diagnostics issus d’examens cliniques, elle sera plus susceptible de fournir de faux positifs. Ce qui pourrait sembler être une carie pourrait ne pas être une lésion active en réalité. Cela pourrait conduire au surtraitement, ce qui est l’une des préoccupations exprimées lors de notre recherche. SS : J’aimerais insister sur ce que le Dr Moharrami vient de dire. Pour que ces outils soient efficaces dans un cabinet dentaire, ils doivent être fondés sur une gamme variée de données sources et les caries dentaires des photos utilisées doivent avoir été diagnostiquées à la suite d’un examen clinique. Si les outils d’IA utilisés dans ces études peuvent être utiles dans un contexte de santé publique, comme le dépistage en milieu scolaire, ils ne sont pas encore adaptés à une utilisation dans un cabinet dentaire. Le principe de prévention quaternaire, fait qu’il convient de veiller à ce qu’un outil, tel que l’IA, ne conduise pas à des traitements excessifs. MM : Ce domaine d’étude reste encore largement à explorer, et les études font ressortir d’autres utilités de l’IA pour les photographies buccales, comme le dépistage des lésions précancéreuses et certains résultats orthodontiques. Je souhaite maintenant examiner si l’IA et les photographies buccales pourraient être efficaces pour détecter la plaque dentaire et la gingivite. Nous explorons également la possibilité d’une recherche originale utilisant les données de notre clinique de la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto. La médecine dentaire n’a pas réussi à tirer parti de l’IA aussi rapidement que la médecine, notamment parce que nous n’avons pas autant de données facilement accessibles en santé buccodentaire. Les plus grosses études incluses dans notre revue ne comportaient qu’environ 1000 photographies buccodentaires, ce qui est relativement peu par rapport à d’autres domaines. Pour créer des outils d’IA efficaces, il faut amasser davantage de données de haute qualité et les rendre accessibles. En tant que chercheur, j’aimerais simplement que nous ayons plus de données dans le domaine de la santé buccodentaire. SS : Le lancement du Régime canadien de soins dentaires laisse entrevoir de grandes possibilités d’avancement. Les dentistes de tout le Canada, qui fournissent des soins à des millions de personnes admissibles à ce programme, effectuent des examens cliniques, prennent des radiographies et des photographies buccales, et établissent des diagnostics. L’organisme de financement, l’administrateur du régime et les associations dentaires peuvent unir leurs efforts pour créer une banque de données anonymes, qui pourrait constituer une ressource importante pour améliorer ce type d’outil d’IA. MM : À ce stade-ci, une grande partie du travail a déjà été effectuée. L’infrastructure et les algorithmes d’IA existent et nous avons aujourd’hui la puissance de calcul nécessaire pour entraîner et déployer des modèles d’IA. Il s’agit maintenant d’avoir les bonnes données pour pouvoir créer des outils qui serviront à l’amélioration de la santé buccodentaire. Référence : 1. Moharrami M, Farmer J, Singhal S, Watson E, Glogauer M, Johnson AEW, Schwendicke F, Quinonez C. Detecting dental caries on oral photographs using artificial intelligence: A systematic review. Oral Dis [Internet]. 2023;30(4):1765-83. Ce domaine d’étude reste encore largement à explorer, et les études font ressortir d’autres utilités de l’IA pour les photographies buccales, comme le dépistage des lésions précancéreuses et certains résultats orthodontiques. 22 | 2025 | Numéro 1 L’observatoire

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